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15/03/2012 | FRANCE | N°11NC00725

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11NC00725


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2011, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, représentée par son président en exercice, dûment habilité par une délibération en date du 18 avril 2008, ayant son siège 1 parc de l'Etoile à Strasbourg (67076), par Me Bourgun, avocat ;

La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004574-1004577 du 8 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé, à la demande de la société Frank Immobilier, la décision en date du 3 août 2010 par laquell

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Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2011, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, représentée par son président en exercice, dûment habilité par une délibération en date du 18 avril 2008, ayant son siège 1 parc de l'Etoile à Strasbourg (67076), par Me Bourgun, avocat ;

La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004574-1004577 du 8 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé, à la demande de la société Frank Immobilier, la décision en date du 3 août 2010 par laquelle son président a décidé de préempter le terrain cadastré section 32 parcelle n° 59 au lieu dit "Niederfeld Terre" sur le ban de la commune de Lampertheim, d'autre part, lui a enjoint de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté, de proposer dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à la société Frank Immobilier puis le cas échéant au propriétaire initial d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

2°) de rejeter les demandes de la société Frank Immobilier et de Mesdames A et B, nées C, devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de la société Frank Immobilier et de Mmes A et B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision de préemption litigieuse est suffisamment motivée ;

- la délibération du 19 décembre 2008 instituant le droit de préemption urbain a été régulièrement affichée et publiée ;

- la décision de préemption litigieuse fait apparaitre de façon suffisamment précise le type d'action ou d'opération d'aménagement en vue duquel le droit de préemption a été exercé ;

- la décision de préemption n'est pas entachée d'incompétence ;

- la communauté urbaine de Strasbourg établit à la date de la décision litigieuse la réalité d'un projet justifiant la préemption de la parcelle en cause ;

- la délibération attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2011, présenté pour Mme Claudine A, née D, demeurant ..., Mme Cathy B, née D, demeurant... ... et la SARL Frank Immobilier, représentée par son gérant, dont le siège social est 3 rue du Parc à Oberhausbergen (67031), par Me Soler-Couteaux, avocat ;

Elles concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que la motivation de la décision litigieuse est insuffisante au regard de l'état de la jurisprudence ; la CUS ne justifie pas de ce que la délibération instituant le droit de préemption urbain a effectivement été affichée en mairie pendant un mois et que sa mention en a été insérée dans deux journaux diffusés dans le département, et ce en méconnaissance de l'article R. 211-2 alinéa 1er du code de l'urbanisme ; la décision litigieuse fait apparaître de façon insuffisamment précise le type d'action ou d'opération d'aménagement en vue duquel le droit de préemption a été exercé ; à supposer que la réalisation d'une zone d'urbanisation mixte soit regardée comme une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, aucun élément ne permet d'établir que la CUS envisageait à la date du 3 août 2010 de réaliser un tel projet ; la décision de préemption a été prise par une autorité incompétente ; le champ d'application de la loi a été méconnu ; la décision de préemption est entachée d'illégalité en tant qu'elle ne permet pas de réaliser l'un des objets pour lequel elle est prétendument exercée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Portelli, avocat de Mmes A et B et de la SARL Franck Immobilier ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L.211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse en date du 3 août 2010 indique que l'acquisition, par voie de préemption, de la parcelle section 32 n° 59 de 25,19 ares au lieu dit " Niederfeld " appartenant à Mesdames A et B, a pour objet, " conformément aux documents d'urbanisme, SCOTERS approuvé le 1er juin 2008 qui encadre le développement de la zone commerciale des communes de Lampertheim, Mundolsheim et Vendenheim, et le PLU de la commune de Lampertheim, (...) de constituer des réserves foncières pour la réalisation d'une zone d'urbanisation mixte (habitat/activités) " et précise en outre que " De plus, le bien en cause est frappé d'un emplacement réservé A6 ayant pour destination au PLU de la commune de Lampertheim la création d'une amorce empruntant la rue des mercuriales depuis le rond point de Mundolsheim et comprenant un passage sous voie ferrée " ; que si la constitution de réserves foncières entre dans les objets de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et peut en conséquence justifier l'exercice du droit de préemption urbain, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG entend poursuivre puisse être identifiée, eu égard aux caractéristiques du bien préempté et du secteur géographique dans lequel il se situe ; que notamment, la réalité d'un projet d'action ou d'aménagement à l'emplacement considéré ne ressort pas du relevé de décision du 9 février 2009 du bureau de développement économique de la CUS, qui évoque un projet de création de 6 zones d'activité, alors par ailleurs que, comme il a été dit ci-dessus, la décision litigieuse invoque la constitution de réserves foncières en vue de la réalisation d'une zone mixte habitat/activités ; qu'ainsi, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal administratif de Strasbourg, la décision de préemption litigieuse du 2 août 2010 méconnaît les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code précité et doit pour ce motif être annulée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 211-2-1 du code de l'urbanisme : " la délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1 d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué " ;

Considérant que si le non-respect des formalités de publicité de la décision instituant le droit de préemption est sans influence sur sa légalité, il s'oppose à ce que ladite décision produise des effets juridiques et devienne exécutoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération en date du 19 décembre 2008 instituant le droit de préemption sur la commune de Lampertheim ait fait l'objet des mesures de publicité prescrites par les dispositions précitées, à savoir, la publication dans deux journaux diffusés dans le département ; qu'ainsi, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal administratif de Strasbourg, la décision de préemption litigieuse du 2 août 2010, prise sur le fondement de la délibération du 19 décembre 2008, est dépourvue de base légale et doit, pour ce motif, être annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement susvisé, le Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé, à la demande de la société Frank Immobilier, la décision en date du 3 août 2010 par laquelle son président a décidé de préempter le terrain cadastré section 32 parcelle n° 59 au lieu dit "Niederfeld Terre" sur le ban de la commune de Lampertheim, d'autre part, lui a enjoint de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté, de proposer dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à la société Frank Immobilier puis le cas échéant au propriétaire initial d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Frank Immobilier et Mmes A et B, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que demande la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG une somme globale de 1 500 € (500 € chacun) au titre des frais exposés par la SARL Frank Immobilier, Mme A et Mme B et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG est rejetée.

Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG versera à Mme Diegelman, à Mme B et à la SARL Frank Immobilier une somme de 500 € (cinq cents euros) chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, à la SARL Frank Immobilier, à Mme Claudine A et à Mme Cathy B.

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11NC00725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00725
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain (loi du 18 juillet 1985).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-15;11nc00725 ?
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