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23/02/2012 | FRANCE | N°10NC01777

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 février 2012, 10NC01777


Vu I) la requête, enregistrée le 19 novembre 2010 sous le n° 10NC01777, présentée pour la SOCIETE PRECIFORAGES, dont le siège est 7 rue des Mésanges à Gray la Ville (70100), représentée par son gérant en exercice, par Me Alliot ;

La SOCIETE PRECIFORAGES demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0500020-0901105 du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, d'une part, l'a condamnée in solidum avec la société Safège à verser à la communauté de communes Jura Sud la somme de 119 061 euros TTC à titre de dommages et intérêts

et, d'autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) condamner la société...

Vu I) la requête, enregistrée le 19 novembre 2010 sous le n° 10NC01777, présentée pour la SOCIETE PRECIFORAGES, dont le siège est 7 rue des Mésanges à Gray la Ville (70100), représentée par son gérant en exercice, par Me Alliot ;

La SOCIETE PRECIFORAGES demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0500020-0901105 du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, d'une part, l'a condamnée in solidum avec la société Safège à verser à la communauté de communes Jura Sud la somme de 119 061 euros TTC à titre de dommages et intérêts et, d'autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) condamner la société Safège à lui verser les sommes de 46 676,05 euros en remboursement des travaux supplémentaires qu'elle a dû effectuer, de 13 872,86 euros à titre d'indemnisation de la perte du marché et de 15 000 euros en réparation de son préjudice commercial ;

3°) mettre à la charge solidaire de la communauté de communes Jura Sud et la société Safège une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité du préjudice subi tant par le maître d'ouvrage que par elle-même incombe totalement au maître d'oeuvre, la société Safège ;

- son manque à gagner correspond à une marge de 20 % du montant du marché ;

- elle a également subi un préjudice commercial ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2011, présenté pour la communauté de communes Jura Sud par Me Perre-Vignaud, qui conclut :

1°) à ce que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable aux compagnies d'assurance des sociétés Idées Eaux et PRECIFORAGES ;

2°) à la condamnation solidaire des sociétés PRECIFORAGES, Safège et Idées Eaux à lui payer la somme provisionnelle de 300 000 euros à valoir sur les travaux préconisés par l'expert ;

3°) à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert afin de procéder au chiffrage des travaux à exécuter ;

4°) au rejet de la demande présentée par la société Safège tendant au paiement de la somme de 5 652,19 euros en règlement de ses honoraires de maîtrise d'oeuvre ;

5°) au rejet des demandes présentées par les sociétés Mutuelles du Mans assurances et Safège sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) à la mise à la charge solidaire des sociétés PRECIFORAGES, Safège et Idées Eaux d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les désordres dont elle sollicite la réparation proviennent tant du premier forage que du second ;

- la circonstance qu'elle ait été assistée lors du second forage par un maître d'oeuvre spécialisé n'a pas permis d'éviter les désordres ;

- lors du premier forage, elle n'a pas imposé l'économie d'un maître d'oeuvre qui ne paraissait d'ailleurs pas s'imposer compte tenu du fait que la SOCIETE PRECIFORAGES semblait compétente ;

- il ressort du rapport d'expertise que la SOCIETE PRECIFORAGES a été négligente dès lors qu'elle a réalisé un ouvrage de façon non conforme aux règles de l'art ;

- la société Horizons aux droits de laquelle est venue la société Safège, qui a failli à son devoir de conseil, n'a pas exécuté ses prestations ;

- par conséquent, non seulement sa responsabilité solidaire sera engagée, mais elle n'aura également pas droit au paiement de ses honoraires ;

- la société Idées eaux n'est pas intervenue en qualité de sous-traitante dès lors qu'elle a bénéficié du paiement direct de ses prestations par le maître d'ouvrage ;

- cette société, qui a mis en place des produits gonflants qui ont emprisonné le tubage dans le trou, sera condamnée solidairement ;

- les remèdes aux désordres consistent à la réalisation d'un nouveau forage après avoir rebouché le précédent ;

- le coût de ces remèdes, et non pas de la mauvaise qualité de l'eau captée, justifient l'octroi d'une provision de 300 000 euros ;

- l'évaluation, il y a dix ans, du coût des travaux par l'expert doit être actualisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2011, présenté pour la société Safège par Me Deschodt, qui conclut :

1°) à sa mise hors de cause ;

2°) au rejet des demandes de la communauté de communes Jura Sud et des sociétés PRECIFORAGES et Idées Eaux dirigées à son encontre ;

3°) à la condamnation in solidum de la communauté de communes de Jura Sud et des sociétés PRECIFORAGES et Idées Eaux à lui verser la somme de 5 652,19 euros TTC majorée des intérêts à compter du 18 décembre 1998 ainsi qu'à la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, à la réduction de l'indemnisation du préjudice subi par la communauté de communes Jura Sud et correspondant au montant des travaux supplémentaires qu'elle a exposés en vain à la somme de 11 031,21 euros ;

5°) à la mise à la charge in solidum de la communauté de communes de Jura Sud et des sociétés PRECIFORAGES et Idées Eaux de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'expert a outrepassé sa mission en se déterminant sur les responsabilités ;

- elle est intervenue postérieurement à l'exécution du premier forage réalisé par la société PRECIFORAGES sans l'assistance d'un bureau d'études, elle ne saurait donc répondre des désordres relatifs à ce premier forage ;

- la société PRECIFORAGES s'est engagée à réaliser une extraction du tube alors que l'hypothèse d'un second forage était envisagée ;

- le cahier des clauses techniques particulières mentionnait que le tube était a priori libre ;

- seule la responsabilité de la société PRECIFORAGES est susceptible d'être engagée ;

- si la Cour devait retenir un rôle causal des produits utilisés par la société Idées Eaux, celle-ci devrait répondre de ses éventuelles fautes ;

- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne serait être que marginale et partagée avec le maître de l'ouvrage et les sociétés PRECIFORAGES et Idées Eaux ;

- le préjudice du maître de l'ouvrage ne correspond pas à l'échec du forage, qui était d'ailleurs expressément envisagé, mais aux surcoûts exposés pour réhabiliter le forage existant ;

- en outre, le maître de l'ouvrage, qui a bénéficié de subventions, a produit des devis, non contradictoires, prévoyant des prestations dépassant le préjudice ;

- enfin, elle a droit au paiement de ses honoraires ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 janvier 2012, présenté pour la SARL PRECIFORAGES tendant aux même fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu II) la requête, enregistrée le 19 novembre 2010 sous le n° 10NC01787, présentée pour la SOCIETE SAFEGE venant aux droits de la société Horizons, dont le siège est Parc de l'Ile 15/27 rue du Port à Nanterre Cedex (92022), par Me Deschodt ;

La SOCIETE SAFEGE demande à la Cour de :

1°) la mettre hors de cause ;

2°) rejeter les demandes de la communauté de communes Jura Sud et des sociétés Préciforages et Idées Eaux dirigées à son encontre ;

3°) condamner in solidum la communauté de communes de Jura Sud et les sociétés Préciforages et Idées Eaux à lui verser la somme de 5 652,19 euros TTC majorée des intérêts à compter du 18 décembre 1998 ainsi qu'à la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, réduire l'indemnisation du préjudice subi par la communauté de communes Jura Sud et correspondant au montant des travaux supplémentaires qu'elle a exposés en vain à la somme de 11 031,21 euros ;

5°) mettre à la charge in solidum de la communauté de communes de Jura Sud et des sociétés PRECIFORAGES et Idées Eaux de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'expert a outrepassé sa mission en se déterminant sur les responsabilités ;

- elle est intervenue postérieurement à l'exécution du premier forage réalisé par la société Préciforages sans l'assistance d'un bureau d'études, elle ne saurait donc répondre des désordres relatifs à ce premier forage ;

- la société Préciforages s'est engagée à réaliser une extraction du tube alors que l'hypothèse d'un second forage était envisagée ;

- le cahier des clauses techniques particulières mentionnait que le tube était a priori libre ;

- seule la responsabilité de la société Préciforages est susceptible d'être engagée ;

- si la Cour devait retenir un rôle causal des produits utilisés par la société Idées Eaux, celle-ci devrait répondre de ses éventuelles fautes ;

- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne serait être que marginale et partagée avec le maître de l'ouvrage et les sociétés Préciforages et Idées Eaux ;

- le préjudice du maître de l'ouvrage ne correspond pas à l'échec du forage, qui était d'ailleurs expressément envisagé, mais aux surcoûts exposés pour réhabiliter le forage existant ;

- en outre, le maître de l'ouvrage, qui a bénéficié de subventions, a produit des devis, non contradictoires, prévoyant des prestations dépassant le préjudice ;

- enfin, elle a droit au paiement de ses honoraires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 février 2011, présenté pour la société Préciforages, qui conclut :

1°) à la réformation du jugement qui a limité son indemnisation à la somme de 21 444,99 euros ;

2°) à la condamnation de la SOCIETE SAFEGE à lui verser les sommes de 46 676,05 euros en remboursement des travaux supplémentaires qu'elle a dû effectuer, de 13 872,86 euros à titre d'indemnisation de la perte du marché et de 15 000 euros en réparation de son préjudice commercial ;

3°) à la mise à la charge solidaire de la communauté de communes Jura Sud et la société Safège une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité du préjudice subi tant par le maître d'ouvrage que par elle-même incombe totalement au maître d'oeuvre, la société Safège ;

- son manque à gagner correspond à une marge de 20 % du montant du marché ;

- elle a également subi un préjudice commercial ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2011, présenté pour la communauté de communes Jura Sud par Me Perre-Vignaud, qui conclut :

1°) à ce que l'arrêt à intervenir soit opposable aux compagnies d'assurances des sociétés Idées Eaux et Préciforages ;

2°) à la condamnation solidaire des sociétés Préciforages, SAFEGE et Idées Eaux à lui payer la somme provisionnelle de 300 000 euros à valoir sur les travaux préconisés par l'expert ;

3°) à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert afin de procéder au chiffrage des travaux à exécuter ;

4°) au rejet de la demande présentée par la SOCIETE SAFEGE tendant au paiement de la somme de 5 652,19 euros en règlement de ses honoraires de maîtrise d'oeuvre ;

5°) au rejet des demandes présentées par les sociétés Mutuelles du Mans assurances et SAFEGE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) à la mise à la charge solidaire des sociétés Préciforages, SAFEGE et Idées Eaux d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les désordres dont elle sollicite la réparation proviennent tant du premier forage que du second ;

- la circonstance qu'elle ait été assistée lors du second forage par un maître d'oeuvre spécialisé n'a pas permis d'éviter les désordres ;

- lors du premier forage, elle n'a pas imposé l'économie d'un maître d'oeuvre qui ne paraissait d'ailleurs pas s'imposer compte tenu du fait que la société Préciforages semblait compétente ;

- il ressort du rapport d'expertise que la société Préciforages a été négligente dès lors qu'elle a réalisé un ouvrage de façon non conforme aux règles de l'art ;

- la société Horizons aux droits de laquelle est venue la société SAFEGE, qui a failli à son devoir de conseil, n'a pas exécuté ses prestations ;

- par conséquent, non seulement sa responsabilité solidaire sera engagée, mais elle n'aura également pas droit au paiement de ses honoraires ;

- la société Idées eaux n'est pas intervenue en qualité de sous-traitant dès lors qu'elle a bénéficié du paiement direct de ses prestations par le maître d'ouvrage ;

- cette société qui a mis en place des produits gonflants qui ont emprisonné le tubage dans le trou sera condamnée solidairement ;

- les remèdes aux désordres consistent à la réalisation d'un nouveau forage après avoir rebouché le précédent ;

- le coût de ces remèdes, et non pas de la mauvaise qualité de l'eau captée, justifient l'octroi d'une provision de 300 000 euros ;

- l'évaluation, il y a dix ans, du coût des travaux par l'expert doit être actualisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2011, présenté pour la SOCIETE SAFEGE tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 12 janvier 2012, présenté pour la l'EURL Idées Eaux, par Me Bancel, qui conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause ;

Elle soutient que :

- elle est intervenue en qualité de sous-traitante du maître d'oeuvre, la société Horizons aux droits de laquelle est venue la SOCIETE SAFEGE ;

- ainsi, seule la responsabilité de cette dernière société est susceptible d'être engagée ;

- le maître d'ouvrage a commis des fautes en faisant des économies tant lors du premier que du second forage ;

- la société Préciforages a commis de nombreuses erreurs lors de la réalisation du premier forage ;

- cette même société a minimisé son intervention pour emporter le second marché ;

- l'exposante, qui n'avait aucune mission de maîtrise d'oeuvre ou de conseil, n'a pas commis de faute dans la mesure où le tubage a pu être retiré à l'endroit où les produits colmatant avaient été injectés ;

- si sa responsabilité devait être engagée, elle serait garantie par la SARL PRECIFORAGES, la SOCIETE SAFEGE et par sa compagnie d'assurance Mutuelle du Mans ;

- le préjudice du maître de l'ouvrage ne peut être supérieur au remboursement de la prestation effectuée, après déduction des subventions éventuelles ;

- si sa responsabilité devait être engagée, elle ne pourrait qu'être condamnée à régler la moitié de la somme, partagée avec le maître d'oeuvre, de 22 105 euros correspondant au coût de l'enlèvement de la partie supérieure du tube ;

- elle ne peut être tenue pour responsable de l'écrasement du tube vers 310 mètres de profondeur ;

- le préjudice commercial de la société Préciforages n'est pas justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 janvier 2012, présenté pour la SARL PRECIFORAGES tendant aux même fins que sa précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Alliot, avocat de la SARL PRECIFORAGES, de Me Pierre-Vignaud, avocat de la communauté de communes Jura Sud et de Me Boudier-Gilles pour Me Deschodt, avocat de la SOCIETE SAFEGE ;

Considérant que le district Jura Sud a confié en 1997 à la SARL PRECIFORAGES la réalisation d'un forage d'exploration en vue du captage d'eaux de sources sur le territoire de la commune d'Etival ; que dans le cadre de ce marché, la société a installé un tubage provisoire en polychlorure de vinyle sur une profondeur de 409 mètres tout en poursuivant le forage jusqu'à la profondeur de 529 mètres ; que l'examen des eaux recueillies à l'issue de cette exploration a mis en lumière une qualité bactérienne la rendant impropre pour une exploitation commerciale, faisant suspecter une contamination des eaux profondes par les eaux de surface ; que la communauté de communes Jura Sud, venant aux droits du district, a alors confié à la SA Horizons, aux droits de laquelle se trouve la SA SAFEGE, un marché de maîtrise d'oeuvre en vue de la réhabilitation du puits de forage afin de faire échec aux venues d'eaux superficielles ; qu'une exploration par caméra, réalisée le 25 juin 1998 par la société Idées Eaux, sur commande du maître d'oeuvre, a révélé que le tubage plastique avait été écrasé à la profondeur de 312 m, obturant ainsi le puits ; que la société Horizons a alors demandé à la société Idées Eaux de vérifier la qualité des eaux en colmatant les venues d'eaux superficielles ; que ces tentatives ayant finalement échoué, la communauté de communes Jura Sud a confié, le 4 septembre 1998, à la SARL PRECIFORAGES le marché de réhabilitation du forage, comprenant une tranche ferme de 386 402,40 francs TTC, consistant à enlever le tubage en polychlorure de vinyle, installé à l'occasion du premier chantier, et à mettre fin à la venue des eaux superficielles, et une tranche conditionnelle d'un montant de 68 742 F TTC, consistant à prévoir un pompage de longue durée ; que la tentative d'enlèvement du tubage plastique ayant échoué, la SARL PRECIFORAGES, estimant que les difficultés rencontrées ne lui étaient pas imputables, a abandonné le chantier et a saisi d'une demande d'expertise le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier ; que ce dernier ayant décliné la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l'assignation en responsabilité par la communauté de communes Jura Sud des sociétés Horizons, PRECIFORAGES et Idées Eaux, la collectivité publique a saisi le Tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la SARL PRECIFORAGES, des sociétés Horizons et Idées Eaux ainsi que des compagnies Mutuelle du Mans assurances et Axa assurances au paiement d'une somme provisionnelle de 300 000 euros à valoir sur les travaux préconisés par l'expert, ou, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert afin de procéder au chiffrage des travaux à exécuter ; que, par une décision du 8 juin 2009, le Tribunal des Conflits, saisi par le Tribunal administratif de Besançon sur ce point, a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître des conclusions de la demande dirigées contre la société Idées Eaux ; que, par un jugement du 23 septembre 2010, le Tribunal administratif de Besançon a confirmé l'incompétence de la juridiction administrative en ce qui concerne les conclusions dirigées contre les assureurs, condamné in solidum la SARL PRECIFORAGES et la SA SAFEGE à verser à la communauté de communes Jura Sud la somme de 119 061 euros TTC, condamné la SA SAFEGE à verser à la SARL PRECIFORAGES la somme de 21 444,99 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties ; que la SARL PRECIFORAGES et la SA SAFEGE relèvent appel de ce jugement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes n° 10NC01777 et n° 10NC01787 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la responsabilité contractuelle :

En ce qui concerne la responsabilité solidaire des sociétés PRECIFORAGES, SAFEGE et Idées Eaux :

Considérant, en premier lieu, que si la communauté de communes Jura Sud ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de la SARL PRECIFORAGES du fait du marché de réalisation d'un forage d'exploration passé en 1997 dès lors que ce contrat a fait l'objet d'un décompte général et définitif, elle est en droit de mettre en cause la responsabilité contractuelle de cette société à raison du second marché conclu en 1998 et ayant pour objet la réhabilitation du même forage afin de faire échec aux venues d'eaux superficielles ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL PRECIFORAGES, qui s'était engagée à ôter le tubage plastique et à colmater les venues d'eaux superficielles, a cependant abandonné le chantier après avoir vainement tenté d'enlever les éléments de polychlorure de vinyle, procédant en outre à la destruction du tubage, condamnant définitivement le puits ; qu'elle ne saurait s'exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du maître d'ouvrage en sa prévalant de ce que le cahier des clauses techniques particulières mentionnait un tubage a priori libre , dès lors que cette mention traduisait précisément l'incertitude de la situation, que le même document indiquait que le tubage était collapsé à partir de 310 mètres de profondeur, envisageait l'hypothèse d'un reforage à proximité et qu'elle avait été informée par un courrier du 22 août 1998 de la société Idées Eaux de l'échec d'une première tentative de colmatage ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que la société Horizons n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur la proposition anormalement bon marché de la SARL PRECIFORAGES qui n'avait pas envisagé l'alternative d'un second forage ; que le maître d'oeuvre n'a également pas informé le titulaire du marché de l'incidence des produits de colmatage injectés, sur sa demande, par la société Idées Eaux, ni des remèdes éventuels pour en obtenir la dissolution, alors que, selon l'expert désigné par le juge des référés judiciaire, ces produits sont en partie la cause de l'emprisonnement du tubage ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la communauté de communes Jura Sud entend également mettre en cause la responsabilité contractuelle de l'EURL Idées Eaux, le maître d'ouvrage n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence d'un lien contractuel entre lui et cette entreprise qui, alors même que celle-ci aurait adressé des factures au maître d'ouvrage, est intervenue en qualité de sous-traitante du maître d'oeuvre, la société Horizons ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité solidaire de la SA SAFEGE, venue aux droits de la société Horizons, et de la SARL PRECIFORAGES est engagée à l'égard de la communauté de communes Jura Sud qui n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché conclu en 1998 de nature à atténuer la responsabilité de ses cocontractants ;

En ce qui concerne le préjudice de la communauté de communes Jura Sud :

Considérant que le marché en litige avait pour objet la réhabilitation du forage d'exploration d'Etival qui devait permettre d'obtenir des informations sur la qualité des eaux souterraines ; que l'ouvrage est devenu inutilisable à la suite de l'intervention des cocontractants de la communauté de communes Jura Sud ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la SA SAFEGE, le préjudice du maître d'ouvrage ne se limite pas aux surcoûts exposés pour tenter de réhabiliter en vain le forage ; que, par suite, le maître d'ouvrage sera contraint de faire exécuter un nouveau puits d'exploration alors que la réalisation d'un nouveau forage ne constituait à l'origine qu'une hypothèse ; que l'évaluation retenue par les premiers juges et tirée du rapport d'expertise émane d'un devis de la SARL PRECIFORAGES, au demeurant près de trois fois moins élevé que ceux de ses concurrents, antérieur de trois ans à la date de l'expertise qui doit être regardée comme celle à laquelle la cause des dommages a pris fin, leur étendue connue et le maître d'ouvrage aurait pu procéder aux travaux du nouveau forage ;

Considérant, toutefois, que la communauté de communes s'est bornée à demander une provision de 300 000 euros et le prononcé d'une expertise tendant au chiffrage des travaux à réaliser ; que cette expertise n'est pas utile compte tenu, d'une part, du document établi par l'expert désigné par le juge des référés judiciaire permettant d'apprécier la nature des remèdes aux désordres et, d'autre part, des devis de travaux pour la réalisation d'un autre forage contemporains à ce document ; qu'ainsi, il y a lieu d'inviter la communauté de communes Jura Sud à chiffrer son préjudice en précisant si elle a bénéficié ou bénéficiera de subventions susceptibles de venir en déduction de ce montant ;

En ce qui concerne le préjudice de la SA SAFEGE :

Considérant, en premier lieu, que les sociétés Idées Eaux et PRECIFORAGES n'étaient pas liées avec la société Horizons au titre du marché de maîtrise d'oeuvre ; qu'elles ne sauraient donc être tenues au règlement du solde de ce marché ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, le maître d'oeuvre n'a pas mené à bien sa mission contribuant à l'échec total du projet ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à demander le paiement de la somme de 5 652,19 euros TTC, qui n'est au demeurant pas justifiée, au titre du solde de ses honoraires ;

Sur la responsabilité quasi-délictuelle :

En ce qui concerne la responsabilité des sociétés SAFEGE et Idées Eaux :

Considérant, en premier lieu, que la société Idées Eaux s'est bornée à réaliser les missions ponctuelles d'exploration par caméra et de colmatage qui lui ont été commandées par le maître d'oeuvre et que ce dernier avait choisies ; qu'elle ne supportait à ce titre aucune obligation générale de conseil quant à l'ensemble de l'opération, notamment en ce qui concerne la méthode de colmatage, tandis qu'elle a satisfait à l'obligation de conseil relative à la prestation de colmatage en communiquant les notices d'utilisation des deux produits colmatant choisis ; que, par suite, la société Idées Eaux n'a commis, vis-à-vis de la SARL PRECIFORAGES, aucune faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle ;

Considérant, en second lieu, ainsi qu'il a été dit, que si le cahier des clauses techniques particulières mentionnait un tubage a priori libre , cette mention traduisait précisément l'incertitude de la situation, le même document indiquait que le tubage était collapsé à partir de 310 mètres de profondeur et envisageait l'hypothèse d'un reforage à proximité ; que, par ailleurs, la SARL PRECIFORAGES avait été informée par un courrier du 22 août 1998 de la société Idées Eaux de l'échec d'une première tentative de colmatage ; que, toutefois, l'absence de directives et d'informations de la part du maître d'oeuvre, notamment quant à la nature des produits de colmatage et des remèdes pour les dissoudre, est de nature à engager la responsabilité de la SA SAFEGE à hauteur de 40 % ;

En ce qui concerne le préjudice de la SARL PRECIFORAGES :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'expertise ordonnée par le juge des référés judiciaire que l'utilisation de produits colmatant ont rendu la tâche d'arrachage des 150 premiers mètres du tubage plus longue et difficile ; que l'expert a chiffré le coût de ces travaux inutilement effectués à 145 000 F TTC, soit 22 105,11 euros TTC ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL PRECIFORAGES a également subi un manque à gagner du fait de l'abandon du marché à raison de sa seule tranche ferme dès lors que la tranche conditionnelle, relative au pompage dit de qualification au cas où l'eau s'avérreait de qualité exploitable, était par hypothèse incertaine ; qu'ainsi, le manque à gagner de la requérante s'élève à la marge générée par le coût de la tranche ferme de 386 402,40 F TTC ; que si la SARL PRECIFORAGES fait valoir que sa marge pour ce type de marché est de 20 %, elle n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation ; que la marge de 10 % retenue par les premiers juges ne paraît pas insuffisante ; que, par suite, le manque à gagner de la SARL PRECIFORAGES doit être évalué 5 890,67 euros TTC ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne justifie d'aucun préjudice commercial dont elle demande la réparation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la part de responsabilité de la SA SAFEGE, celle-ci sera condamnée à verser à la SARL PRECIFORAGES la somme de 11 198,31 euros TTC à titre de dommages et intérêts ;

En ce qui concerne les appels en garantie formées par l'EURL Idées Eaux :

Considérant que le présent arrêt ne prononçant pas de condamnation à l'encontre de l'EURL Idées Eaux, ses conclusions tendant à être garantie des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la déclaration de jugement commun :

Considérant que seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement ; que si la communauté de communes Jura Sud demande que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable aux compagnies d'assurances des sociétés Idées Eaux et PRECIFORAGES , elle fait valoir qu'elle n'entend pas contester le jugement attaqué en tant qu'il rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions dirigées contre les compagnies Mutuelle du Mans assurances et Axa assurances ; que, par suite, les conclusions tendant à rendre l'arrêt de la Cour commun à ces compagnie d'assurances ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La communauté de communes Jura Sud est invitée à chiffrer ses prétentions indemnitaires dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt en précisant si elle a bénéficié ou doit bénéficier de subventions susceptibles de venir en déduction de ce montant.

Article 2 : La somme que la SA SAFEGE, venue aux droits de la SA Horizons, a été condamnée à verser à la SARL PRECIFORAGES par l'article 6 du jugement du 23 septembre 2010 du Tribunal administratif de Besançon est ramenée à 11 198,31 euros TTC (onze mille cent quatre vingt dix-huit euros et trente et un centimes).

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué sont réservés en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PRECIFORAGES, à la communauté de communes Jura Sud, à la SA SAFEGE et à l'EURL Idées Eaux.

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N°s 10NC01777, 10NC01787


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