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14/06/2012 | FRANCE | N°11NC01320

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2012, 11NC01320


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011, présentée pour M. Igor A, domicilié chez M. Léonid B ..., par Me Mengus ;

M. A demande à la Cour :

1°) avant dire droit, d'inviter le préfet du Bas-Rhin à produire la fiche sanitaire ou tout autre élément sur l'état sanitaire de ce pays ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1005577, en date du 15 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin, en date du 28 octobre 2010, qui lui a refusé un titre d

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Vu la requête, enregistrée le 10 août 2011, présentée pour M. Igor A, domicilié chez M. Léonid B ..., par Me Mengus ;

M. A demande à la Cour :

1°) avant dire droit, d'inviter le préfet du Bas-Rhin à produire la fiche sanitaire ou tout autre élément sur l'état sanitaire de ce pays ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1005577, en date du 15 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin, en date du 28 octobre 2010, qui lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour " vie privée et familiale " et, entre temps, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

M. A soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas statué sur le rejet par le préfet de son recours gracieux ;

Sur la décision de refus de séjour :

- elle est illégale, le médecin inspecteur de santé publique n'ayant pas produit ni communiqué au préfet les éléments justifiant son changement d'avis ;

- le préfet n'établit pas qu'il peut se faire soigner dans son pays d'origine et il devait justifier des raisons pour lesquelles il avait décidé de ne pas renouveler son titre de séjour étranger malade ;

- le préfet du Bas-Rhin se réfère, mot pour mot, à l'avis du médecin inspecteur de l'ARS et il n'a pas exercé sa propre compétence ;

- il a été victime d'un stress post-traumatique à la suite des évènements dans son pays d'origine ;

- le préfet du Bas-Rhin porte atteinte à ses droits au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il exerce le métier de peintre en bâtiment depuis l'année 2007 ;

- si le préfet a entendu, également, examiner sa demande au regard des dispositions de l'article L.314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il devait indiquer les raisons pour lesquelles il ne le retenait pas ;

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une personne qui n'avait pas reçu régulièrement compétence pour cela ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle contrevient aux dispositions des articles L.511-4-10°, L. 313-11 7° et

L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu, enregistré le 31 août 2011, le mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête :

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- l'avis du médecin inspecteur de santé publique est suffisamment motivé ;

- l'autorité signataire de l'arrêté attaqué était compétente pour cela ;

- il ne ressort pas de l'arrêté attaqué qu'il se serait estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique et il a exercé sa propre compétence ;

- M. A peut recevoir effectivement dans son pays d'origine les soins que nécessite son état de santé ;

- les certificats médicaux qu'il produit ne contredisent pas l'avis du médecin inspecteur de santé publique ;

- la réalité des évènements que l'appelant dit avoir vécus en Ukraine, n'est nullement établie ;

- M. A, âgé de 34 ans, est célibataire et sans charge de famille, il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine et il n'y pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'appelant n'a jamais demandé la délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié ;

- M. A ne présente pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui auraient pu justifier qu'il soit admis au séjour au titre de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu, enregistrée le 25 mai 2012, la note en délibéré présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant ukrainien qui serait entré en France au mois de septembre 2001, auquel la qualité de réfugié a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, a bénéficié, à compter du 12 septembre 2008, d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade, qui a été renouvelée jusqu'au 11 septembre 2010 ; que, par arrêté en date du 28 octobre 2008, le préfet du Bas-Rhin a refusé un nouveau renouvellement de cette carte de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la requête de M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ne comportait aucune conclusion dirigée contre le rejet par le préfet du Bas-Rhin de son recours gracieux ; que les premiers juges n'ont, dès lors, commis aucune irrégularité en ne se prononçant pas sur la légalité de ce rejet ;

Sur la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que les éléments qui ont conduit le médecin de l'Agence régionale de santé a estimer qu'il pouvait, désormais, bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine n'ont pas été produits au dossier, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision de refus de séjour du préfet du Bas-Rhin, ce médecin n'ayant pas à motiver spécialement un second avis contraire à un premier avis antérieurement rendu sur le cas du demandeur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence..." ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné audit article, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que, par un avis du 23 septembre 2010, le médecin de l'Agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressé pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas de la décision susvisée que le préfet se serait cru lié par cet avis ; qu'en outre, en produisant des certificats médicaux faisant ressortir qu'il a consulté plusieurs fois pour un syndrome dépressif et une insomnie et qu'il est suivi pour une pathologie post traumatique consécutive à une situation de stress vécu en Ukraine, alors que les praticiens signataires se sont bornés à reprendre le récit des faits rapportés par M. A, le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il n'établit enfin pas l'existence d'un lien entre sa pathologie et les événements traumatisants vécus dans ce pays, et qu'il ne pourrait, pour cette raison, y suivre un traitement approprié ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, qui n'ont commis à cet égard aucune erreur de droit ou de fait, d'écarter les moyens de M. A tirés de la violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7. " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A ait fait valoir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de ces dispositions à l'appui d'une demande au préfet du Bas-Rhin de délivrance d'un titre de séjour sur leur fondement ; que le préfet qui n'était pas tenu d'examiner si M. A pouvait en bénéficier n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles il ne le retenait pas ;

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, que par un arrêté en date du 7 avril 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Bas-Rhin a donné à M. Touchaud, secrétaire général adjoint, délégation de signature à l'effet de signer notamment la mesure litigieuse ; que le moyen de M. A tiré de ce que l'entrée en vigueur des mesures d'éloignement aurait imposé la mise en oeuvre de nouvelles délégations ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour du préfet ; qu'il en résulte également que M. A ne fait pas partie des personnes protégées par les dispositions de l'article L.511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui proscrivent l'éloignement des étrangers malades ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. A se borne à soutenir que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle d'obligation de quitter le territoire français ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'un tel moyen ne peut qu'être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, avant-dire droit, d'ordonner au préfet du Bas-Rhin de donner des précisions sur l'état sanitaire de l'Ukraine, que la requête de M. A tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir un titre de séjour " vie privée et familiale " et, entre temps, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Igor A et au ministre de l'intérieur.

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N° 11NC01320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01320
Date de la décision : 14/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-14;11nc01320 ?
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