Vu le recours enregistré le 14 juin 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;
Le MINISTRE DU BUDGET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802188-0804545-0804546-0805555 du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la Sarl A.L.T.P. la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2005 ainsi des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles et pénalités y afférentes au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004 ;
2°) à titre principal, de remettre à la charge de la société A.L.T.P. l'intégralité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en litige et, à titre subsidiaire, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2002 ;
Le MINISTRE DU BUDGET soutient que :
- le Tribunal a méconnu le périmètre du litige dès lors que la lettre du 17 octobre 2006 adressée par la société A.L.T.P. ne concerne que les années 2003, 2004 et 2005 et que les redressements et rappels de l'année 2002 n'ont fait l'objet d'aucune demande de communication dans le cadre de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- le Tribunal a mal apprécié l'obligation de communication codifiée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- les rectifications qui ont été notifiées à la société A.L.T.P. ont pour origine l'examen de sa propre comptabilité qui avait été saisie par l'autorité judiciaire et les documents comptables sur lesquels reposent les rehaussements ont été évoqués et discutés à l'occasion du débat oral et contradictoire ;
- l'administration fiscale a adressé les seules copies susceptibles d'être communiquées à la société relatives aux réponses apportées par la Poste et par France Telecom ;
- la demande de communication de documents du 17 octobre 2006 n'était pas formulée de manière explicite et portait sur les documents comptables de la société ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 5 mars 2012 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2012, présenté pour la Sarl A.L.T.P. élisant domicile chez son conseil, Me Freulet, 1 rue des Charpentiers-ZAC Sébastopol-BP 95055 à Metz (57072), représentée par Me Freulet, avocat ; la société A.L.T.P. conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la demande est irrecevable dès lors que le MINISTRE demande l'annulation ou la réformation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 28 avril 2008 alors que le jugement a donné lieu à un jugement du 28 avril 2011 ; au fond que l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et que c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la décharge des impositions litigieuses pour l'année 2002 ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mars 2012 portant réouverture de l'instruction en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 20 mars 2012, le mémoire en réplique présenté par le MINISTRE BUDGET DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ; le MINISTRE soutient que le recours est recevable et que l'erreur de plume apparaissant en page 6 de son mémoire ne saurait remettre en cause la recevabilité de son recours explicitement formulée à l'encontre du jugement du 28 avril 2011 ;
Vu, en enregistré le 19 mars 2012, le mémoire présenté pour la société A.L.T.P. qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012:
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,
- les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que contrairement aux allégations de la société A.L.T.P., le recours du MINISTRE DU BUDGET est explicitement formé contre le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 28 avril 2011 ; que la circonstance qu'une erreur de plume mentionne en page 6 du mémoire du MINISTRE le 28 avril 2008 au lieu du 28 avril 2011 est sans incidence sur la recevabilité du recours ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : "L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande." ; que l'obligation faite à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui le demande avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment des termes de la proposition de rectification adressée à la société A.L.T.P., le 12 octobre 2006A, ni d'aucun autre document, que l'administration aurait utilisé, pour établir les redressements litigieux, des documents originaux ou des copies qu'elle aurait détenus, à l'exception de ceux qu'elle avait obtenus de France Télécom et de La Poste à la suite de l'exercice de son droit de communication et qu'elle a communiqués à la société vérifiée ; qu'en particulier, il n'est pas établi que l'administration fiscale se serait fondée, pour établir les redressements assignés à la société A.L.T.P., sur des documents ou copies de documents, qui auraient été effectivement détenus par le service à la suite de l'exercice, auprès de l'autorité judiciaire, du droit de communication prévu par l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; que, notamment, si le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a autorisé le vérificateur, par ordonnance du 9 décembre 2005, à prendre connaissance, copie et exploiter des pièces comptables de la société A.L.T.P. placées sous scellés, il ne résulte pas de l'instruction que ces documents concernaient l'année en litige, ni qu'ils auraient été utilisés pour établir la proposition de rectification notifiée à la société A.L.T.P.; qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur un tel motif pour prononcer la décharge des impositions en litige ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société A.L.T.P.devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, que la société A.L.T.P. n'établit pas que les frais de restauration et d'hôtellerie exposées pour quinze personnes et pris en charge par la société l'avaient été à l'occasion de son assemblée générale alors que la société ne compte que quatre associés ; qu'elle ne démontre pas davantage que les dépenses exposées en vue d'offrir des stylos de marque " Mont Blanc " et " Cartier " ainsi que celles relatives à la mise en valeur esthétique du véhicule automobile dont son gérant avait l'usage exclusif avaient également été exposées dans l'intérêt de la société ; qu'enfin, que si la société A.L.T.P. a soutenu que les frais d'électricité facturés 1 200 euros par son gérant, ont pour origine la location d'un bureau destiné à la société au domicile de son dirigeant, elle n'a produit aucun document de nature à établir la réalité des frais ainsi exposés et dont l'administration fiscale a, toutefois, admis une prise en compte à hauteur de 25 euros par mois ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé que de telles dépenses soient déduites des bénéfices imposables de la société pour les années en litige ;
Considérant, en second lieu, que c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de prendre en compte la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses dont il n'était pas établies qu'elles avaient été exposées dans l'intérêt de la société ainsi que, pour les mêmes motifs, celles afférentes à l'acquisition d'un DVD portable, d'un GPS, de plaques d'immatriculation non homologuées de tapis et de rampes d'aluminium ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la société A.L.T.P. des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre de la période du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2005 ainsi que des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie, au titre de ses exercices clos en 2002, 2003 et 2004 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 716-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société A.L.T.P. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0802188-0804545-0804546-0805555 du 28 avril 2011 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif, respectivement au titre de la période du 1er janvier 2002 au 30 septembre 2005 et des exercices clos en 2002, 2003 et 2004, sont remis à la charge de la société A.L.T.P.
Article 3 : Les conclusions de la société A.L.T.P. tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à au mandataire liquidateur de la société A.L.T.P.et au MINISTRE DU BUDGET.