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05/04/2012 | FRANCE | N°11NC00803

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 11NC00803


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2011, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), par Mes Saumon et Roquelle-Meyer ;

L'ONIAM demande à la Cour :

A titre principal,

1°) d'annuler le jugement n° 0801446 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser à M. A une somme de 39 200 euros en réparation de la cécité de l'oeil droit à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier régional universitaire de R

eims ;

2°) d'ordonner le remboursement des sommes versées à M. A ;

3°) de conda...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2011, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), par Mes Saumon et Roquelle-Meyer ;

L'ONIAM demande à la Cour :

A titre principal,

1°) d'annuler le jugement n° 0801446 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser à M. A une somme de 39 200 euros en réparation de la cécité de l'oeil droit à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier régional universitaire de Reims ;

2°) d'ordonner le remboursement des sommes versées à M. A ;

3°) de condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire,

1°) d'étendre la mission de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne ;

2°) de réserver les dépens ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a fait une application erronée de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que, d'une part, s'il a retenu une origine nosocomiale aux dommages de la victime, seul l'article L. 1142-1-1 du même code était applicable et, d'autre part, le taux de déficit fonctionnel permanent de 25 % retenu excluait toute intervention de l'ONIAM en matière d'infection nosocomiale ;

- le taux de déficit fonctionnel permanent de 25 % prévu par l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique n'est pas atteint en l'espèce puisque l'incidence de l'infection, à la supposer nosocomiale, justifierait au maximum un taux de 24 % ;

- c'est donc au centre hospitalier régional universitaire de Reims de prendre en charge les conséquences de l'infection ;

- le caractère nosocomial reste débattu au regard des conclusions de l'expert amiable ;

- l'expertise réalisée à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ne lui est pas opposable dès lors que ladite expertise n'a pas été réalisée à son contradictoire ;

- si la Cour devait considérer que le déficit fonctionnel permanent de M. A est supérieur à 25 %, il conviendrait d'ordonner une expertise médicale pour analyser la nature nosocomiale ou non de l'infection litigieuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2011, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Reims par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la preuve de la cause étrangère doit être regardée comme rapportée dès lors que l'endophtalmie infectieuse dont a été victime M. A est imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans ses effets ;

- le taux du déficit fonctionnel permanent de M. A ne peut être évalué à 24 % mais à 30% en prenant pour référence les résultats espérés de l'intervention ;

- par conséquent, seule la solidarité nationale pourrait prendre en charge les conséquences de l'infection pour le patient ;

- il laisse à la Cour, qui peut très bien se prononcer au vu de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, l'appréciation du bien-fondé de l'expertise sollicitée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2011, présenté pour M. A par Me Choffrut, qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme qui lui a été accordée en première instance soit portée à 77 200 euros, somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2009 et de leur capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims ;

4°) à la mise à la charge de l'ONIAM d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'ONIAM n'a toujours pas procédé au règlement des condamnations prononcées à son encontre ;

- son taux du déficit fonctionnel permanent est supérieur à 25 % ;

- ses troubles dans ses conditions d'existence doivent être réparés à hauteur de 4 500 euros, son déficit fonctionnel permanent à hauteur de 60 000 euros, son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 1 200 euros, ses souffrances endurées à hauteur de 5 000 euros, son préjudice esthétique à hauteur de 2 500 euros et son préjudice d'agrément à hauteur de 4 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2011, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux même fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'il a versé, par virement du 27 juillet 2011, la somme de 40 617,61 euros en exécution du jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2012, présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- l'ONIAM a bien exécuté le jugement frappé d'appel ;

- l'ONIAM n'avance aucun élément de nature à remettre en cause l'expertise déjà ordonnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Reims qui conclut aux même fins que sa requête ainsi qu'au rejet des conclusions de M. A dirigées à titre subsidiaire à son encontre, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 29 septembre 2011, admettant M. OudghiriA au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M. A a été opéré le 26 septembre 2003 au service d'ophtalmologie du centre hospitalier universitaire de Reims d'une cataracte à l'oeil droit ; qu'il a quitté l'établissement le lendemain mais, à la suite de douleurs persistantes à cet oeil, il a de nouveau été hospitalisé dans cet établissement à compter du 28 septembre 2003 ; qu'au cours de cette période, un prélèvement bactériologique effectué sur l'oeil droit a révélé la présence de Streptocoques salivarius ; que cette endophtalmie infectieuse a été traitée par antibiothérapie et, le 30 septembre 2003, M. A a été opéré d'une hyalite, c'est-à-dire d'une inflation du corps vitré de l'oeil ; qu'après être sorti du centre hospitalier universitaire de Reims, l'intéressé a de nouveau été opéré de l'oeil droit en vue de traiter un décollement de la rétine ; M. A, qui reste atteint d'une cécité de l'oeil droit, a mis en cause devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Reims ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que l'infection à l'origine du dommage devait être regardée comme présentant un caractère nosocomial et, après avoir substitué d'office l'ONIAM à l'établissement hospitalier, a condamné l'ONIAM à verser à la victime une somme de 39 200 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. /Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. /II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. /Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article L. 1442-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales... " ; qu'enfin, l'article D. 1142-2 du même code dispose que " le barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-1 constitue l'annexe 11-2 du présent code " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les dommages consécutifs à des infections nosocomiales ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, par l'ONIAM, lorsque le taux de déficit fonctionnel permanent qui procède de ces infections est supérieur à 25 % ; que dans le cas où ce taux est au plus égal à 25 %, les établissements hospitaliers sont responsables des mêmes dommages sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ;

Considérant qu'après avoir estimé que le taux de déficit fonctionnel permanent dont M. A reste atteint devait être fixé à 25 %, le tribunal administratif a mis à la charge de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, la réparation des préjudices subis par la victime et imputables à une infection nosocomiale ; que les premiers juges ont ainsi commis une erreur de droit dès lors qu'un tel taux n'ouvrait pas droit, en application du 1° de l'article L. 1442-1-1 du code de la santé publique, à réparation au titre de la solidarité nationale ;

Considérant, en outre, que l'expert désigné par le président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de M. A en se référant à l'état antérieur et à l'état séquellaire lors de la consolidation à 6 % ; que ce taux est confirmé par la différence entre, d'une part, le taux de 35 % figurant au tableau I du point " III- Ophtalmologie " de l'annexe 11-2 au code de la santé publique pour une cécité d'un oeil lorsque l'autre bénéficie, comme c'est le cas de M. A, d'une acuité visuelle, après correction, de 6/10 et, d'autre part, le taux de 29 % figurant au même tableau pour une acuité visuelle d'un oeil de 1/20 lorsque l'autre bénéficie d'une acuité visuelle, après correction, de 6/10, c'est-à-dire l'état préexistant de M. A ; qu'ainsi, seul le taux de déficit fonctionnel permanent de 6 % correspond à la réduction définitive des capacités oculaires de M. A du fait de l'infection en cause ;

Considérant que, par suite, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à indemniser les préjudices subis par M. A imputables à l'infection contractée lors de son hospitalisation ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et devant la Cour ;

Considérant qu'en application du dernier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique précité, le centre hospitalier universitaire de Reims est responsable des dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère ;

Considérant qu'il ressort de l'expertise réalisée à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Champagne-Ardenne que l'infection de l'oeil par un germe oral a été provoquée lors du geste opératoire et constitue un risque connu, survenant dans 3 cas sur 1 000, des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce ; que, si l'expert a relevé qu'il était très difficile de la prévenir dans la mesure où les mesures antiseptiques n'ont d'effet que sur 90 % des germes, il ne ressort pas de l'instruction qu'elle présente le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité qui permettrait de regarder comme apportée la preuve d'une cause étrangère ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'en allouant à M. A la somme de 1 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice portant sur la période du 28 septembre au 3 décembre 2003 ; qu'il en est de même pour les sommes de 3 000 et 1 700 euros correspondant aux souffrances endurées par le patient et au préjudice esthétique, évalués respectivement à 3/7 et 2/7 par l'expert ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A au titre du déficit fonctionnel permanent, qui englobe les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, fixé ainsi qu'il a été dit à 6 %, en condamnant le centre hospitalier universitaire de Reims à lui verser une indemnité de 5 400 euros ; que l'intimé n'apporte aucun élément sur l'exercice avant l'intervention qu'il a subi en septembre 2003 d'une pratique régulière d'une activité sportive ou de loisirs ; qu'il n'est donc pas fondé à demander la réparation d'un préjudice d'agrément ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser la somme de 11 100 euros à M. A qui devra rembourser à l'ONIAM la somme versée en application de l'article 2 du jugement attaqué ;

Sur les intérêts et leur capitalisation

Considérant qu'il y a lieu de fixer le point de départ des intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil au 4 avril 2008, date à laquelle le centre hospitalier universitaire de Reims a accusé réception de la réclamation préalable de M. A ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. A le 11 avril 2009 devant le tribunal administratif ; qu'à cette date les intérêts étaient dus au moins pour une année entière ; que, dès lors, en application de l'article 1154 du code civil, les intérêts seront capitalisés au 11 avril 2009 puis, à chaque échéance annuelle, à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 mars 2011 est annulé.

Article 2 : M. A est condamné à rembourser à l'ONIAM la somme versée en application de l'article 2 du jugement du 17 mars 2011.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Reims est condamné à verser M. A une somme de 11 100 (onze mille cent euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2008. Les intérêts échus le 11 avril 2009, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le recours incident de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à M. Abdellah A, au centre hospitalier universitaire de Reims et à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon.

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N° 11NC00803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00803
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-04-05;11nc00803 ?
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