La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2012 | FRANCE | N°11NC01963

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2012, 11NC01963


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2011 sous le n° 11NC01963, présentée pour M. Yves Cyriaque A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103868 en date du 9 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 9 juin 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'en

joindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ...

Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2011 sous le n° 11NC01963, présentée pour M. Yves Cyriaque A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103868 en date du 9 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 9 juin 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au tire de l'article L.761-1 du Code de justice administrative, à verser à Me Jung en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- l'auteur de la décision contestée n'avait pas reçu délégation de signature et était donc incompétent ;

- il n'est pas établi que le médecin ayant signé l'avis du 19 mai 2011 ait été désigné par le directeur de l'agence régionale de santé ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'auteur de la décision contestée n'avait pas reçu délégation de signature et était donc incompétent ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée par la voie de l'exception d'illégalité ;

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée dès lors qu'elle porte atteinte à sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le pays de destination :

- l'auteur de la décision contestée n'avait pas reçu délégation de signature et était donc incompétent ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée par la voie de l'exception d'illégalité ;

- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2012, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le médecin ayant rédigé l'avis 19 mai 2011 a bien été désigné par le directeur de l'agence régionale de santé ;

- il n'y a pas eu violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni des stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'état de santé du requérant a été pris en compte ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 décembre 2011 sous le n° 11NC01971, présenté pour Mme Héloïse B, demeurant ..., par Me Jung, qui s'associe aux conclusions formées par M. A ; elle conclut en outre à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de M. Laurent, président,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Jung, avocat de M. A et de Mme B ;

Sur l'intervention de Mme B :

Considérant que Mme B, en qualité de compagne de M. A et mère de son enfant, a intérêt à ce que le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2011 soit annulé ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en l'absence d'élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le Tribunal administratif de Strasbourg par M. A, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte dont serait entaché l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 9 juin 2011 pris à l'encontre de l'intéressé ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient qu'aucun élément de la décision contestée ne permet de savoir si le médecin ayant signé l'avis du 19 mai 2011 avait été désigné par le directeur de l'agence régionale de santé, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la décision du directeur de l'Agence régionale de santé du 10 mai 2010, que le docteur Fontanel, signataire de l'avis susmentionné, figurait sur la liste des médecins désignés pour rendre les avis médicaux prévus par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'avis manque en fait et doit donc être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A, ressortissant congolais, soutient avoir créé un nouveau foyer avec une compatriote ayant un titre de séjour, que leur vie commune est réelle, et qu'il convient de prendre en compte la naissance de son enfant postérieurement à la décision contestée, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire national le 6 septembre 2008 à l'âge de 44 ans, qu'il a encore des attaches dans son pays d'origine où réside son fils, que le concubinage allégué n'est en tout état de cause pas établi et que la décision contestée ne serait pas de nature à faire obstacle à un éventuel projet de mariage ; qu'ainsi, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France du requérant, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle du refus de séjour contesté, doivent être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; et qu'aux termes de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) " ;

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention susmentionnée est inopérant dès lors que l'enfant M. A n'était pas né à la date du refus de titre de séjour ; que, d'autre part, les stipulations de l'article 9 de la convention susmentionnée créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;

Considérant que, par un avis du 19 mai 2011, le médecin de l'Agence régionale de santé a estimé que si l'état de santé de M. A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait pour des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager ; que les certificats médicaux produits par l'intéressé, peu précis et postérieurs au refus de titre de séjour, ainsi que les résultats d'analyse au nom de sa compagne, ne sont pas de nature à infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que si le requérant fait valoir qu'il ne pourrait accéder auxdits soins du fait de son éloignement de tout centre de soins, il n'établit pas que des membres de sa famille seraient dans l'incapacité de le prendre en charge dans son pays d'origine dès lors qu'une partie de sa famille proche, dont son fils, résident dans la ville où se trouve le centre de soins ; qu'ainsi et en tout état de cause, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, que l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard à ce qui a été dit précédemment sur l'état de santé du requérant, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet, au vu des informations dont il disposait, a examiné la situation du requérant et a ainsi vérifié que la décision fixant le pays de destination ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que le requérant n'établit pas que sa vie ou sa sécurité seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ; que par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions du requérant tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les conclusions présentées par Mme B, intervenante en défense, et tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas recevables dès lors qu'elle n'aurait pas eu la qualité pour former tierce opposition contre le jugement contesté si elle n'était pas intervenue à l'instance ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de Mme B est admise.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme B présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yves-Cyriaque A, à Mme Héloïse B et au ministre de l'intérieur.

''

''

''

''

5

N° 11NC01963, 11NC01971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01963
Date de la décision : 05/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Christophe LAURENT
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : SCP JUNG-JUNG-JUNG-PALLUCCI ; SCP JUNG-JUNG-JUNG-PALLUCCI ; SCP JUNG-JUNG-JUNG-PALLUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-07-05;11nc01963 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award