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15/12/2011 | FRANCE | N°10NC01766

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 décembre 2011, 10NC01766


Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2010, présentée pour Mme Tania A, demeurant ..., par Me Burner ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503910 du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a réformé l'ordonnance de taxe du 8 août 2005 de son président en réduisant l'indemnité due à Mme A, en sa qualité d'expert, à 7 000 euros toutes taxes comprises ;

2°) de fixer ses frais et honoraires à 35 042,76 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de la société SANEF le paiement de la

somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admi...

Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2010, présentée pour Mme Tania A, demeurant ..., par Me Burner ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503910 du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a réformé l'ordonnance de taxe du 8 août 2005 de son président en réduisant l'indemnité due à Mme A, en sa qualité d'expert, à 7 000 euros toutes taxes comprises ;

2°) de fixer ses frais et honoraires à 35 042,76 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de la société SANEF le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- ses débours doivent être chiffrés à hauteur de 2 135,65 euros et ses frais kilométriques à 936 euros ;

- ses honoraires doivent être fixés à 31 969,08 euros correspondant à 297 heures de travail au taux de 90 euros hors taxes de l'heure, dont elle justifie point par point ;

- c'est à tort que le Tribunal n'a pas tenu compte de la quantité de travail opérée en amont du rapport ;

- le rapport remis en l'état du 25 juillet 2005 ne saurait à lui seul rendre compte de son travail dès lors que la société SANEF lui avait demandé de suspendre ses travaux dès janvier 2005 et qu'un rapport plus étoffé n'aurait pas manqué de lui être reproché alors que la société SANEF s'est désistée de sa demande d'expertise ;

- le Tribunal a commis une erreur manifeste en réduisant ses frais et honoraires à 7 000 euros, soit 1 701,19 euros au titre des seuls honoraires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2011, présenté pour la Société SANEF, par Me Grange, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requérante ne peut faire figurer les prestations d'un géomètre au titre de ses débours ;

- le nombre d'heures facturées au titre des honoraires est excessif ;

- l'intéressée ne saurait prétendre à une rémunération correspondant à la durée des déplacements ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 mai 2011, présenté par Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient en outre qu'elle est fondée à prendre en compte l'assistance d'un géomètre, dès lors qu'elle a fait appel à ce dernier avec l'autorisation du Tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de M. Vincent, président de chambre,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Mme A ainsi que celles de Me Du Besset, avocat de la SANEF ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg, réformant en cela une ordonnance du 8 août 2005 du président du Tribunal, a réduit les frais, débours et honoraires d'expertise de Mme A à 7 000 euros, soit la somme préconisée par la SANEF, qui avait sollicité une expertise relative aux conditions d'exécution d'un marché de travaux consistant en la construction de deux gares de péage, aux motifs que seules quelques lignes sont consacrées à répondre aux objectifs de la mission d'expertise qui lui avait été confiée par ordonnance du 22 juillet 2003 et qu'elle ne justifiait pas de l'ampleur du travail nécessaire pour répondre à sa mission et des honoraires y afférents , alors que la mission d'expertise ne relevait pas d'une grande technicité malgré le caractère volumineux des pièces du dossier; que si la requérante fait grief au Tribunal de n'avoir pas énoncé le mode de calcul retenu pour parvenir à cette somme, après avoir opéré une ventilation entre les frais et les honoraires et évalué le temps de travail et les frais qu'il estime cohérents avec la mission accomplie, tant la SANEF que Mme A, en n'effectuant notamment aucune référence à l'état des frais et honoraires déposé par l'intéressée auprès du Président du Tribunal, ne lui ont soumis aucun élément d'appréciation à cet égard ; que, par suite, ledit jugement doit être regardé en l'espèce comme suffisamment motivé ;

Sur la fixation des frais et honoraires de Mme A:

Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission. ; qu'aux termes de l'article R. 621-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction (...) fixe par ordonnance (...) les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert (...).Il arrête sur justificatif le montant des frais et débours qui seront emboursés à l'expert. ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. ;

En ce qui concerne les frais et débours :

Considérant, en premier lieu, que Mme A sollicite l'attribution d'une somme de 2135,65 euros au titre de ses débours, dont 102,45 euros au titre de ses frais d'affranchissement et de copies de documents et 2 033,20 euros correspondant aux prestations d'un géomètre ; que, toutefois, ne peut figurer dans les débours et frais divers d'un expert la rémunération des personnes dont il demande le concours à titre personnel, qu'il lui appartient de rémunérer sur les honoraires qu'il perçoit ; que la disposition de la mission d'expertise permettant à Mme A d'entendre tout sachant ne saurait par ailleurs valoir autorisation du Tribunal de recourir aux services rémunérés d'un géomètre ; qu'ainsi les débours dont Mme A est fondée à demander le remboursement doivent être fixés à la somme de 102,45 euros ;

Considérant, en second lieu, que la requérante demande le remboursement d'une somme de 936 euros au titre des frais encourus pour effectuer les divers déplacements nécessités par les opérations d'expertise ; que ces frais étant justifiés par l'intéressée, il y a lieu de les arrêter au montant demandé ;

En ce qui concerne les honoraires :

Considérant que, par ordonnance de référé susrappelée du 22 juillet 2003, le président du Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la SANEF, désigné Mme A comme expert dans le litige opposant ladite société à deux de ses cocontractants et né des désordres affectant la gare de péage de la bretelle de sortie de l'autoroute A 4 à Puttelange-aux-Lacs (Moselle) et lui a prescrit à cette fin de se faire communiquer tous documents utiles, et notamment l'ensemble des pièces du marché, dont il est constant qu'elles étaient fort volumineuses alors même qu'elles présentaient un intérêt inégal au regard de la mission qui lui était confiée ; que si la SANEF fait valoir que toutes les pièces qu'elle a remises à Mme A n'étaient pas à examiner avec la plus extrême attention, elle a elle-même contribué à rendre plus longues les opérations d'expertise en lui soumettant un premier dire de 37 pages, accompagné de 24 pièces totalisant 108 pages et d'une pièce supplémentaire comportant 587 pages et 40 plans ; que, toutefois, même si elles se sont étendues sur plus de deux ans, les opérations d'expertise se sont limitées pour l'essentiel à l'organisation de trois réunions, à l'examen de cinq dires et à la rédaction de deux comptes rendus de réunion et d'un rapport ; que le rapport d'expertise remis au Tribunal, dont il n'est pas établi que ce dernier aurait admis la simplification du seul fait que la SANEF s'est finalement désistée de son action au fond, ne compte, hormis la page de garde, le rappel des faits et du déroulement des opérations d'expertise, que 4 pages, dont l'essentiel est consacré à l'analyse des documents contractuels et à la synthèse de six comptes rendus de chantier, et seulement quelques lignes s'agissant de la description et de l'origine des désordres et du partage des responsabilités ; qu'ainsi le temps consacré à la synthèse du dossier et à la rédaction du rapport, que l'intéressée a d'ailleurs réduit dans sa présentation en appel, ne saurait sérieusement être évalué aux 80 heures indiquées dans l'état de frais remis au président du Tribunal ; qu'au surplus, eu égard à l'objet simple et parfaitement circonscrit du litige, relatif à la non-conformité aux prescriptions contractuelles de la hauteur des auvents des aires de péage, Mme A était en mesure de parvenir rapidement aux informations réellement utiles à la mission qui lui a été confiée, même si, comme il a été dit ci-dessus ,des documents fort volumineux lui avaient été remis en application de l'ordonnance du président du Tribunal et en annexe au premier dire qui lui a été adressé ; que, par suite, la durée respective de 24 heures, 28 heures, 20 heures, 6 heures, 21 heures et 38 heures qu'elle indique avoir consacrée en octobre, novembre, décembre 2003 et janvier 2004 à l'analyse de divers documents doit être tenue pour excessive au regard des difficultés de la mission ainsi que de l'utilité du travail fourni ; que, contrairement à ce que soutient la SANEF, l'intéressée peut toutefois prétendre à une rémunération correspondant à la durée de ses déplacements, qu'elle sollicite d'ailleurs à concurrence de la moitié du temps effectivement passé en déplacement ;qu'il sera ainsi fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en estimant à 160 heures le nombre d'heures de travail nécessité par les opérations d'expertise en cause ; que, par suite, il y a lieu de fixer les honoraires dus à Mme A à 14 400 euros hors taxes en fonction du taux de rémunération non contesté de 90 euros de l'heure, soit 17 222,40 euros toutes taxes comprises;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de taxer les frais et honoraires de Mme A à la somme de 18 260,85 euros et de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SANEF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SANEF la somme de 1 500 euros que sollicite Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant des frais, débours et honoraires dus à Mme A, expert nommé par ordonnance du président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 juillet 2003, est fixé à 18 260,85 € (dix huit mille deux cent soixante euros et quatre-vingt cinq centimes) toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement du 23 septembre 2010 du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La SANEF versera à Mme A une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A est rejeté ainsi que les conclusions de la SANEF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Tania A, à la société SANEF et au garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.

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N° 10NC01766


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01766
Date de la décision : 15/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SCP GRANGE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-12-15;10nc01766 ?
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