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15/03/2012 | FRANCE | N°11NC00846

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11NC00846


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011, présentée pour M. Molière Bertin A, demeurant ..., par Me Grit ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005371 du 1er février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 7 septembre 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'autre part, à enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze j

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Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2011, présentée pour M. Molière Bertin A, demeurant ..., par Me Grit ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005371 du 1er février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à annuler l'arrêté en date du 7 septembre 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'autre part, à enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 30 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral en date du 7 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation et de lui accorder un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 30 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Grit en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait pas se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sa concubine, également de nationalité camerounaise, l'a accompagné en France ; leur enfant est né en France le 30 janvier 2011 ; la mère et la soeur de sa concubine résident régulièrement sur le territoire français ; il parle le français et est bien intégré ; il n'a plus d'attaches en Russie et au Cameroun ;

- l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu : dès lors qu'il aurait été à la rue s'il était retourné en Russie, il ne pouvait que s'établir en France où réside la famille de sa concubine ; les quelques attaches qu'ils ont en Russie et au Cameroun ne sont pas de nature à leur permettre de subvenir aux besoins de la famille ; seuls les membre de la famille de sa concubine résidant en France ont la capacité de subvenir à leurs besoins ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît également les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa compagne ne peut pas voyager, compte tenu de l'âge de leur enfant ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2011, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 janvier 2012, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 7 avril 2011, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité camerounaise, est entré sur le territoire français en août 2010, accompagné de sa compagne, de même nationalité ; que cette dernière est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que si la mère et la soeur de celle-ci résident régulièrement sur le territoire national, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident notamment deux de ses enfants âgés de 4 et 7 ans ; que trois soeurs de sa compagne résident également au Cameroun ; que M. A admet ne pas être dépourvu de quelques attaches en Russie ; qu'il n'établit pas qu'il serait dans l'incapacité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine ou en Russie, pays dans lequel il est légalement admissible ; que la circonstance que le requérant a eu un enfant né sur le territoire français le 30 janvier 2011, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, n'est pas de nature à lui ouvrir droit au séjour en France ; que, dans ces conditions, et eu égard en particulier à la durée et aux conditions de son séjour en France, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet du Haut-Rhin n'avait pas méconnu les dispositions précitées ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;

Considérant que, si le requérant soutient qu'il ne pouvait s'établir qu'en France où réside la famille de sa concubine, dès lors qu'il aurait été sans domicile fixe s'il était retourné en Russie, il n'établit, ni que la maison dans laquelle il résidait en Russie a été détruite par un incendie, ni qu'il avait pour seule possibilité de s'installer en France, alors que, selon ses propres dires, il n'est pas dépourvu d'attaches en Russie et dans son pays d'origine, et qu'il ne démontre pas qu'il serait dans l'incapacité de subvenir à ses besoins en cas de retour en Russie ou au Cameroun ; que M. A ne justifie ainsi pas de l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen doit donc être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, si M. A soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît également les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il y a lieu, dès lors qu'il invoque les mêmes éléments qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de séjour, d'écarter lesdits moyens, pour les mêmes raisons que celles ayant conduit à les écarter en tant qu'ils étaient dirigés à l'encontre du refus de séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, que la compagne du requérant aurait été dans l'impossibilité de voyager à la date de la décision litigieuse, compte tenu de son état et de l'âge de l'enfant né en France le 30 janvier 2011 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce que la Cour ordonne au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation et de lui accorder un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 30 euros par jour de retard ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu 'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Molière Bertin A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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11NC00846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00846
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : GRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-15;11nc00846 ?
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