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22/03/2012 | FRANCE | N°11NC00942

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 22 mars 2012, 11NC00942


Vu le recours et le mémoire, enregistrés les 8 juin et 7 novembre 2011, présentés par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706063 du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à M. Laurent A la somme de 1 299 558,08 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des conséquences dommageables de son accident de la circulation, à

M. et Mme Yves A une somme de 112 500 euros, avec intérêts et capitali...

Vu le recours et le mémoire, enregistrés les 8 juin et 7 novembre 2011, présentés par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706063 du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à M. Laurent A la somme de 1 299 558,08 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des conséquences dommageables de son accident de la circulation, à M. et Mme Yves A une somme de 112 500 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, à Mlle Morgane A une somme de 11 250 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts et à l'union des caisses de maladie du Grand Duché du Luxembourg une somme de 166 094,76 euros en remboursement des prestations servies à son assuré ;

2°) de déclarer l'Etat non responsable de l'accident dont a été victime M. Laurent A, à titre subsidiaire de dire que les causes de cet accident lui sont imputables dans une proportion supérieure à 25 % ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire les prétentions des consorts A à de plus justes proportions ;

Le ministre soutient que :

- les causes exactes de l'accident restent indéterminées et le lien de causalité entre les préjudices subis et le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public n'est pas établi avec certitude ;

- les panneaux mis en place avant le lieu de l'accident, avertissant d'un danger particulier, étaient suffisants pour alerter l'attention des usagers de la voie ;

- l'ouvrage faisait l'objet d'une surveillance particulière en raison de son mauvais état général, un degré supplémentaire de sécurisation ne pouvant consister qu'en sa fermeture complète pendant plusieurs années dans l'attente de sa reconstruction, ce qui n'était pas possible compte tenu de la densité du trafic ;

- M. A, malgré la présence de panneaux avertissant du danger particulier, circulait à une vitesse supérieure de 20 km/h au-delà de la vitesse maximale autorisée ;

- pour l'évaluation des préjudices, il y lieu de se référer à ses observations devant les premiers juges ;

Vu, enregistrés les 13 septembre et 19 décembre 2011, les mémoires présentés pour M. Laurent A, M. Yves A, Mme Françoise A et Mlle Morgane A par Me Schreckenberg, qui concluent au rejet de la requête et, par la voie de conclusions d'appel incident, à ce que l'Etat français soit déclaré seul et entièrement responsable de l'accident de la circulation dont a été victime M. Laurent A, à ce que l'Etat soit condamné à verser la somme de 3 662 352,84 euros au titre des préjudices patrimoniaux, sauf créance des organismes de sécurité sociale, la somme de 535 000 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux, la somme de 186 279,02 euros au titre des préjudices économiques et moraux subis par M. et Mme Yves A, la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi par Mlle Morgane A, avec intérêts à compter du 28 décembre 2007 et capitalisation des intérêts, enfin la somme de 30 000 euros par application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Les consorts A soutiennent qu'il résulte de l'instruction que la chaussée était, à l'endroit de l'accident, fortement dégradée et qu'elle présentait de nombreuses ornières, que cette chaussée ne faisait pas l'objet de contrôles permanents alors que le danger qu'elle présentait et l'obligation de réduire la vitesse n'étaient pas suffisamment signalés, qu'il ne peut être fait reproche à M. Laurent A d'avoir circulé à une vitesse de 15 à 20 km/h au-delà de la vitesse de 70 km/h,; que les préjudices subis doivent être réparés comme demandé devant les premiers juges ;

Vu, enregistré le 28 octobre 2011, le mémoire présenté pour la Caisse Nationale de Santé luxembourgeoise qui conclut au rejet de la requête d'appel et, par la voie de conclusions d'appel incident, à ce que l'Etat français soit déclaré seul et entièrement responsable de l'accident de la circulation survenu à M. Laurent A et condamné à lui verser une somme de 227 749, 17 euros à parfaire avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance et capitalisation des intérêts, ensemble une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Caisse Nationale de Santé luxembourgeoise soutient que les conclusions de l'expert mettent en évidence un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et que l'Etat doit être condamné à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices, soit pour une somme de 227 749,17 euros et le jugement attaqué réformé en ce sens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Schreckenberg, avocat des consorts A ;

Considérant que M. A a été victime, le 29 mai 2009, alors qu'il circulait en motocyclette sur l'autoroute A 31 entre Metz et Thionville, au niveau du viaduc de Richemont, d'un accident de la circulation dont il a conservé de graves séquelles ; que par le jugement attaqué, l'Etat a été reconnu responsable, pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage, des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident et condamné à indemniser l'intéressé, ses parents, une de ses filles ainsi que l'Union des caisses de maladie du Grand Duché de Luxembourg, en réparation des préjudices subis ; que l'Etat demande à ce que sa responsabilité soit entièrement écartée, subsidiairement à ce qu'elle soit encore réduite, ensemble à ce que les prétentions des intimés soient ramenées à de plus justes proportions ; que par la voie de conclusions d'appel incident, les consorts A et la Caisse Nationale de Santé luxembourgeoise demandent qu'il soit fait entièrement droit à leurs prétentions de première instance ;

Sur la responsabilité.

Considérant, en premier lieu, que si l'Etat soutient que les causes de l'accident n'auraient pas été identifiées avec certitude, et que la présence de trous sur la chaussée n'aurait pas été relevée par l'enquête de police, il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, ensemble des témoignages des personnes qui ont porté secours à M. A après sa chute, que cette chaussée était dans un état avancé de dégradation, récurrent et souvent imprévisible, en raison de la structure même de l'ouvrage, inadaptée à la circulation massive des poids lourds ; que, malgré les réparations effectuées dans les jours qui ont suivi l'accident, la dégradation de la chaussée s'est poursuivie, l'ouvrage, qui était fermé périodiquement à la circulation pour réparations, ayant dû, finalement, être entièrement détruit pour être reconstruit ; que l'Etat n'établit ni même n'allègue que la chute de M. A pourrait être attribuée à une autre cause qu'une ornière, une rainure ou un pli du revêtement ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premiers juges ont retenu que le défaut d'entretien normal de l'ouvrage était la cause de l'accident de M. A ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le pont de la Moselle sur l'autoroute A31, où M. A a perdu le contrôle de sa motocyclette, présentait une structure métallique et un revêtement en macadam sensible aux vibrations occasionnées par le passage, de plus en plus important, des poids lourds ; qu'il est constant que s'y formaient, fréquemment, des ornières, des trous profonds et d'importantes fissures auxquelles il était, ponctuellement, remédié par les services de l'Etat en charge de son entretien ; que si une signalisation provisoire avait été mise en place le 27 avril 2003 avertissant, peu avant l'endroit de la chute, de l'existence, à nouveau, d'un danger et limitant la vitesse des véhicules à 90 km/h puis à 70 km/h, avec la présence d'un panneau signalant la présence d'un danger particulier, cette signalisation était, en tout état de cause, insuffisante pour alerter les motocyclistes sur l'état de délabrement habituel du revêtement qualifié par l'expert de " désastreux pour les motocyclistes " ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient que les panneaux posés n'auraient pas été correctement arrimés au sol et qu'ils auraient pu être renversés, il ne l'établit pas alors que l'Etat produit des éléments de nature à regarder cette présence comme avérée ; que si cette signalisation, comme il a été dit précédemment, était insuffisante, elle était néanmoins de nature à alerter les conducteurs de l'existence du danger pouvant se présenter ; qu'en ne réduisant pas significativement sa vitesse et en n'étant pas suffisamment attentif à l'état de la chaussée, alors que l'état de dégradation du pont de la Moselle lui était connue, M. A a commis une faute de nature à exonérer pour partie la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, enfin, qu'en fixant à 25 % la part de responsabilité de M. A dans l'origine de l'accident, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l'Etat, ensemble les conclusions des consorts A et de la caisse nationale de santé Luxembourgeoise tendant à ce que les parts respectives de responsabilité retenues par les premiers juges soient modifiées, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les montants des réparations accordées :

Considérant que le jugement attaqué a fixé les montants des réparations dues aux consorts A et à la caisse nationale de santé luxembourgeoise en écartant ou en réduisant certaines d'entre elles ; que tant l'Etat, qui se borne à se référer à ses observations présentées en première instance, que les consorts A, qui se bornent à reproduire, dans leur mémoire en défense et d'appel incident, à l'identique, leurs demandes indemnitaires devant le tribunal administratif, ne procèdent à une critique de ce jugement s'agissant des postes de préjudices sur lesquelles il s'est prononcé ; que, dans ces conditions, leurs prétentions tendant à ce que les montants des réparations accordées par les premiers juges soient modifiés ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en revanche, que la caisse nationale de santé luxembourgeoise est recevable et fondée à demander que la condamnation de l'Etat devant les premiers juges soit augmentée des nouveaux frais qu'elle a engagés depuis sa demande devant le tribunal administratif ; que, compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser une somme supplémentaire de 4 717,11 euros, montant non contesté par le ministre ; qu'elle est également recevable et fondée à demander que la somme de 166 094,76 euros que l'Etat a été condamné, par le jugement attaqué, à lui verser en remboursement de ses débours porte intérêts au taux légal ; que, toutefois, le point de départ de ces intérêts doit être fixé à la date du 17 octobre 2008, date de sa demande devant les premiers juges ; que la caisse nationale de santé luxembourgeoise a, également, droit à ce que les intérêts échus sur cette dernière somme à la date du 17 octobre 2009, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts, soient capitalisés, puis de nouveau capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que ses conclusions tendant à ce que les intérêts sur la somme de 4 717,11 euros soit capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ne peut, toutefois, qu'être rejetée, une année d'intérêts n'étant pas due ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces disposition et de condamner l'Etat à verser à M. Laurent A, M. Yves A, Mme Françoise A et Mlle Morgane A la somme totale de 5 000 euros et à à la caisse nationale de santé luxembourgeoise une somme de 1 500 euros. ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, ensemble les conclusions d'appel incident des consorts A, sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à la caisse nationale de santé luxembourgeoise une somme de 4 717,11 euros avec intérêts à compter du 28 octobre 2011.

Article 3 : La somme de 166 094,76 euros que l'Etat a été condamné à verser à la caisse nationale de santé luxembourgeoise portera intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la caisse nationale de santé luxembourgeoise est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. Laurent A, M. Yves A, Mme Françoise A et Mlle Morgane A la somme totale de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et à la caisse nationale de santé luxembourgeoise une somme de 1 500 euros au titre du même article.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, à M. Laurent A, à M. Yves A, à Mme Françoise A à Mlle Morgane A et à la caisse nationale de santé luxembourgeoise.

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11NC00942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00942
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal. Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-22;11nc00942 ?
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