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02/08/2012 | FRANCE | N°11NC00584

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 août 2012, 11NC00584


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2011, complétée par un mémoire en date du 14 décembre 2011, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY (C.U.G.N.), représentée par son président en exercice, élisant domicile 22-24 Viaduc Kennedy à Nancy (54035), par Me Luisin, avocat ;

La COMMNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY demande à la Cour :

1°)d'annuler le jugement n° 0802350 en date du 15 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser au groupement solidaire d'entreprises dont la SA Colas Est Est mandataire

une somme de 1 035 289,41 euros hors taxe (un million trente-cinq mille deux ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2011, complétée par un mémoire en date du 14 décembre 2011, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY (C.U.G.N.), représentée par son président en exercice, élisant domicile 22-24 Viaduc Kennedy à Nancy (54035), par Me Luisin, avocat ;

La COMMNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY demande à la Cour :

1°)d'annuler le jugement n° 0802350 en date du 15 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser au groupement solidaire d'entreprises dont la SA Colas Est Est mandataire une somme de 1 035 289,41 euros hors taxe (un million trente-cinq mille deux cent quatre vingt neuf euros et quarante et un centimes hors taxe), avec intérêts à compter du 22 mai 2002, les intérêts échus le 17 juin 2010 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) de rejeter la demande de la Société Colas Est devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Elle soutient que :

- le décompte général a été accepté par l'entreprise, il est devenu définitif et par suite la requête était irrecevable ;

- la réfaction effectuée au poste 01-01 est fondée ;

- les réclamations fondées sur des attachements ou constats contradictoires ne sont pas fondées, et il y a lieu de retenir les constatations du maître d'oeuvre ;

- la réfaction concernant le poste 01-08 est justifiée dès lors que les travaux n'ont pas été entièrement exécutés ;

- les autres réfactions reposent exclusivement sur des fiches d'attachement qui n'ont aucun caractère contradictoire ;

- l'indemnisation de travaux supplémentaires doit être rejetée ;

- les sujétions imprévues n'étaient ni imprévisibles ni exceptionnelles ;

- si la société se réfère à l'avis rendu par le CCIRA, ledit avis a été rendu dans des conditions irrégulières ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2011, complété par un mémoire en date du 19 juin 2012, pour la société Colas Est, ayant son siège social Immeuble Echangeur, 44 boulevard de la Mothe à Nancy (54008), par Me Vignon, avocat ;

La société Colas Est conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a jugé que la CUGN ne devait être condamnée qu'à hauteur de 1 035 289,41 euros HT, et porter la condamnation de la CUGN à la somme totale de 1 947 846,34 euros HT, avec intérêts à compter du mémoire en réclamation du décompte général ;

- et à ce que la CUGN lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle a adressé dans les délais son mémoire en réclamation ; qu'au surplus le décompte général a été adressé par une personne incompétente dont la CUGN ne rapporte pas la preuve qu'elle était responsable du marché en lieu et place du président de la CUGN, personne responsable du marché aux termes de l'acte d'engagement ;

- la CUGN ne formule aucune critique à l'égard de la somme de 108 069,39 € retenue par le Tribunal au titre des travaux supplémentaires, et la Cour ne pourra que confirmer le jugement ;

- la CUGN doit régler l'intégralité du prix forfaitaire prévu au marché pour les prestations prévues au poste 0.1.01 " installations de chantier " en raison du caractère global et forfaitaire du prix du marché, et ce quelque soient les quantités réellement mises en oeuvre ; la circonstance que les travaux aient été réalisés par une entreprise tierce est inopérante ;

- la contestation du caractère formel des attachements et constats contradictoires n'est pas fondée dès lors qu'elle a produit des fiches récapitulatives reprenant les indications portées sur les attachements signés par le maitre d'oeuvre ; il n'est pas démontré que les attachements n'auraient pas été rédigés le jour du constat ; la CUGN ne démontre pas que les prestations ne pouvaient faire l'objet de constatations le jour auquel les constats ont été demandés ; elle est fondée à demander le règlement des prestations réellement exécutées en s'appuyant sur lesdits attachements ;

- la réfaction opérée par le maître d'ouvrage sur le poste à prix forfaitaire 0.01.08 (contrôle des études d'exécution) n'est pas justifiée, dès lors que le prix du marché est à caractère global et forfaitaire ; la CUGN n'apporte pas la preuve que le groupement titulaire du lot 1 n'aurait pas exécuté l'ensemble des prestations devant être accomplies en exécution de cette mission ; si le maître d'oeuvre a préconisé l'application de ladite réfaction, le CCIRA ne l'a pas considéré comme justifiée ;

- en ce qui concerne les autres réfactions, les fiches d'attachement doivent servir d'éléments d'appréciation pour :

* le poste 0.02.06 : libération des emprises : mâts caténaires : elle justifie de 45 unités ;

* le poste 0.3.7 : démolition de trottoirs, îlots et accotements existants : elle soutient avoir réalisé pour 11 890,63m3 ;

* le poste 1.1.05 : travaux de couche en béton maigre : elle soutient que lesdits travaux ont été attachés en cours de chantier à hauteur de 3 746,99m3 hors travaux supplémentaires ;

* le poste 2.1.04 : exécution de fouilles en tranchée : les constats contradictoires établis en cours d'exécution de chantier permettent d'établir une intervention du groupement d'entreprises sur 19 510,96 m3 ;

* le poste 2.1.08 : remblais en grave : les constats contradictoires prouvent la réalisation de 9 539,35 m3 ;

- en ce qui concerne les travaux supplémentaires : elle soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement, qui ne permet pas de savoir en quoi lesdits travaux auraient pu être déjà pris en compte par le marché ; les travaux supplémentaires réclamés, à savoir les travaux de carottage de dalles granit, la réalisation de joints sur dallage béton des trottoirs, la mise en oeuvre manuelle des enrobés, le percement et la réfection d'un transformateur EDF, la réalisation de sondages pour les canalisations, n'étaient pas des prestations prévues au marché et ont été indispensables à la réalisation du marché;

- les autres travaux supplémentaires sont dus :

* la pose de granit sur chape a été demandée par la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre ;

* la réalisation de remblais pour les ouvrages démolis : le Tribunal a limité sans explication ladite réclamation ;

* chanfreins en enrobés côté façades entre les secteurs 4.1.2 et 4.1.5 et pose de coffrets EDF : les travaux ont été utiles ; les coffrets en fouille ont été posés et acceptés à la demande du maître d'oeuvre ;

- sur les sujétions imprévues :

* elles sont justifiées car la circulation des bus a été conservée durant tout le chantier en méconnaissance des stipulations contractuelles ;

* l'installation de chantier était prévue pour une durée de quinze mois et par ordre de service n° 21 la durée a été prolongée de 3 mois supplémentaires ; la signalisation a aussi été prolongée pour la même durée ainsi que le barriérage ;

* la mission de coordination a été prolongée de 15 à 18 mois ;

* le retard de livraison de granit a conduit à une baisse d'occupation du personnel pour 50% ;

* la société a effectué des interventions de réfections de fouilles pour un total de 25 semaines ;

* vérification du barriérage de sécurité ;

* déplacement du barriérage sur demande de la police municipale ;

* amenée, mise en place et repli du barriérage pour réouverture de fouilles pour la mise en place des boîtes de branchement oubliées par différents concessionnaires ;

* déplacement du barriérage de sécurité pour modification du sens de circulation ;

* arrêt de chantier dû à une manifestation d'agriculteurs ;

* adaptation des travaux suite au passage d'un convoi exceptionnel ;

* modification de planning afin de parer aux urgences imposées par les différents concessionnaires ;

- les critiques formulées à l'encontre de l'avis émis par le CCIRA sont inopportunes et infondées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Luisin, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY., ainsi que celles de Me Carré, avocat de la société Colas Est ;

Sur le règlement financier du marché :

Considérant qu'en 1999, la COMMNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY a confié à un groupement solidaire d'entreprises, dont la SA Axima Nord était mandataire, le lot " voirie et réseaux " du marché passé en vue de la réalisation de travaux d'infrastructure dans le secteur 4 de la première ligne de tramway ; que la société Colas Est, venant aux droits de la société Axima Nord, a demandé, en sa qualité de mandataire, la réintégration dans le décompte du marché de sommes ayant fait l'objet de réfactions, le paiement de travaux supplémentaires et l'indemnisation de sujétions imprévues ;

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY à la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976 et applicable au marché en litige : " Décompte des délais - Formes des notifications. / 5.1. Tout délai imparti dans le marché au maître de l'ouvrage, à la personne responsable du marché, au maître d'oeuvre ou à l'entrepreneur commence à courir le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. / 5.2. Lorsque le délai est fixé en jours, il s'entend en jours de calendrier et il expire à la fin du dernier jour de la durée prévue. / (...) / Lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit. / 5.3. Lorsque, en exécution des dispositions du marché, un document doit être remis, dans un délai fixé, par l'entrepreneur au maître d'oeuvre, à la personne responsable du marché ou au maître de l'ouvrage, ou réciproquement, ou encore lorsque la remise d'un document doit faire courir un délai, le document doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. La date du récépissé ou de l'avis de réception postal est retenue comme date de remise de document. " ; qu'aux termes de l'article 13 du même cahier des clauses administratives générales : " Modalités de règlement des comptes (...) :13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) 13.45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. / (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY n'a pas fait parvenir à la société SA Axima Nord le décompte général par lettre envoyée avec accusé de réception ; que, par suite, elle ne peut établir la date exacte à laquelle la société l'a réceptionné ; qu'en conséquence, la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY n'établit pas que le délai de quarante cinq jours a été dépassé, et il ne peut, dans ces conditions, être fait droit à la fin de non-recevoir tirée de ce que le décompte du marché serait devenu général et définitif en application de l'article 13.45 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en litige; que par ailleurs, en tout état de cause, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY ne conteste pas que le directeur général adjoint des services techniques n'avait pas délégation pour notifier régulièrement le décompte général ; que cette seule circonstance s'oppose à ce que le délai de réclamation puisse commercer à courir, et par suite, à ce que le décompte général devienne définitif ;

En ce qui concerne les conclusions principales et incidentes :

S'agissant des réfactions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11.2 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en litige : / 11.2. Travaux à l'entreprise : / 11.21. Les travaux à l'entreprise sont rémunérés soit à l'aide de prix forfaitaires, soit à l'aide de prix unitaires, soit, si la réglementation le permet, en dépenses contrôlées, soit encore en recourant à une formule mixte faisant intervenir plusieurs des modes ci-dessus. Suivant les indications du marché, chacun des modes de rémunération retenu s'applique à tout ou partie des travaux. / 11.22. Dans le cas d'application d'un prix forfaitaire, le prix est dû dès lors que l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'ensemble de prestations auquel il se rapporte a été exécuté ; les différences éventuellement constatées, pour chaque nature d'ouvrage ou chaque élément d'ouvrage, entre les quantités réellement exécutées et les quantités indiquées dans la décomposition de ce prix, établie conformément au 32 de l'article 10, même si celle-ci a valeur contractuelle, ne peuvent conduire à une modification dudit prix ; il en est de même pour les erreurs que pourrait comporter cette décomposition. / (...) " ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort du bordereau des prix unitaires voirie et réseau du lot n° 1 que le poste 01-01 " installation de chantier ", rémunéré forfaitairement pour une somme de 4 700 000 francs, a fait l'objet d'une réfaction pour un montant de 149 800 francs hors taxes au motif, ressortant du mémoire explicatif du décompte final en date du 18 décembre 2001, que l'éclairage du chantier n'a pas été réalisé par le groupement d'entreprises du lot n° 4, mais confié par la CUGN au groupement d'entreprises du lot n° 2 et rémunéré sur bon de commande pour un montant de 149 800 francs HT ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'éclairage du chantier relève du poste 01-01 ; que, par suite, la réfaction sur le poste 01-01 d'un montant de 149 800 F HT n'est pas fondée et la CUGN devait verser l'intégralité du prix forfaitaire prévu sur ledit poste, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort du bordereau des prix unitaires voirie et réseau du lot n° 1, que le poste 01-08 " contrôle externe des études d'exécution " rémunère " forfaitairement, le contrôle externe des études d'exécution réalisé par l'entrepreneur dans le cadre de son PAQ pour l'ensemble des travaux, conformément au CCAP et au CCTP " pour un montant de 200 000 francs ; que, par mémoire explicatif du décompte final en date du 18 décembre 2001, il est précisé que " cette prestation supposait la désignation expresse et la mise en place d'intervenants extérieurs qui devaient produire des notes d'observations, et que seules des interventions spécifiques relatives au dimensionnement des chaussées a été réalisé " permettant ainsi une économie de 150 000 francs HT, sans que la société n'établisse avoir effectué le contrôle externe des études d'exécution, tel que prévu, par la production de notes d'observations ; que, par suite, faute pour l'entreprise d'avoir réalisé l'intégralité de la prestation, la réfaction opérée par la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY est fondée, contrairement à ce que soutient la société Colas Est, dont les conclusions incidentes doivent être rejetées de ce chef ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en litige : " Constatations et constats contradictoires. / 12.1. Au sens du présent article, la constatation est une opération matérielle, le constat est le document qui en résulte. / 12.2. Des constatations contradictoires concernant les prestations exécutées ou les circonstances de leur exécution sont faites sur la demande, soit de l'entrepreneur, soit du maître d'oeuvre. / Les constatations concernant les prestations exécutées, quand il s'agit de travaux réglés sur prix unitaires, portent sur les éléments nécessaires au calcul des quantités à prendre en compte, tels que résultats de mesurages, jaugeages, pesages, comptages, et sur les éléments caractéristiques nécessaires à la détermination du prix unitaire à appliquer. / 12.3. Les constatations contradictoires faites pour la sauvegarde des droits éventuels de l'une ou l'autre des parties ne préjugent pas l'existence de ces droits ; elles ne peuvent porter sur l'appréciation de responsabilités. / 12.4. Le maître d'oeuvre fixe la date des constatations ; lorsque la demande est présentée par l'entrepreneur, cette date ne peut être postérieure de plus de huit jours à celle de la demande. Les constatations donnent lieu à la rédaction d'un constat dressé sur-le-champ par le maître d'oeuvre contradictoirement avec l'entrepreneur. / Si l'entrepreneur refuse de signer ce constat, ou ne le signe qu'avec réserves, il doit, dans les quinze jours qui suivent, préciser par écrit ses observations ou réserves au maître d'oeuvre. / Si l'entrepreneur, dûment convoqué en temps utile, n'est pas présent ou représenté aux constatations, il est réputé accepter sans réserve le constat qui en résulte. / 12.5. L'entrepreneur est tenu de demander en temps utile qu'il soit procédé à des constatations contradictoires pour les prestations qui ne pourraient faire l'objet de constatations ultérieures, notamment lorsque les ouvrages doivent se trouver par la suite cachés ou inaccessibles. A défaut et sauf preuve contraire fournie par lui et à ses frais, il n'est pas fondé à constater la décision du maître d'oeuvre relative à ces prestations. " ;

Considérant que les " fiches d'attachement " produites par la société en première instance et signées par le maître d'oeuvre doivent être regardées comme le relevé des constatations contradictoires prévues par les stipulations précitées, à l'exception de l'attachement n° 53, qui n'est pas signé par ce dernier ; que la circonstance que certaines desdites fiches ont été signées par le maître d'oeuvre à des dates différentes de celles de l'entreprise, et parfois antérieurement à la signature de celle-ci, est sans incidence sur leur régularité et leur caractère probant, dès lors qu'elles ont été signées par les deux parties, et justifient les prétentions de la société et la réalité des travaux effectués, contrairement à ce que soutient la CUGN ; qu'ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, ces fiches ne démontrent pas, s'agissant du poste 0.2.06, que la quantité de mâts caténaires réellement détruits aurait été supérieure au nombre de 42 retenus par le décompte général ; que lesdites fiches, dont les métrés ne sont pas contestés par la voie de l'appel incident, permettent d'établir une démolition de trottoirs, îlots et accotements existants (poste 0.3.07) à hauteur de 11 696,77 m3 (pour un prix unitaire de 485 francs hors taxe par m3) contre 8 422 m3 retenus par le décompte général, une " exécution de couche de base en bêton maigre " (poste 1.1.05) à hauteur de 3 694,28 m3 (pour un prix unitaire de 1 000 francs hors taxe par m3) contre 3 425 m3 retenus par le décompte et 3 688,44 m3 par les premiers juges, une " réalisation des fosses d'arbre " (poste 1.1.23) à hauteur de 378 m3 (pour un prix unitaire de 240 francs hors taxe par m3) contre 297 m3 retenus par le décompte , une réalisation de " dalles de réduction pour fosses d'arbre " (poste 1.1.24) à hauteur de 380,50 m2 (pour un prix unitaire de 720 francs hors taxe par m2) contre 324 m2 retenus par le décompte, une exécution de " fouilles en tranchée " (poste 2.1.04) à hauteur de 19 229,50 m3 (pour un prix unitaire de 333 francs hors taxe par m3) contre 12 746 m3 retenus, et une réalisation de " remblais en grave 0/60 " (poste 2.1.08) à hauteur de 9 409,63 m3 (pour un prix unitaire de 228 francs hors taxe par m3) contre 1 245 m3 retenus ; que la société requérante a, dès lors, droit au versement d'une somme 6 088 004,59 francs hors taxe correspondant, pour les postes susmentionnés, au montant des réalisations non comptabilisées par le décompte général ; qu'il y a ainsi lieu de réintégrer cette somme dans le décompte général du marché et de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

S'agissant des travaux supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-6 du cahier des clauses administratives particulières : " Les travaux supplémentaires ne seront pris en considération que s'ils ont été acceptés par écrit par le maître d'oeuvre. Pour ces derniers, un ordre de service devra être délivré " ; que toutefois, l'entrepreneur a droit à être indemnisé des travaux non prévus au marché qui n'ont fait l'objet d'aucun avenant ou d'aucun ordre de service écrit et qui sont indispensables à la bonne exécution des ouvrages compris dans les prévisions du marché ou qui ont été ordonnés dans des conditions irrégulières et sont utiles à une telle exécution ;

Considérant, en premier lieu, que la société Colas Est demande, par la voie de l'appel incident, le paiement de travaux supplémentaires, consistant notamment dans des travaux de carottage de dalle granit, la réalisation de joints sur le dallage des trottoirs, la mise en oeuvre manuelle d'enrobés, la réfection d'un transformateur EDF et la réalisation de sondages pour les canalisations ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et plus particulièrement du bordereau des prix, que lesdits travaux étaient rémunérés dans le cadre du marché, comme le souligne le maître d'oeuvre ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté, par un jugement qui est suffisamment motivé, lesdites demandes ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la société Colas Est demande le paiement de travaux supplémentaires consistant dans le pose des pavés de granit sur chape alors que le marché prévoyait la pose des pavés granit sur sable, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'une telle demande émanait de la maîtrise d'oeuvre, alors que celle-ci soutient que l'entrepreneur a pris la décision unilatérale de faire une chape dont la nécessité technique reste à prouver; que la société n'établit par ailleurs pas que le prix de pose des coffrets EDF de type enterré, qui n'étaient pas prévus au marché, a été supérieur à celui prévu dans le bordereau de prix pour la pose desdits coffrets au moyen d'un accrochement ou d'un encastrement en façade ; que, par suite , le paiement de tels travaux doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que c'est à juste titre, contrairement à ce que soutient la société, que les premiers juges ont retenu la rémunération de remblais pour les ouvrages démolis à hauteur de 247 771,95 francs hors taxes, dès lors que 44 unités devaient être retenues au lieu de 49 demandées, et que la société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les propositions du maître d'oeuvre ;

Considérant, enfin, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la réalisation de chanfreins en enrobés côté façade entre les secteurs 4.1.2 et 4.1.a été acceptée tacitement par le maître d'oeuvre afin de permettre la réalisation des travaux sans attendre l'arrivée des dalles granit qui ont été livrées avec retard par rapport au planning général de l'opération ; que, par suite, la société Colas Est a droit au titre des travaux supplémentaires à la somme de 18 549,48 francs hors taxes ;

Considérant qu'il résulte de ce qi précède que la société a droit au titre des travaux supplémentaires à la somme de 18 549,48 francs hors taxes qui vient s'ajouter à celle retenue par les premiers juges à savoir 727 438,23 francs hors taxes, non contestée ;

S'agissant des sujétions imprévues :

Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant les demandes formulées par la société relatives aux sujétions liées à la réalisation de fouilles, aux évolutions des impératifs de sécurité, nécessitant le déplacement régulier des barrières situées sur les chantiers, aux " urgences " imposées par les concessionnaires, à la circulation des bus à proximité des chantiers, ou encore au passage de convois exceptionnels, ainsi que les difficultés de livraison du granit à la fin de l'année 2009 et la manifestation des agriculteurs en date du 10 septembre 1999 ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par ordre de service n° 21, et conformément à l'article 19-2 du cahier des clauses administratives générales, les délais d'exécution ont été prolongés de trois mois, à savoir du 3 novembre 2000 au 3 février 2001 ; que la CUGN soutient, sans être contredite, que la prolongation de 15 à 18 mois a fait l'objet d'un avenant d'un montant de 10 770 500 francs hors taxes qui règle les incidences financières de cette prolongation ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation des sujétions liées à la prolongation des travaux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme à laquelle la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY a été condamnée à verser à la société Colas Est doit être portée de 6 791 053,34 francs hors taxes (soit 1 035 289,41 euros hors taxes) à 6 815 442,82 F HT (1 039 007,56 euros hors taxes), cette somme portant intérêts à compter du 22 mai 2002 et capitalisation à compter du 17 juin 2010 comme jugé par le Tribunal ; qu'il y a lieu de réformer le jugement du Tribunal administratif en ce sens et, par ailleurs, de prescrire que les intérêts capitalisés le 17 juin 2010 seront à nouveau capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Colas Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY une somme de 1 500 euros, à verser à la société Colas Est sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 1 035 289,41 euros hors taxes que la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY a été condamnée à verser à la société Colas Est par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 15 février 2011 est portée à 1 039 007, 56 euros hors taxes. Les intérêts moratoires afférents à cette somme, capitalisés le 17 juin 2010, seront à nouveau capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 15 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY versera à la société Colas Est, venant aux droits de la société Axima Nord, une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DU GRAND NANCY et à la société Colas Est.

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11NC00584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00584
Date de la décision : 02/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : LUISIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-08-02;11nc00584 ?
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