Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2011, présentée pour M. Jean A, demeurant ... par Me Kadri, avocat;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703596 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- avant d'évaluer d'office des bénéfices non commerciaux, l'administration aurait dû lui adresser une mise en demeure de déposer une déclaration de revenu dans cette catégorie ;
- en effet, seuls étaient tenues de se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises, les personnes exhaustivement visées par l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, ce qui n'est pas le cas d'une personne qui détourne des fonds ;
- l'administration n'est pas en droit de l'imposer sur la totalité de la somme détournée soit 10 millions de francs, mais seulement sur le montant de la commission perçue, soit 272.000 francs ;
- en ne fondant pas le redressement sur la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration a pris une interprétation formelle d'un texte fiscal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les moyens présentés par le requérant se rattachent exclusivement aux impositions mises en recouvrement au titre de l'année 1999 ;
- en outre, le quantum du litige doit être limité à un montant supérieur à la somme de 272 000 F en base, admise par le requérant ;
- l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction antérieure au décret du 19 mars 2002 ne limitait pas les personnes tenues de se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises à celles exerçant une activité non commerciale à titre de profession habituelle ;
- l'administration n'était pas tenue d'adresser au requérant une mise en demeure de souscrire une déclaration de revenu dans cette catégorie ;
- l'administration peut se prévaloir d'un faisceau d'indices reconnu par le juge pénal, dont elle entend revendiquer l'autorité de la chose jugée, mettant en évidence la disposition des sommes d'environ 10 millions de francs ;
- indépendamment de l'usage fait par les sommes en cause, l'administration pouvait les taxer l'année au cours de laquelle le requérant en a eu la disposition ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2012, présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2012 :
- le rapport de M. Trottier, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Considérant que M. A a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 ; qu'au cours de ce contrôle, l'administration fiscale a reçu communication de l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, d'un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en matière correctionnelle, en date du 21 janvier 2003 condamnant l'intéressé pour recel de biens provenant d'un délit ; qu'après avoir rattaché la somme de 10 789 387 F au revenu global de M. A au titre de l'année 1999 sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, l'administration a obtenu du Tribunal administratif de Strasbourg une substitution de base légale par l'imposition de cette somme, par voie d'évaluation d'office, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il ressort de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 1er juillet 2003, confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 21 janvier 2003, que M. A a reçu des chèques, détournés au détriment de la société France Télécom Interactive, qu'il avait encaissés en 1999 en Suisse sous une fausse identité ; qu'il n'est pas contesté que les sommes ainsi détournées par le contribuable, qu'il n'est pas possible de rattacher à une autre catégorie de bénéfices, constituent des bénéfices non commerciaux et doivent dès lors être imposées dans cette catégorie ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue par l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévue au 1° et aux 2° " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office... n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises... " ; qu'aux termes du I de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " (...) 7. Les centres des impôts créent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1 à 6 (...) : /c) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux " ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions qu'elles autorisent l'administration à évaluer d'office sans mise en demeure préalable, les bénéfices réalisés par les auteurs de détournements de fonds, lesquels sont imposables dans la catégories des bénéfices non commerciaux, du seul fait qu'ils ne se sont pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie tenant à l'envoi, préalablement à la procédure d'évaluation d'office, d'une mise en demeure de souscrire une déclaration de bénéfices non commerciaux ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ;
Considérant que la Cour d'appel de Versailles a relevé que M. A avait encaissé les chèques détournés et " par ailleurs admis avoir reçu une commission d'un montant de 272 000 francs " ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, les énonciations de la décision du juge pénal ne permettent pas de conclure que l'administration n'aurait dû l'imposer que sur le montant d'une commission de 272.000 francs ; que M. A, qui n'établit pas qu'il aurait reversé au cours de la même année le montant de 10 517 387 francs correspondant à trois chèques déposés en Suisse en 1999, doit être regardé comme ayant eu au cours de cette année la disposition des sommes en litige, au sens des dispositions précitées de l'article 12 du code général des impôts ;
Considérant, enfin, qu'à supposer que le requérant, qui avait été imposé sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts, ait entendu opposer à l'administration fiscale l'absence de redressement dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le fondement initialement retenu, sur lequel l'administration est revenue par la substitution de base légale accordée à bon droit par les premiers juges, ne saurait constituer une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. A la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean A et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
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N° 11NC01123