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05/04/2012 | FRANCE | N°11NC01671

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 11NC01671


Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 30 novembre 2011, 2 janvier et 3 février 2012, présentée par le PREFET DES ARDENNES ;

LE PREFET DES ARDENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11011253 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 21 juin 2011 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays destination, l'a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention

"vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somm...

Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 30 novembre 2011, 2 janvier et 3 février 2012, présentée par le PREFET DES ARDENNES ;

LE PREFET DES ARDENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11011253 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 21 juin 2011 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays destination, l'a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A à mener une vie privée et familiale normale aux buts en vue desquels il a été pris ;

- il n'a pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- Mme A ne pouvait voir son titre de séjour renouvelé, étant donné que son enfant français mineur n'a pas sa résidence habituelle en France ;

- son arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, Mme A pouvant retourner en Côte d'Ivoire avec sa fille, laquelle vient de séjourner pendant 22 mois dans ce pays ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2011, complété par des mémoires enregistrés les 16 décembre 2011 et 31 janvier 2012, présenté pour Mme Eva A par la SCP Delgenes-Vaucois / Justine-Delgenes qui conclut au rejet de la requête et à ce que, d'une part, une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, d'autre part, une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 75-I de la même loi ;

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale dès lors qu'il va la séparer de sa fille et de son concubin ;

- il conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, eu égard à sa bonne intégration dans la société française notamment caractérisée par l'obtention de nombreux diplômes ;

- l'arrêté repose sur des faits matériellement inexacts compte tenu de ce que sa fille résidait avec elle à la date de l'arrêté contesté ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ne renouvelant pas son titre de séjour alors que sa fille réside avec elle ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'arrêté allant la séparer de son enfant ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 19 janvier 2012, admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Laurent, président de chambre,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Mme A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que Mme A, ressortissante béninoise entrée en France en 2003 à l'âge 16 ans, s'occupe seule de son fils mineur, de nationalité française, né le 17 novembre 2005; que si Mlle A a, de sa propre initiative, en raison de ses difficultés personnelles et professionnelles, confié la garde de sa fille à sa mère résidant en Côte d'Ivoire pendant 22 mois entre le 13 août 2009 et le 19 juin 2011, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A a, durant cette période, continué à contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, notamment par l'envoi de mandats en espèces à de nombreuses reprises à sa mère et par l'ouverture d'un livret A au bénéfice de sa fille en 2010, et a manifesté de façon constante, en particulier dans son courrier du mois de mai 2011 adressé au PREFET DES ARDENNES, confirmé lors de son audition par les services de police le 16 juin 2011, le souhait qu'elle la rejoigne ; qu'en outre, le père de l'intéressée est également de nationalité française ; qu'ainsi, eu égard à la durée de séjour en France de l'intéressée et à la présence de son enfant français mineur à ses côtés, l'arrêté du PREFET DES ARDENNES refusant à Mme A le renouvellement de son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ARDENNES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 21 juin 2011 refusant un titre de séjour à Mme A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / (...) S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " et qu'aux termes de l'article 43 de la même loi : " (...) Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner dans les conditions prévues à l'article 75, la partie mentionnée à l'alinéa précédent au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés. " ;

Considérant, d'une part, que Mme A, ainsi qu'il a été dit, a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delgenes-Vaucois / Justine-Delgenes, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros ;

Considérant, d'autre part, que l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues par l'article 75-I de ladite loi, codifié à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la partie perdante au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés ; qu'en l'espèce, Mme A ne justifiant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 19 janvier 2012, ses conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 600 euros au titre des frais qu'elle aurait exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par le PREFET DES ARDENNES est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Delgenes-Vaucois / Justine-Delgenes, avocat de Mme A, la somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP Delgenes-Vaucois / Justine-Delgenes renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à Mme Eva A.

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N° 11NC01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01671
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Christophe LAURENT
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-04-05;11nc01671 ?
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