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05/07/2012 | FRANCE | N°11NC02081

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2012, 11NC02081


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2011, présentée pour M. Mehmet A, demeurant ..., par Me Jeannot ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nancy n° 1100886 du 13 septembre 2011 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle, en date du 18 avril 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 avril 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Me

urthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai ...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2011, présentée pour M. Mehmet A, demeurant ..., par Me Jeannot ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nancy n° 1100886 du 13 septembre 2011 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle, en date du 18 avril 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 avril 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au tire de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Jeannot en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- il est illégal dès lors qu'il n'a pas été signé par le préfet mais par une tierce personne incompétente ;

- il comporte une erreur de droit, un refus de titre de séjour ne pouvant être légalement motivé sur le fondement de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dès lors que l'octroi du délai de départ volontaire d'un mois n'est pas motivé et que les dispositions de l'article L.511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs de la directive ;

- elle n'est pas motivée et méconnaît les dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure en ne le consultant pas sur le délai qui lui est laissé pour son départ volontaire ;

- le préfet a méconnu son droit à une vie familiale normale en violant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le pays de destination :

- les dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- le préfet s'est estimé lié par les décisions rendues par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il s'en remet pour les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision, le défaut de motivation du titre de séjour, l'erreur de droit et l'atteinte au droit à mener une vie familiale normale à ses observations présentées devant le tribunal ;

- l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée au regard de la directive 2008/115/CE du 18 décembre 2008 ;

- l'article L.511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est compatible avec les dispositions de la directive du 18 décembre 2008 ;

- il n'était pas tenu de consulter M. A sur le délai à lui accorder pour son départ ;

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date 22 novembre 2011, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur le refus de séjour :

Considérant qu'il y a lieu, par adoption de motifs des premiers juges, qui n'ont à cet égard commis aucune erreur de fait ou de droit, d'écarter les moyens de M. A tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée et de ce que, pour rejeter sa demande sur le fondement de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen de sa situation au regard de ces dispositions ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que M. A ne peut utilement faire valoir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dès lors qu'aucune disposition de ladite directive ne prévoit l'obligation pour l'administration d'inviter le ressortissant étranger visé par une mesure d'éloignement à émettre ses observations sur le bénéfice ou non d'un délai de départ volontaire ; que, par ailleurs, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose le respect du principe du contradictoire préalablement à l'édiction de la décision refusant le délai de départ volontaire ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté comme étant inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 200/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 : " 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement " ; qu'aux termes de l'article 12 de cette directive : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;

Considérant, que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 précité ; qu'au demeurant, en l'espèce, tant la décision de refus de séjour que celle portant obligation de quitter le territoire que la décision de refus de titre de séjour comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision contestée : " I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...). L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration " ;

Considérant, que ces dispositions laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire d'un étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois s'entend comme une période minimale de trente jours, telle que prévue par l'article 7 de la directive précitée à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que les dispositions de l'article L. 511-1 ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont compatibles avec les objectifs des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant que M. A, âgé de 21 ans, célibataire et sans enfant, est entré en France le 15 avril 2009, démuni de tout document de voyage et sans être en possession d'un visa autorisant son séjour ; que si le requérant soutient, sans d'ailleurs l'établir, que de nombreux membres de sa famille vivent sur le territoire national, il ressort toutefois des pièces du dossier que ses parents et certains de ses frères et soeurs résident en Turquie ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu, notamment, de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé et nonobstant la circonstance que M. A estime avoir de forts liens avec la France, la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre au séjour n'a pas méconnu les articles susmentionnés ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

Considérant que si M. A, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 27 janvier 2011 et par la Cour nationale du droit d'asile par arrêt du 2 novembre 2010, fait état des persécutions et d'un risque d'arrestation en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte, toutefois, aucun élément précis et circonstancié de nature à établir ses allégations ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru, à tort, lié par les appréciations portées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ne méconnaît pas les stipulations et dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nancy, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 18 avril 2011 a été rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du requérant tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du Code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'intérieur.

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N° 11NC02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC02081
Date de la décision : 05/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-07-05;11nc02081 ?
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