La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2012 | FRANCE | N°11NC00125

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11NC00125


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2011, présentée pour la société HUCK OCCITANIA, dont le siège est RN 126, les Clauzolles, à Maurens Scopont (81470), par Me Amalric, avocat ; la société HUCK OCCITANIA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701023 en date du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la commune de Sélestat responsable à hauteur de 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont M. A a été victime le 12 janvier 2006 et a décidé qu'il sera, avant de statuer sur la demande indemnitaire de M.

A, procédé à une expertise, en tant que ledit jugement, dans son article 2,...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2011, présentée pour la société HUCK OCCITANIA, dont le siège est RN 126, les Clauzolles, à Maurens Scopont (81470), par Me Amalric, avocat ; la société HUCK OCCITANIA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701023 en date du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la commune de Sélestat responsable à hauteur de 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont M. A a été victime le 12 janvier 2006 et a décidé qu'il sera, avant de statuer sur la demande indemnitaire de M. A, procédé à une expertise, en tant que ledit jugement, dans son article 2, l'a condamnée à garantir la commune de Sélestat des condamnations mises à sa charge ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et de la mettre hors de cause ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sélestat le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le pare-ballons posé par ses soins est exempt de toute défectuosité ; il a été réceptionné sans réserve par les services techniques de la commune de Sélestat, qui a expressément confirmé la conformité de l'ouvrage aux normes de sécurité et l'absence de défectuosité dans une décision du 4 mai 2007 ; aucun défaut d'ajustement du filet de protection à la grille n'est avéré ; la preuve de la position anormale ou de la défectuosité du pare-ballons n'est pas rapportée ; l'ouvrage, qui n'est pas constitué d'un grillage, ne présentait pas des pointes en parties hautes ; seule la présence d'une main courante autour du terrain a permis à M. A, en y montant, d'accéder au niveau supérieur de la grille ; la société requérante ne pouvait être tenue pour responsable du défaut d'entretien normal de l'ouvrage par la commune, dont la responsabilité doit seule être recherchée ; l'appel en garantie de la commune de Sélestat doit ainsi être rejeté ;

- l'accident dont M. A a été victime le 12 janvier 2006 est dû exclusivement à l'imprudence fautive de ce dernier, qui est monté de nuit, par temps de verglas, sur une main courante qui n'était pas prévue à cet usage ; ainsi, seule sa responsabilité peut être engagée, à l'exclusion de celle de la société requérante ; le fait que le ballon reste coincé n'obligeait pas une personne à tenter de le récupérer dès lors que d'autres ballons étaient nécessairement disponibles ; la fonction du pare-ballons n'est pas de permettre aux ballons de rebondir et de revenir sur le terrain, mais d'éviter que les ballons ne se perdent et aillent sur les terrains voisins ;

- le Tribunal a fait preuve de sévérité à l'égard de la société requérante en la condamnant à verser à la commune de Sélestat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société requérante entend solliciter qu'un sursis de paiement lui soit octroyé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2011, présenté pour la commune de Sélestat, qui conclut, d'une part, au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et, d'autre part, à ce que le jugement attaqué soit annulé en ce qu'il l'a déclarée responsable à hauteur de 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont M. A a été victime le 12 janvier 2006 ; la commune de Sélestat demande, en outre, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société HUCK OCCITANIA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient, d'une part, que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société HUCK OCCITANIA, qui devait livrer un équipement conforme aux normes de sécurité, à garantir la commune de toutes les condamnations mises à sa charge ; d'autre part, qu'elle n'est pas responsable de l'accident ; que le pare-ballons qui a été installé était conforme aux normes en vigueur ; que sa dangerosité n'est pas établie ; que la preuve d'une quelconque faute de la commune n'est pas rapportée ; que le requérant ne prouve pas que l'accident aurait pour cause un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ; que l'accident litigieux a pour unique cause la faute du requérant, qui a fait un usage anormal du pare-ballons en s'agrippant à la grille pour essayer d'attraper une balle qui y était coincée dans des conditions météorologiques mauvaises ; que le jugement attaqué doit donc être réformé en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 30 % à la charge de la commune ; que M. B a commis une faute tant en conservant son alliance pendant cette opération qu'en l'ayant accomplie compte tenu des circonstances atmosphériques et du danger qu'elle présentait ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2011, présenté pour la société HUCK OCCITANIA et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sélestat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de M. Luben, président,

- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

Sur la responsabilité de la commune de Sélestat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui procédait à un entraînement de la section des benjamins de l'association de football des Portugais de Sélestat le 12 janvier 2006 à 19 heures environ, a tenté de dégager un ballon qui était resté bloqué dans le pare-ballons situé derrière les buts du terrain de football du stade Grubfeld ; qu'à cet effet, il est monté sur la main courante située derrière ledit pare-ballons et a dégagé le ballon ; que son alliance, à l'annulaire gauche, s'est alors engagée involontairement dans l'une des extrémités supérieures du treillis grillagé formant la partie inférieure du pare-ballons ; qu'en sautant en arrière pour redescendre, M. A s'est arraché les deux premières phalanges de l'annulaire gauche ; qu'il a été conduit en urgence à SOS Mains à Strasbourg, où il a été constaté qu'une réimplantation d'un segment digital n'était pas possible et où il a été procédé à une régularisation à la hauteur de l'articulation métacarpophalangienne ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des quatre attestations produites par des usagers du terrain de football ainsi que des photographies des lieux et des plans du pare-ballons émanant du fabriquant, la société Girardot, que celui-ci est composé de deux parties, la partie inférieure étant formée de panneaux de treillis grillagé d'une hauteur de deux mètres, duquel dépassaient, de 2 ou 3 centimètres, les fils d'acier formant la trame verticale dudit treillis, ces panneaux étant surmontés d'un filet d'une hauteur de six mètres ; qu'avant l'accident dont M. A a été victime, ledit filet était fixé aux panneaux de treillis grillagé à l'arrière de ceux-ci et à environ 20 à 25 centimètres plus bas que leur sommet, de sorte qu'il était fréquent que des ballons demeurent bloqués dans cet espace formé entre la partie basse du filet et la partie haute des panneaux ; qu'ainsi, la double circonstance que les fils d'acier dépassaient de 2 ou 3 centimètres le sommet des panneaux de treillis grillagé et que le filet n'était pas fixé au sommet desdits panneaux mais à environ 20 à 25 centimètres plus bas que celui-ci est constitutive d'un défaut d'aménagement normal de l'ouvrage public constitué par le pare-ballons de nature à engager la responsabilité de la commune de Sélestat, propriétaire dudit ouvrage public ;

Sur l'appel en garantie formé par la commune de Sélestat à l'encontre de la société HUCK OCCITANIA :

Considérant qu'il n'est pas contesté par la commune de Sélestat que les travaux d'installation du pare-ballons dont s'agit, qui ont été effectués le 19 octobre 2002 par la société HUCK OCCITANIA, ont fait l'objet d'une réception sans réserve de la part de la commune ; que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que la commune de Sélestat ne fait pas état de l'existence de circonstances qui seraient de nature à priver d'effet la réception des travaux sans réserve qu'elle a approuvée ; que, dans ces conditions, son appel en garantie doit être rejeté ; que le jugement attaqué doit ainsi être annulé dans la mesure où il a fait droit aux conclusions de la commune de Sélestat tendant à ce que la société HUCK OCCITANIA soit condamnée à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

Sur la recevabilité des conclusions de la commune de Sélestat :

Considérant que, dans son mémoire enregistré le 15 septembre 2011, la commune de Sélestat a conclu, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à ce que le jugement attaqué soit annulé en ce qu'il l'a déclarée responsable à hauteur de 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont M. A a été victime le 12 janvier 2006 ; que cet appel a été provoqué par l'appel principal de la société HUCK OCCITANIA, dont l'admission a pour effet d'aggraver la situation de la commune de Sélestat ; que, des lors, les conclusions de cette dernière, bien que présentées après l'expiration du délai d'appel, sont recevables ;

Sur la faute de la victime :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A est monté sur la main courante située derrière ledit pare-ballons en s'agrippant au treillis grillagé pour dégager le ballon, alors que ces équipements n'étaient pas prévus pour cet usage ; qu'il n'a par ailleurs pas pris garde au fait qu'un des fils d'acier surmontant le panneau de treillis grillagé s'était engagé entre son alliance et son annulaire avant de sauter en arrière pour redescendre ; que ces circonstances constituent des imprudences fautives commises par M. A de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Sélestat ; que, toutefois, eu égard à ce qui a été dit plus haut, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en maintenant la responsabilité de la commune à hauteur de 30% des conséquences dommageables de l'accident ; que, par suite, les conclusions de la commune de Sélestat doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société HUCK OCCITANIA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 18 novembre 2010, le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société HUCK OCCITANIA à garantir la commune de Sélestat des condamnations mises à sa charge ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Sélestat le paiement à la société HUCK OCCITANIA de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche doivent être rejetées les conclusions de la commune de Sélestat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 18 novembre 2010 est annulé en tant qu'il a condamné la société HUCK OCCITANIA à garantir la commune de Sélestat des condamnations mises à sa charge.

Article 2 : Les conclusions d'appel provoqué et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Sélestat sont rejetées.

Article 3 : La commune de Sélestat versera à la société HUCK OCCITANIA une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société HUCK OCCITANIA est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société HUCK OCCITANIA, à M. Antonio A, à la commune de Sélestat et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

''

''

''

''

2

11NC00125


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award