Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 mars 2011, complétée par un mémoire enregistré le 16 mars 2012 et par des pièces produites le 19 mars 2012 et le 4 mai 2012, présentée pour Mme Valérie A, demeurant ..., par Me Lavolé, avocat ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000614 en date du 27 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait acquittés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le jugement attaqué et la législation française méconnaissent les objectifs résultant de l'article 13 de la sixième directive, ainsi que le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors, que conformément à ce qu'a jugé la cour de justice des communautés européennes, un Etat membre ne peut exclure de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée une profession ou une activité spécifique de soins que s'il est démontré que les personnes exerçant cette profession ne sont pas aptes, compte tenu de leurs qualifications professionnelles, à offrir un niveau de qualité équivalent à celui des prestations des membres des professions exonérées ;
- qu'elle démontre que les qualités de sa formation et de sa pratique, qui sont de plus équivalentes à celles exigées par les décrets des 7 janvier et 20 septembre 2011, lui permettent d'offrir un niveau de prestations équivalant à celui des prestations réalisées par les membres de professions exonérées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 août 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient :
- que la requérante ne peut se prévaloir de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 pour des honoraires perçus antérieurement à la modification apportée à l'article 261-4-1° du code général des impôts par l'article 58 de la loi du 25 décembre 2007 ;
- que la requérante ne démontre pas qu'au cours de la période litigieuse, elle se serait abstenue d'accomplir des actes de chiropraxie interdits aux praticiens qui n'avaient pas la qualité de médecin, ni que ses actes étaient d'une qualité équivalente à ceux d'un médecin ;
Vu la lettre du 20 mars 2012 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 10 mai 2012 et que l'instruction pourrait être close à partir du 25 avril 2012 sans information préalable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;
Vu le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
Vu le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;
Vu l'arrêté du 7 janvier 2011 pris pour l'application du décret n° 2011-32 ;
Vu l'arrêté du 20 septembre 2011 pris pour l'application du décret n° 2011-1127
Vu la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 dont les dispositions sont reprises à l'article 132 paragraphe 1 de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006 : "Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...)" ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : "Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...)" ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par les articles 13, A paragraphe et 132, paragraphe 1, sous c) précités des directives susmentionnées, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, les directives renvoient à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les directives susmentionnée serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
Considérant que l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît l'usage professionnel du titre de chiropracteur aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique en la matière et que les praticiens en exercice à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent se voir reconnaître le titre de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires de diplôme, dans les conditions déterminées par décret ; que le décret susvisé du 7 janvier 2011 prévoit notamment, en son article 23, qu'à titre transitoire et par dérogation, l'autorisation d'user du titre de chiropracteur est délivrée aux praticiens exerçant la chiropraxie à la date de publication du décret, justifiant de conditions de formations équivalentes à celles prévues par les dispositions réglementaires relatives à la formation, ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de la chiropraxie d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années à compter de la date de publication du décret ; que le décret susvisé du 20 septembre 2011 prévoit que le diplôme de chiropracteur est délivré aux personnes qui ont suivi une formation d'au moins 3 520 heures comportant, d'une part, au minimum 2 120 heures d'enseignements théoriques sur des matières dont la liste et le nombre d'heures de formation sont précisées par le décret du 20 septembre 2011 et l'arrêté du même jour pris pour son application et, d'autre part, une formation pratique de 1 400 heures minimum sous forme de stages ; que ces dispositions doivent être regardées, au regard du présent litige, comme définissant les conditions devant être remplies par les chiropracteurs pour que leurs actes soient regardés comme accomplis avec des garanties équivalentes à celles constatées pour des actes de même nature accomplis par des médecins ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, qui a débuté son activité en 1991, atteste d'une expérience professionnelle dans le domaine de la chiropraxie d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années à compter de la date de publication du décret du 7 janvier 2011 ; qu'en tout état de cause, elle a suivi un enseignement de chiropraxie de 5 500 heures sur une durée de 6 ans, a effectué et validé un stage clinique de 15 mois dans un centre de soins et a obtenu le 11 novembre 1989 le diplôme de chiropracteur délivré par l'Institut français de chiropractie ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que cette formation, sanctionnée par la délivrance de ce diplôme, était équivalente à celle exigée par le décret susmentionné du 20 septembre 2011 ; qu'il suit de là que les actes accomplis par Mme A pendant la période en litige, alors que son activité n'était pas encore réglementée, étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été dès lors exonérés, sans que le ministre puisse utilement faire valoir dans ces conditions que la requérante n'apporte pas la preuve qu'elle s'est abstenue d'accomplir, au cours de ces périodes, des actes de chiropraxie aujourd'hui interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme A la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 25 076 euros acquittés par Mme A au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 lui seront restitués.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Valérie A et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
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