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24/11/2011 | FRANCE | N°10NC00078

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2011, 10NC00078


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010, présentée pour M. Séri Pascal A, demeurant ..., par Me Teti, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900865 en date du 10 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés, en date des 19 et 25 mars 2009, par lesquels le préfet de l'Aube a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de résident sous astreinte de 7

0 euros par jour de retard à compter du jugement ;

2°) de faire droit à sa...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2010, présentée pour M. Séri Pascal A, demeurant ..., par Me Teti, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900865 en date du 10 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés, en date des 19 et 25 mars 2009, par lesquels le préfet de l'Aube a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de résident sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter du jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler les arrêtés, en date des 19 et 25 mars 2009, par lesquels le préfet de l'Aube a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui renouveler sa carte de séjour temporaire ;

Il soutient que :

- il ne présente plus désormais de menace grave pour l'ordre public, eu égard à l'ancienneté des faits qui ont justifié la condamnation pénale, aux circonstances de sa détention, pendant laquelle sa réinsertion sociale a été préparée, et au fait qu'il a été libéré le 29 mars 2009 ; la circonstance qu'il n'a pas reconnu les faits qui ont justifié sa condamnation n'implique pas un risque de récidive ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues, dès lors qu'il justifie d'une longue période de résidence en France, qu'il est ingénieur en informatique, qu'il est marié à une ressortissante française, qu'il est père d'un enfant français et qu'il n'a plus de lien avec son pays d'origine, ses deux parents étant décédés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2010, présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de M. Luben, président,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Teti, avocat de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / 2° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; / ; (...) Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui soutient résider régulièrement en France depuis 10 ans à la date des décisions attaquées, s'est rendu coupable, entre le 1er janvier 1999 et le 21 octobre 2002, d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité sur la personne de sa belle-fille, âgée de 11 ans à 14 ans pendant cette période ; qu'il a été condamné, pour ces faits, par un jugement devenu définitif du Tribunal correctionnel de Paris du 28 novembre 2006, à une peine d'emprisonnement sans sursis de cinq années ; que, nonobstant son bon comportement en détention et ses perspectives de réinsertion, notamment professionnelles, compte tenu de la nature et de la gravité des faits commis et de la circonstance que M. A les a toujours niés, tant pendant son procès que dans le cours de sa détention, comme il ressort du rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Aube en date du 20 février 2009, le préfet de l'Aube n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le comportement de M. A constituait une menace grave pour l'ordre public et en décidant, pour ce motif, de prononcer son expulsion ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant, d'une part, que si M. A fait valoir qu'il est marié à une ressortissante française et qu'il est père d'un enfant, Dadou Walker Marvin A, né le 25 mai 1997, également de nationalité française, il ressort de ses propres dires que son épouse et son fils n'ont acquis la nationalité française que le 31 août 2009, soit postérieurement aux décisions litigieuses ; que, d'autre part, il ressort du rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Aube en date du 20 février 2009, soit deux mois avant les décisions contestées, que M. A a déclaré souhaiter retourner en région parisienne au terme de sa détention et envisager de se faire héberger par un ami ; qu'en outre, il ressort d'un rapport de police en date du 25 avril 2008 que l'épouse de l'intéressé, Mme B épouse A, auditionnée les 19 et 30 octobre 2007, ne souhaitait pas que M. A vienne résider à son domicile au 10 rue des Partants à Paris 20ème, où elle demeurait avec son fils et ses deux filles, dont l'aînée avait été victime des faits pour lesquels M. A a été condamné ; qu'enfin, il ressort du rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Aube en date du 20 février 2009 que M. A est également père de trois enfants qui résident en Côte d'Ivoire avec leur mère ; que, par suite, eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le préfet de l'Aube, en prononçant l'expulsion de M. A, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susmentionnées doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 10 décembre 2009, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés, en date des 19 et 25 mars 2009, par lesquels le préfet de l'Aube a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de résident sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter du jugement ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. Séri Pascal A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

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10NC00078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00078
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8).

Étrangers - Expulsion - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : TETI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-11-24;10nc00078 ?
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