Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2011, et les mémoires complémentaires, enregistrés le 12 août et le 17 novembre 2011, présentés pour M. Lies A, élisant domicile chez son conseil au ..., par Me Mengus ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1102308 en date du 16 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 mai 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 12 mai 2011 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de communiquer l'avis du médecin de l'Agence régionale de la santé ;
4°) d'enjoindre au médecin de l'Agence régionale de la santé de lui communiquer les certificats médicaux sur lesquels il a fondé son avis ;
5°) à défaut, d'ordonner une mesure d'expertise afin que son dossier médical soit transmis dans le respect du secret médical ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- l'arrêté de reconduite à la frontière ne pouvait être fondé sur une menace pour l'ordre public dès lors que :
* les infractions invoquées par le préfet pour caractériser la menace pour l'ordre public ne sont pas établies au moyen de la fiche du système de traitement des infractions constatées qui n'a que simple valeur de renseignement ;
* les faits qui lui sont reprochés sont insuffisants à caractériser la menace pour l'ordre public ;
* il n'a commis aucune infraction dans le délai de trois mois suivant son entrée en France ;
- aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé en violation de l'article 7 de la directive communautaire du 16 décembre 2008 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en appliquant la convention franco-tunisienne au lieu de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que ses deux soeurs résident régulièrement en France et subviennent à ses besoins et que sa mère y séjourne pour y recevoir des soins et nécessite sa présence à ses côtés ;
- il méconnaît les articles 5, 6 et 7 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où la névrose post-traumatique dont il souffre s'est aggravée depuis 2009 et ne peut lui permettre de voyager en Algérie où il ne peut effectivement bénéficier des soins nécessaires compte tenu de sa grande précarité financière et de la pénurie de médicaments ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Piérart, président de la Cour,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail ; qu'en application de ces dispositions, l'autorité administrative peut légalement prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger qui a constitué une menace pour l'ordre public pendant la période de trois mois à compter de l'entrée en France de l'intéressé et pendant cette même période ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien, est entré en France le 5 septembre 2008 ; que pour établir la menace pour l'ordre public, le préfet produit en première instance la fiche du système de traitement des infractions constatées selon laquelle l'infraction la plus ancienne aurait été commise par M. A le 30 juillet 2009, soit plus de dix mois après l'entrée en France de l'intéressé ; que par suite, en ordonnant la reconduite à la frontière de M. A sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 511-1 au motif pris que son comportement a constitué une menace pour l'ordre public, le préfet du Haut-Rhin a entaché son arrêté d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 mai 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il n'y a lieu ni d'enjoindre au préfet de communiquer l'avis du médecin de l'Agence régionale de la santé qui aurait été pris en 2011 ni d'enjoindre audit médecin de communiquer les certificats médicaux sur lesquels il aurait fondé cet avis ; que les conclusions en ce sens présentées par le requérant doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2011 et l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 mai 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lies A, au préfet du Haut-Rhin et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°11NC01133