Vu la requête, enregistrée 25 août 2011, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY-LE-FRANCOIS, dont le siège est 2, rue Charles Simon à Vitry-le-François (51300), par Me Legay ;
Le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802825, en date du 23 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser à M. A le montant de sa rémunération d'activité en qualité de médecin attaché associé de chirurgie pour la période du 1er mai au 7 juillet 1998, ainsi qu'une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail ;
2°) de déclarer la demande de M. A irrecevable, subsidiairement mal fondée en toutes ses conclusions et de la rejeter ;
Le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY-LE-FRANCOIS soutient que :
- la nouvelle demande indemnitaire de M. A, datée du 26 septembre 2008, était irrecevable ;
- M. A, incarcéré, était dans l'impossibilité d'exercer ses obligations normales de services et c'est à tort que le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY-LE-FRANCOIS a été condamné à lui verser sa rémunération pour la période du 1er mai au 7 juillet 1998 ;
- M. A se trouvait, à compter du 8 juillet 1998, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; il n'a jamais demandé à être réintégré au sein de l'établissement et a recherché un autre emploi ; il n'avait droit à aucune indemnisation en réparation du préjudice que lui avait causé la décision du 8 juillet 1998 mettant fin à son engagement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 19 janvier 2012, le mémoire présenté pour M. Haïtham A, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de conclusions d'appel incident, à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY-LE-FRANCOIS soit condamné à lui verser la somme totale de 65 849 euros avec intérêts légaux à la date du 6 janvier 2005, assortie de ses droits à la retraite ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- aucune fin de non-recevoir pour cause de tardiveté ne peut lui être opposée, comme l'a d'ailleurs retenu à juste titre le tribunal administratif ;
- la décision du 8 juillet 1998 mettant fin à ses fonctions a été annulée pour illégalité par le tribunal administratif, annulation confirmée par la Cour administrative d'appel et qui est maintenant devenue définitive ;
- bien qu'il n'y ait pas eu service fait, l'illégalité de la décision du 8 juillet 1998 imposait au centre hospitalier de lui verser une indemnité correspondant à sa période d'incarcération du 1er mai au 7 juillet 1998 ;
- il est fondé à demander une indemnité de 13 430 euros correspondant à sa perte de rémunération pour la période du 10 juillet 1998 au 25 août 1999 assortie des droits à la retraite qu'il aurait dû acquérir durant cette période ;
- son contrat aurait sans doute été renouvelé par le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY-LE-FRANCOIS pour les années suivantes ; il a perdu une somme de 22 419 euros par rapport à la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il avait continué à être employé par ce centre ;
- il a droit à réparation de son préjudice moral à hauteur de la somme de 30 000 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 3 janvier 1986 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 81-291 du 30 mars 1981 modifié portant statut des attachés et des attachés associés des établissements d'hospitalisation publics ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :
- le rapport de M. Collier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,
- et les observations de Me Gianina, avocat de M. A ;
Sur la recevabilité de la requête de M. A devant le tribunal administratif :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS, il ne ressort pas du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 8 décembre 1998, qui a annulé la décision du 8 juillet 1998 de son directeur mettant fin au contrat de M. A, que les juges saisis se soient prononcés sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires de ce dernier ; que, par ailleurs, les précédentes demandes de M. A aux mêmes fins ont été rejetées pas son directeur soit de manière implicite soit par une décision sans indication des voies et délais de recours, circonstances faisant obstacle à ce que sa requête puisse être regardée comme tardive par le jugement attaqué ; que le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, sa fin de non recevoir n'a pas été retenue ;
Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, recruté par le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS à compter du 2 novembre 1993 pour exercer les fonctions d'attaché associé de chirurgie, a été, par décision de son directeur en date du 2 janvier 1998, reconduit dans les mêmes fonctions pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1998 ; que suite à son placement en détention provisoire pour la période du 1er mai au 7 juillet 1998, son traitement a été suspendu par décision de son directeur en date du 6 mai 1998 ; que par décision en date du 8 juillet 1998, il a été mis fin à son engagement ;
Considérant que par arrêt, en date du 25 mars 2004, revêtu de l'autorité de la chose jugée, la présente Cour a confirmé l'illégalité de la décision du directeur du CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS, en date du 8 juillet 1998, mettant fin à l'engagement de M. A dans ses services ; que cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'appelant sans que les circonstances que l'intéressé n'ait jamais demandé à être réintégré dans ses services et qu'il a, de nouveau, été employé dans d'autres établissements à compter du 12 novembre 1998 soit de nature à y faire obstacle ; que le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il n'avait d'autre alternative que de rompre le contrat d'engagement de M. A et que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à lui verser une indemnité correspondant aux différents préjudices subis par l'intéressé depuis le 1er mai 1998 ;
Sur les conclusions d'appel incident de M. A :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision illégale et fautive du directeur du CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS de mettre fin au contrat d'engagement de M. A à compter du 8 juillet 1998 a eu pour effet de le priver de toute rémunération jusqu'au 12 novembre 1998 puis de le priver d'une rémunération correspondant à ce qu'il percevait auparavant à compter de cette date et jusqu'à la fin de l'année 1998 ; qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice de M. A au titre de sa perte de rémunération pour l'année 1998 en fixant le montant de la réparation accordée à 12 500 euros ; que, par ailleurs, il sera fait une juste réparation de son préjudice moral en raison de la mesure irrégulière qui l'a frappé en fixant à 2 500 euros l'indemnité qui lui est due à cet égard ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le contrat d'un an de M. A venant à terme au 31 décembre 1998, et qui faisait suite à des contrats successifs pour une même durée, aurait, de manière certaine, été reconduit pour les années suivantes ; que les conclusions de M. A tendant à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS soit condamné à lui verser une indemnité en réparation de ses pertes de rémunération à partir de l'année 1999 ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant, enfin, que si M. A demande à la présente Cour d'assortir sa condamnation des " droits à la retraite (...) sur la période de préjudice invoqué ", il n'assortit toutefois ses conclusions d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être réformé en ce qu'il a limité à 7 500 euros le montant de l'indemnité due à l'intéressé au titre de ses pertes de rémunération pour la période du 8 juillet au 31 décembre 1998 et de son préjudice moral, laquelle indemnité doit être portée à 15 000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 janvier 2005 ; que les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS doivent en revanche être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS, partie perdante dans la présente instance, à verser à M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS est rejetée.
Article 2 : La somme à laquelle le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS a été condamné par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à verser à M. A est portée à 15 000 (quinze mille) euros avec intérêts légaux à compter du 6 janvier 2005.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS versera à M. A la somme de 1 500 euros (mille cinq cents) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE VITRY LE FRANCOIS et à M. Haïtham A.
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N° 11NC01381