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07/06/2012 | FRANCE | N°11NC01219

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2012, 11NC01219


Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 1er février et 3 mai 2012, présentée pour Mme Ankica B épouse A, demeurant à CIMADE, 13 quai Saint Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Boukara avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101007-1101008 du 19 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 novembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à

quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'...

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 1er février et 3 mai 2012, présentée pour Mme Ankica B épouse A, demeurant à CIMADE, 13 quai Saint Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Boukara avocat ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101007-1101008 du 19 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 novembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 25 novembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de un mois et de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros TTC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant méconnu l'article 388-1 du code civil et ses enfants demandant à être entendus par le juge ;

- En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- si elle a formulé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a complété sa demande par la production de promesses d'embauche et elle devait être regardée comme demandant sa régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a porté atteinte à sa vie privée et familiale et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision litigieuse porte atteinte à sa vie et à sa liberté, et le préfet n'est pas lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2011, présenté par le préfet du Bas-Rhin ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement est régulier dès lors que les enfants mineurs n'avaient pas fait de demandes d'audition ;

- En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est suffisamment motivée au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a implicitement rejeté la demande de titre de séjour formulée au titre de l'asile et un tel moyen avait été soulevé après la clôture de l'instruction en première instance ;

- il n'a pas porté atteinte à la vie privée et familiale de Mme A ni méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour n'est pas fondé ;

- la décision est suffisamment motivée en droit et en fait et se réfère à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision ne méconnaît pas l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet a implicitement rejeté leur demande de titre de séjour formulée au regard de l'asile ; qu'un tel moyen a été soulevé après clôture en première instance;

- la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention internationale des droits de l'homme et des libertés fondamentale, ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la menace n'est pas caractérisée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 30 juin 2011 attribuant l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme A et désignant Me Boukara pour les représenter ;

Vu l'ordonnance 19 septembre 2011 du président de la Cour administrative d'appel de Nancy réformant la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juin 2011 en tant qu'elle n'accordait qu'une seule aide juridictionnelle à deux parties et accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Boukara, avocat de Mme A ;

Vu, enregistrée le 18 mai 2012, la note en délibéré présentée pour Mme A, par Me Boukara ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité serbe, est arrivée en France au début de l'année 2002, accompagnée de son époux, de leur enfant et des parents et de la soeur de son époux ; qu'un second enfant est né à Strasbourg le 13 mars 2002 ; que la requérante et son époux n'ont pas donné suite à leur demande d'asile territorial et ont regagné la Serbie en 2004 ; qu'elle est toutefois revenue en France le 2 avril 2008 avec son époux et leurs deux enfants, qui sont régulièrement scolarisés sur le territoire national, un troisième enfant étant par ailleurs né à Strasbourg le 8 décembre 2008 ; que Mme A jouit d'une bonne intégration et apporte son soutien à sa belle-mère malade, qui réside régulièrement sur le territoire national ; qu'au surplus, ses parents résident en France sous couvert du statut de réfugié avec une carte de résident valable jusqu'en 2018 ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A, la décision attaquée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet du Bas-Rhin a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 1101007-1101008 du 19 avril 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 novembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusion en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour " vie privée et familiale " soit délivré à Mme A ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de celle-ci aurait fait l'objet d'un changement substantiel depuis l'enregistrement de sa requête ; qu'il y a ainsi lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boukara de la somme de 750 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 19 avril 2011 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 25 novembre 2010 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boukara, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 750 € (sept cent cinquante euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ankica B épouse A, au préfet du Bas-Rhin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.

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