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14/06/2012 | FRANCE | N°11NC01496

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2012, 11NC01496


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2011, complétée par les pièces enregistrées le 4 janvier 2012, présentée pour M. Christophe A, demeurant ..., par la SELARL Coubris, Courtois et associés ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801604 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a limité à 46 000 euros la somme à lui accorder en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg ;

2°) de condamner le centre h

ospitalier intercommunal de la Lauter à lui payer la somme de 100 000 euros au titre d...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2011, complétée par les pièces enregistrées le 4 janvier 2012, présentée pour M. Christophe A, demeurant ..., par la SELARL Coubris, Courtois et associés ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0801604 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a limité à 46 000 euros la somme à lui accorder en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de ses préjudices à caractère patrimonial, et la somme totale de 52 175 euros au titre de ses préjudices à caractère personnel ;

3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter aux dépens ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Lauter la somme de 3 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le centre hospitalier engage sa responsabilité, car il a commis des fautes dans sa prise en charge au service des urgences, qui sont la cause directe et certaine de sa chute au service de radiologie, chute ayant entraîné une surdité totale de l'oreille gauche ;

- il a droit aux sommes suivantes : 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ; 175 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 10 000 euros au titre des souffrances endurées ; 32 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2012, présenté pour le centre hospitalier intercommunal de la Lauter, représentée par son directeur, par Me Lutz-Sorg, qui conclut à :

1°) annuler le jugement n° 0801604 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné, d'une part, à verser à M. A la somme de 46 000 euros, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 5 692,97 euros, ces sommes étant assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, et à l'Etat la somme de 4 212,56 euros, et, d'autre part, à payer les frais de l'expertise ordonnée en référé taxés et liquidés à la somme de 1 305 euros ;

2°) rejeter les demandes de M. A, de la caisse nationale militaire de sécurité sociale et de l'Etat ;

3°) condamner M. A aux dépens ;

4°) subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les prétentions du requérant relatives au chiffrage de ses préjudices, et de débouter M. A de ses demandes relatives au préjudice d'agrément et à l'incidence professionnelle ;

5°) mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- il n'a pas commis de faute dans la prise en charge de M. A ; l'examen réalisé par le Dr Marinescu était conforme aux règles de l'art ; des éléments étaient de nature à rassurer le personnel, dès lors que le patient avait présenté ses douleurs comme datant de la veille et n'avait pas fait état de sa précédente perte de connaissance ;

- la médecine d'urgence et les services de garde du week-end travaillent dans conditions difficiles ;

- le lien de causalité entre les préjudices allégués et la chute au service des urgences n'est pas établi, la mère de l'intéressé ayant déclaré que lors du premier malaise de son fils, ce dernier était tombé sur la tête contre la table du salon ;

- il convient de débouter M. A de ses demandes relatives au préjudice d'agrément et à l'incidence professionnelle ; les préjudices allégués ont été surévalués ;

Vu le courrier, enregistré le 24 octobre 2011, par lequel la caisse nationale militaire de sécurité sociale déclare qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée au ministère de la défense et des anciens combattants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Blanchard pour Me Lutz-Sorg, avocat du centre hospitalier intercommunal de la Lauter ;

Considérant que M. A demande la réformation du jugement en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a limité à 46 000 euros la somme à lui accorder en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite de sa prise en charge fautive par le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg ; que le centre hospitalier demande, par appel incident, l'annulation du jugement entrepris, qui l'a condamné, d'une part, à verser à M. A la somme de 46 000 euros, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 5 692,97 euros, ces sommes étant assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, et à l'Etat la somme de 4 212,56 euros, et, d'autre part, à payer les frais de l'expertise ordonnée en référé taxés et liquidés à la somme de 1 305 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes des dispositions du I. de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. " ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal, qu'à son arrivée au service des urgences, M. A a signalé au médecin ayant procédé à son examen clinique qu'il souffrait depuis la veille de douleurs thoraciques gauches, et qu'il avait été victime d'un malaise dans l'après-midi ; que, compte tenu des symptômes ainsi portés à la connaissance du praticien, M. A aurait dû faire l'objet d'une surveillance particulière, notamment à l'occasion de l'examen radiologique pratiqué ultérieurement, et ce, même s'il s'était présenté lui-même aux urgences, qu'il avait lui-même rempli sa fiche d'admission et qu'aucun signe de déficit neurologique n'était apparent lors de l'examen clinique ; qu'il est toutefois constant qu'il a dû se rendre seul, en marchant, jusqu'au service de radiologie, et qu'il a encore été laissé seul, debout, durant l'examen radiologique ; que ce manquement aux règles de l'art dans la prise en charge de M. A constitue, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de la Lauter, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la médecine d'urgence et les services de garde du week-end travaillent dans conditions difficiles ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal, que la fracture du rocher gauche dont M. A est atteint trouve son origine dans la chute que ce dernier a faite au service de radiologie du centre hospitalier intercommunal de la Lauter ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident du centre hospitalier intercommunal de la Lauter doivent être rejetées ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice patrimonial

Considérant qu'il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges qui ont estimé qu'il y avait lieu de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à payer à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 5 692,97 euros en remboursement de ses débours, et à l'Etat, employeur de M. A, la somme de 4 212,56 euros au titre des pertes de revenus ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'une décision du ministre de la défense en date du 24 août 2007, que la demande de M. A, qui avait le grade de sergent, tendant à être maintenu dans la spécialité " gestion du matériel technique " n'a pas été agréée, et que l'intéressé a été réorienté pour raisons médicales vers la spécialité " gestion et administration ", pour l'exercice de laquelle il a été contraint d'effectuer des stages ; que le requérant est déclaré inapte au tir, au parachutisme, à la plongée, aux opérations extérieures, à la désignation outre-mer, aux opérations intérieures et à tous permis militaires, à l'exception du permis VL ; que les possibilités d'évolution de l'intéressé, qu'il s'agisse du type de poste occupé ou de mobilité géographique, sont ainsi plus limitées du fait de sa perte d'audition de l'oreille gauche ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande du requérant tendant à être indemnisé au titre de l'incidence professionnelle de sa chute au service de radiologie du centre hospitalier intercommunal de la Lauter ; qu'il y a lieu de condamner ledit centre à payer à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de son handicap ;

En ce qui concerne le préjudice personnel

Considérant que M. A était âgé de 26 ans au moment des faits ; que la durée de son incapacité temporaire totale en lien avec la faute commise par le centre hospitalier a été de sept jours ; que ses souffrances physiques ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ; que son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 20 % par l'expert ; que le requérant, qui a dû renoncer à la pratique de certains sports, a subi ainsi un préjudice d'agrément ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en condamnant le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui payer une somme de 43 000 euros à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A et le centre hospitalier intercommunal de la Lauter ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge dudit centre hospitalier une somme de 46 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de maintenir à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Lauter les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 305 euros par ordonnance du président du tribunal de Strasbourg en date du 16 mars 2007 ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Lauter, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme à verser au centre hospitalier intercommunal de la Lauter au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et les conclusions du centre hospitalier intercommunal de la Lauter au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe A, au centre hospitalier intercommunal de la Lauter, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et au ministre de la défense.

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11NC01496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01496
Date de la décision : 14/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

62-02-01-01 Sécurité sociale. Relations avec les professions et les établissements sanitaires. Relations avec les professions de santé. Médecins.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : LUTZ-SORG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-14;11nc01496 ?
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