Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2011 sous le n° 11NC01982, présentée pour Mme Zahra B épouse A, demeurant CADA 12 cour Pablo Picasso - Appt 31 BP 74 à Saint-André-les-Vergers (10120), par Me Wendling, avocat ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2011 par lequel le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Arménie comme pays de renvoi ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet de l'Aube n'a pas examiné sa situation personnelle et elle justifie de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du CESEDA ;
- un conflit entre l'Arménie, pays d'origine de son époux et l'Azerbaïdjan celui dont elle a la nationalité, ne permet pas leur installation commune dans l'un ou l'autre de ces Etats ce qui conduirait à l'éclatement de la cellule familiale ; la poursuite d'une vie familiale normale ne peut se faire que sur le territoire français ; un retour dans le pays d'origine porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour le 8 mars 2012 présenté par le préfet de l'Aube qui conclut au rejet de la requête ;
- le préfet soutient que :
- Mme A et son époux ne remplissent pas les conditions prévues par l'article L. 313-14 du CESEDA pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire ; il a pris en compte la situation personnelle de la requérante ;
- aucune des pièces du dossier ne permet de démontrer l'impossibilité pour le couple de retourner en Arménie ; au demeurant, sa décision fixant le pays de destination n'impose aux requérants aucun pays de renvoi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :
- le rapport de Mme Rousselle, président ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée énonce de façon suffisamment précise et circonstanciée les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ne peut être accueilli ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué fait notamment état de ce que Mme A n'a pas d'attaches familiales en France, que son époux fait également l'objet d'une mesure identique et que la promesse d'embauche que celui-ci produisait ne lui permettait pas de se voir reconnaître le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ; qu'ainsi, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'avant de prendre sa décision, le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen de sa situation particulière;
Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du CESEDA: " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que le 3ème alinéa de l'article L. 313-10 du même code limite le champ de l'admission exceptionnelle à cette carte de séjour aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ;
Considérant, d'une part, qu'en application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier si la situation personnelle de l'étranger peut constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour ; que si Mme A fait valoir qu'elle réside depuis 2007 en France avec sa famille, composée de son époux et de ses deux enfants, il ressort des pièces du dossier que son époux fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que la scolarisation de ses deux enfants en France est très récente, comme l'attestent les certificats de scolarités datés de février 2011 ; que, dans ces conditions, la situation personnelle et familiale ne saurait constituer à elle seule un motif exceptionnel d'admission au séjour; que si, par ailleurs l'intéressée soutient que son époux dispose d'une promesse d'embauche à mi-temps en qualité de mécanicien, cet emploi ne figure pas sur la liste des métiers en tension annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisée ; que dès lors, le préfet de l'Aube n'a commis aucune erreur d'appréciation en rejetant la demande de régularisation présentée par Mme A sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance..." ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du CESEDA dans sa rédaction alors applicable: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France (...) sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
Considérant que Mme A, ressortissante azerbaidjanaise née en 1963, est entrée irrégulièrement en France en avril 2007, accompagnée de ses deux enfants nés en Arménie en 2002 et 2004 et de son mari né en 1961, en vue de demander l'asile ; qu'elle fait valoir que ses deux enfants sont scolarisés et que son mari bénéficie d'une promesse d'embauche ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les demandes d'asile de Mme A et de son époux ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 octobre 2007 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 24 mars 2009 ; que la requérante a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales; que, dès lors, la décision contestée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision en cause méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article L. 313-11 7° du CESEDA ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que la décision de refus de séjour n'a pas en elle-même pour effet de séparer les enfants, âgés de 7 et 9 ans à la date de la décision attaquée, de leurs parents ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
Considérant que les décisions des 30 octobre 2007 et du 24 mars 2009 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile qui ont été opposées à Mme A sont fondées sur le caractère non établi des allégations de l'intéressée quant aux risques encourus en cas de retour en Arménie où elle résidait jusqu'à son départ pour la France, fin 2007 ; que si l'intéressée soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Arménie du fait qu'elle forme un couple mixte azéri-arménien alors que son époux est dans la même situation, elle n'établit pas l'existence d'un risque personnel et actuel en cas de retour en Arménie, pas plus qu'elle ne justifie de l'existence d'un tel risque en cas de retour en Azerbaïdjan ; que, dès lors, les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de la décision de fixation du pays de renvoi doivent être également rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence de rejeter ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Zahra B épouse A et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
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