Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour la SOCIETE HELDOLL CORPORATION, dont le siège est 6 rue de la marée blanche à Noisiel (77186), par Me Gaspar, avocat ;
La SOCIETE HELDOLL CORPORATION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702602-0801377 du 16 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la désignation d'un expert pour étudier le produit mis au point par elle et pour donner des indications de prix pour ce type de produit et, d'autre part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004, de la retenue à la source et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 ainsi que des majorations pour manoeuvre frauduleuse ;
2°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004, de la retenue à la source et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure de vérification est irrégulière dès lors que les services fiscaux de l'Aube n'étaient pas compétents pour procéder à une vérification de comptabilité en vertu des dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts ;
- la procédure de redressement est irrégulière dans la mesure où l'administration fiscale, qui n'a pas demandé à la société requérante de désigner un représentant fiscal en France conformément à l'article 223 quinquies A du code général des impôts, devait adresser la notification de redressement et la réponse aux observations du contribuable au siège social de la société aux Etats-Unis ;
- les charges remises en cause correspondent bien à la conception d'un logiciel dont le prototype a été livré en 2006 ;
- elles ont donc été exposées dans l'intérêt de l'entreprise et sont déductibles ;
- les majorations pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées ;
- le tribunal administratif s'est mépris sur les pénalités contestées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la direction des services fiscaux était compétente pour procéder à la vérification de comptabilité de la requérante qui était en relation d'intérêts avec Mme C... en vertu d'un contrat conclu le 5 octobre 2000 ;
- la procédure de redressement est régulière dès lors que, par un courrier du 25 août 2003, M. D... C..., président de la SOCIETE HELDOL CORPORATION, a désigné M. A... C...comme représentant légal et par conséquent fiscal de ladite société en France ;
- les honoraires versés à la société Lindsey Technologies ne sont pas justifiés par le coût de conception du prototype d'un logiciel ;
- les pénalités sont justifiées dès lors que les manoeuvres frauduleuses sont établies ;
Vu les mémoires, enregistrés les 26 juillet et 5 septembre 2011 présentés pour la SOCIETE HELDOLL CORPORATION tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que :
- le tribunal correctionnel de Troyes a relaxé Mme C...de fraude fiscale au motif que les sommes déduites par elles correspondent bien à la réalisation d'un logiciel ;
- si l'administration ne remet plus en cause l'existence du logiciel mais le coût de sa conception, la charge de la preuve lui incombe ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que les décisions du juge pénal n'ont pas l'autorité de la chose jugée à l'égard du juge administratif ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2012, présenté pour la SOCIETE HELDOLL CORPORATION tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que le juge administratif est lié par la constatation matérielle des faits par le juge pénal ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 mai 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que la Cour d'appel de Reims a infirmé le jugement du tribunal correctionnel de Troyes et déclaré Mme C...et M. D... C... coupables de fraude fiscale et de complicité de fraude fiscale ;
Vu l'ordonnance en date du 12 avril 2012 fixant la clôture d'instruction au 11 mai 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2012 :
- le rapport de M. Trottier, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (...)V. Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. /Les liens existant entre les personnes ou groupements s'entendent de l'appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal, de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait, d'une relation d'association, de subordination ou d'interposition, ou de l'appartenance à un même groupe d'intérêts. Les arrêtés d'attributions des services déconcentrés et des services à compétence nationale définissent, s'il y a lieu, la compétence des agents au regard des personnes unies par ces liens " ; qu'il résulte de ces dispositions que les agents de catégorie A et B des directions des vérifications du département de l'Aube peuvent notifier des redressements à des personnes morales ayant des relations d'intérêt avec des personnes physiques pour le contrôle desquelles ils sont territorialement compétents ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C..., qui exerce la profession d'orthodontiste à Troyes (Aube), a fait l'objet de contrôles à la suite desquels la direction des services fiscaux de l'Aube a remis en cause la déduction de sommes représentatives d'honoraires, versés à la société de droit américain, HELDOLL CORPORATION, en application d'un contrat conclu le 5 octobre 2000 et aux termes duquel, d'une part, un prototype de logiciel pour l'orthodontie devait être réalisé dans un délai de cinq ans et, d'autre part, Mme C...serait rémunérée pour un montant équivalent à 10% du chiffre d'affaires réalisé jusqu'à hauteur des sommes investies, puis à 5 % au-delà ; qu'ainsi, compte tenu de cette relation d'intérêts entre Mme C...et la société requérante, la direction des services fiscaux de l'Aube était, en application des dispositions précitées du V de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, compétente pour procéder à la vérification de comptabilité de ladite société ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées du 2 de l'article 218 A et de l'article 223 quinquies A du CGI, de l'article 23 ter et 23 D de l'annexe IV au code général des impôts que, d'une part, les personnes morales qui exercent des activités en France, dans un ou plusieurs établissements, sans y avoir leur siège social, et qui sont imposables en France, le sont au lieu de leur principal établissement, et que, d'autre part, lorsqu'elles exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés, elles sont tenues d'indiquer le lieu de leur principal établissement ainsi que les nom, prénoms et adresse de leur représentant en France, sans préjudice de la possibilité offerte à l'administration de leur demander de désigner un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt ; qu'ainsi, dès lors qu'une société étrangère imposable en France a déclaré à l'administration fiscale que la personne responsable de son principal établissement ou toute autre personne était son représentant en France, la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable prévues à l'article L 57 du livre des procédures fiscales peuvent être régulièrement adressées à cette personne ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 25 août 2003, M. D... C..., en sa qualité de président de la SOCIETE HELDOLL CORPORATION, a informé le centre des impôts de Paris que " M. A...C..., domicilié : ..., a été désigné son représentant légal et par conséquent fiscal en France " ; que, par suite, en adressant en France, le 16 novembre 2005, la proposition de rectification et, le 27 janvier 2006, la réponse aux observations de la contribuable l'administration n'a pas entaché d'irrégularité la procédure de redressement ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (la source et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (la source et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ;
Considérant que l'administration fiscale a remis en cause les dépenses dont la SOCIETE HELDOLL CORPORATION s'est acquittée au profit de sa société mère, également de droit américain, Lindsey Technologies, en contrepartie de la conception d'un logiciel pour l'orthodontie mis à la disposition de Mme C... ; qu'il résulte de l'instruction, que, lors des contrôles opérés par l'administration fiscale, la société requérante n'a pas été en mesure de justifier de la réalité et de la consistance d'études ou de travaux en rapport avec la conception d'un logiciel, de l'existence d'un prototype du logiciel mis à la disposition de sa cliente, de la mise en oeuvre d'une démarche commerciale, même sommairement prospective ; que la société requérante a reconnu que les noms mentionnés sur les factures émises par la société Lindsey Technologies étaient fictifs ; que les recettes perçues de Mme C..., unique cliente de la SOCIETE HELDOLL CORPORATION ont en partie servi directement aux dépenses personnelles de M. D... C..., président de cette dernière société et fils de Mme C..., alors que la part des fonds reversés à la société Lindsey Technologies était partiellement virée en France au profit de l'autre fils de Mme C...et de sa compagne ou retirée en espèces ; qu'il résulte également de l'instruction, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la Cour d'appel de Reims dans son arrêt du 22 mars 2012 condamnant Mme C...pour fraude fiscale et son fils D... pour complicité de fraude fiscale, que sur le total des fonds versés par Mme C...à la SOCIETE HELDOLL CORPORATION entre 2001 et 2004, à savoir 272 834 euros, une fois déduits les divers prélèvements de ses fils, seuls environ 22 000 euros avaient pu servir à l'élaboration d'un logiciel ; que, si la société requérante se prévaut de l'existence d'un logiciel qui aurait été livré en 2006, soit postérieurement aux opérations de contrôle, le coût de ce logiciel n'a pas pu être évalué, y compris par l'expert privé auquel la société requérante a fait appel ; que la Cour d'appel de Reims a d'ailleurs relevé également qu'en 2009 les enquêteurs, pas plus qu'un autre expert, n'ont pu vérifier le caractère exploitable tant techniquement que commercialement de cette application ; qu'il suit de là, qu'à défaut pour la SOCIETE HELDOLL CORPORATION de justifier de la réalité des prestations relatives à la conception d'un logiciel adapté à l'orthodontie, c'est à bon droit que l'administration fiscale, a réintégré dans le bénéfice imposable de la société requérante les charges correspondantes ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses... " ;
Considérant que, devant le tribunal administratif, la SOCIETE HELDOLL CORPORATION avait expressément demandé la décharge des pénalités de 80% pour manoeuvres frauduleuses qui ont été appliquées aux impositions en litige ; qu'ainsi en statuant sur le bien fondé de majorations exclusives de bonne foi au taux de 40 %, les premiers juges se sont mépris sur le sens des conclusions présentées devant eux ; que, dès lors, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre les pénalités ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la SOCIETE HELDOLL CORPORATION devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sur ce point ;
Considérant qu'en se fondant sur les circonstances que les factures émises par la société Lindsey Technologies, comptabilisées sur l'ensemble de la période vérifiée dans les écritures de la SOCIETE HELDOLL CORPORATION en tant que charges déductibles, ne comprenaient aucune contrepartie et que M. D... C... et son frère ont appréhendé la plus grande partie des sommes encaissées par la SOCIETE HELDOLL CORPORATION, l'administration doit être regardée comme démontrant que cette société a fait usage d'artifices destinés à égarer le pouvoir de contrôle et s'est ainsi rendue coupable de manoeuvres frauduleuses ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SOCIETE HELDOLL CORPORATION la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 16 décembre 2010 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre les pénalités pour manoeuvres frauduleuses.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE HELDOLL CORPORATION devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne tendant à la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE HELDOLL CORPORATION et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
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N° 11NC00098