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23/02/2012 | FRANCE | N°11NC00144

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 février 2012, 11NC00144


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2011, présentée pour M. Abdelkader A, domicilié ..., par Me Boukheloua ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901118, 0911119, 0901549, 0902401 du 25 novembre 2010 en ce que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation :

- de la décision, en date du 11 mai 2009, du directeur adjoint de la police nationale lui infligeant un blâme ;

- de la décision, en date du 19 juin 2009, par laquelle le jury d'aptitude professionnelle et son président l'ont

déclaré inapte à être nommé en qualité de stagiaire et à redoubler, et a prononcé à so...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2011, présentée pour M. Abdelkader A, domicilié ..., par Me Boukheloua ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901118, 0911119, 0901549, 0902401 du 25 novembre 2010 en ce que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation :

- de la décision, en date du 11 mai 2009, du directeur adjoint de la police nationale lui infligeant un blâme ;

- de la décision, en date du 19 juin 2009, par laquelle le jury d'aptitude professionnelle et son président l'ont déclaré inapte à être nommé en qualité de stagiaire et à redoubler, et a prononcé à son encontre une mesure de fin de scolarité ;

- de l'arrêté, en date du 13 juillet 2009, du ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales mentionnant qu'il est mis fin à sa scolarité à compter du 16 juin 2009 ;

- de l'arrêté, en date du 24 juillet 2009, du même ministre portant rectification de certification de certaines mentions dans les visas de l'arrêté en date du 13 juillet 2009 ;

2°) d'annuler ces décisions et arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

M. A soutient que :

- le jugement est irrégulier, sa minute n'ayant pas été signée dans les conditions prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est également irrégulier pour ne pas répondre à ses moyens tirés, le premier, de ce qu'il lui était impossible de refuser de signer le procès verbal de notification de la délibération du jury en date du 18 juin 2009, le second, de ce que les signalements défavorables dont il avait fait l'objet durant sa scolarité étaient en contradiction avec les notations qu'il avait obtenues durant sa formation ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que le recours prévu à l'article 32 du décret du 18 mars 2004 présentait le caractère d'une obligation alors qu'il n'est pas établi qu'il ait été informé des voies et délais de recours pour saisir la commission de recours de la délibération du jury ;

- ils ont commis également une erreur de fait et dénaturé les pièces du dossier, son éviction est le résultat d'une volonté de le harceler et de l'évincer en mettant sa scolarité sous surveillance après qu'il ait dénoncé les injures dont il avait été victime ;

- la décision du 11 mai 2009 lui infligeant un blâme est entachée d'une insuffisance de motivation, de détournement de pouvoir et d'une erreur de fait ;

- la délibération du jury en date du 18 juin 2009 est entachée d'insuffisance de motivation, elle n'est pas intervenue après qu'il ait été informé de son droit à communication de son dossier individuel ;

- cette délibération, en considération de la personne, méconnaît les droits de la défense, elle méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 pour ne pas comporter la signature de tous les membres du jury, elle est entachée de détournement de pouvoir, repose sur des faits matériellement inexacts et est en contradiction avec les notes qu'il avait obtenues ;

- les arrêtés du ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités locales en dates des 13 juillet 2009 et 24 juillet 2009 sont entachés d'insuffisance de motivation, ils sont intervenus, en considération de la personne, sans communication du dossier individuel et sans communication des rapports sur lesquels s'est fondé le jury pour mettre fin à sa scolarité en violation des droits de la défense et en violation de l'article 24 alinéa 1 de la loi du 12 avril 2000 ;

- ces arrêts sont entachés d'une rétroactivité illégale pour prendre effet avant leurs dates de notification, ils sont entachés de détournement de pouvoir et sont fondés sur des faits matériellement inexacts ;

Vu le jugement et les décisions attaqués;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2011, présenté par la ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- il n'appartient pas au juge de contrôler l'appréciation portée par un jury sur les aptitudes d'un candidat ;

- la décision en date du 11 mai 2009 lui infligeant un blâme est suffisamment motivée, elle est fondée sur des faits matériellement exacts et elle n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

- la délibération du jury d'aptitude professionnelle, en date du 18 juin 2009, n'est entachée d'aucun vice d'incompétence, elle est suffisamment motivée, il n'y a pas violation des droits de la défense ni détournement de pouvoir ni erreur manifeste d'appréciation ;

- sa requête devant le tribunal administratif dirigée contre cette délibération était irrecevable pour ne pas avoir été précédée du recours prévu par les dispositions de l'article 31 du décret du 18 octobre 2005 ;

- aucun des moyens dirigés contre les arrêtés ministériels des 13 et 24 juillet 2009 ne peut être retenu, les premiers juges ayant au demeurant annulé celui en date du 18 juin 2009 en tant qu'il comportait un effet rétroactif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relations avec l'administration ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

Vu les arrêtés du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire des 18 mars 2004 et 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la minute du jugement attaqué du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qu'elle a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; qu'elle satisfait, ainsi, aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en retenant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès verbal de notification en date du 18 juin 2009 de la décision du jury d'aptitude professionnelle, que, nonobstant le refus de signature opposé par M. A, cette décision a fait l'objet d'une notification régulière, les premiers juges ont, implicitement mais nécessairement, écarté le moyen tiré de ce qu'il aurait été matériellement impossible que ce refus de notification ne pût intervenir à cette date ;

Considérant, enfin, que dès lors qu'ils retenaient que M. A, faute d'avoir exercé contre cette décision du 18 juin 2009 le recours organisé par les dispositions de l'article 31 de l'arrêté du 18 octobre 2005, n'était pas recevable à en demander l'annulation, les premiers juges n'avaient pas à répondre à son moyen tiré de ce qu'il y aurait eu une contradiction entre les notes qu'il avait obtenues et les appréciations défavorables sur son comportement personnel, tous éléments examinés par le jury d'aptitude professionnelle et fondant sa décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne serait irrégulier et qu'il devrait, pour ce motif, être annulé ;

Sur la légalité de la décision du 11 mai 2009 infligeant un blâme à M. A :

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter les moyens de M. A tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision, de ce qu'elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts et qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir ;

Sur la légalité de la décision du 19 juin 2009 du jury d'aptitude professionnelle :

Considérant que contrairement à ce que soutient M. A, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès verbal établi le 18 juin 2009 par le commandant de police directeur adjoint en charge de la pédagogie à l'Ecole nationale de police de Sens, école où il avait poursuivi sa scolarité, qu'il avait reçu notification, à cette date, de la décision du jury d'aptitude professionnelle y mettant fin, cette notification comportant l'indication de sa possibilité d'exercer un recours dans un délai de 48 heures ; qu'il est constant que M. A n'a pas exercé ce recours obligatoire dans ce délai, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision étant, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, irrecevables ;

Sur la légalité des arrêtés du ministre en date des 13 et 24 juillet 2009 :

Considérant, en premier lieu, que ces arrêtés, par lesquels le ministre s'est borné à constater la fin de la scolarité de M. A à la suite de la décision du jury d'aptitude professionnelle en date du 18 juin 2009 y mettant fin, n'avaient pas à être motivés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire ; qu'il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas, dés lors qu'elle ne revêt pas un caractère disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements ; qu'il en va de même en l'espèce s'agissant des décisions, qui ne présentent pas davantage de caractère disciplinaire, par lesquelles le ministre a constaté la fin de la scolarité de M. A ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'elles ne pouvaient intervenir sans communication de son dossier individuel et sans qu'il ait été mis à même de présenter des observations orales ou écrites ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en soutenant que les arrêtés en cause seraient fondés sur les faits matériellement inexacts retenus par le jury d'aptitude professionnelle dont l'appréciation, sur le déroulement de sa scolarité, serait entachée d'erreur manifeste, M. A doit être regardé comme contestant la décision de ce jury ; que M. A n'ayant pas saisi la commission de recours dans les conditions prévues à l'article 31 de l'arrêté du 18 octobre 2005 susvisé il ne peut utilement faire valoir un tel moyen à l'encontre des arrêtés du ministre ;

Considérant, en quatrième lieu, que le jugement attaqué a, précisément, sanctionné la rétroactivité illégale que comportaient ces arrêtés en décidant, dans cette mesure, d'une annulation ; que M.A n'est dès lors plus fondé à soutenir qu'ils seraient illégaux de ce chef ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi et que le moyen tiré de ce que les arrêtés du ministre seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation ne peut être utilement invoqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkader A et au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités locales et de l'immigration.

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N° 11NC00144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00144
Date de la décision : 23/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-02-23;11nc00144 ?
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