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10/11/2011 | FRANCE | N°11NC00090

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2011, 11NC00090


Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Bohner ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004934 du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part à annuler l'arrêté en date du 9 septembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part à enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de

séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 9 septembre 2010 ;

3°) d'...

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Bohner ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004934 du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part à annuler l'arrêté en date du 9 septembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part à enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 9 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Bohner en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il ne pouvait pas se faire soigner en Algérie, dès lors que ses troubles psychiatriques sont en lien avec les évènements traumatiques qu'il y a vécus ;

- s'agissant de son état de santé, le préfet et les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien et ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité du refus de séjour emporte celle de l'obligation de quitter le territoire ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale pour les mêmes motifs que ceux justifiant l'annulation du refus de titre de séjour ; elle porte atteinte aux dispositions de l'article L. 511-4 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire emporte celle de la décision fixant le pays de renvoi ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2011, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 7 avril 2011, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien, est entré irrégulièrement en France en septembre 2008, selon ses dires ; qu'il a sollicité le 17 août 2009 son admission au séjour en invoquant son état de santé ; que par arrêté en date du 9 septembre 2010, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ; que par jugement en date du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de M. A tendant, d'une part, à annuler l'arrêté préfectoral du 9 septembre 2010, d'autre part, à enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, dans sa requête introductive d'instance enregistrée devant le Tribunal administratif de Strasbourg le 21 octobre 2010, M. A, qui recherchait l'annulation de l'arrêté précité en date du 9 septembre 2010, a soutenu qu'il ne pouvait pas se faire soigner en Algérie, dès lors que ses troubles psychiatriques étaient en lien avec les évènements traumatiques qu'il y avait vécus ; que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement qui est entaché d'omission à statuer ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions du requérant présentées devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que M. Le Méhauté a, par arrêté en date du 16 novembre 2009 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin, reçu délégation du préfet du Bas-Rhin pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que les décisions litigieuses portant respectivement refus de séjour et obligation de quitter le territoire seraient illégales, faute pour leur signataire d'avoir régulièrement reçu délégation de signature à cette fin ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : Le certificat de résidence d'un an portant mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; que l'arrêté susvisé du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'autorité administrative à communiquer l'avis du médecin inspecteur de la santé publique à l'étranger qui sollicite un titre de séjour pour raisons de santé ; que, par suite, le moyen de M. A, tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin devait justifier de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 5 août 2010, doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que, si M. A soutient qu'il souffre d'un stress post traumatique et de troubles divers en lien avec les évènements qu'il aurait vécus en Algérie, et qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 5 août 2010, qui contient toutes les mentions requises par l'arrêté précité du 8 juillet 1999 et a été rendu au vu des pièces produites par le requérant et des informations en sa possession relatives à l'état sanitaire de l'Algérie, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il s'ensuit que les moyens du requérant tirés de ce qu'il ne peut pas se faire soigner dans son pays d'origine, dès lors que les troubles psychiatriques dont il souffre sont en lien avec les évènements traumatiques qu'il y a vécus, que le traitement approprié n'est pas disponible en Algérie du fait notamment de la non disponibilité dans ce pays des médicaments qui lui sont prescrits, et que sa situation financière précaire ne lui permet pas d'accéder auxdits traitements, sont inopérants et doivent ainsi être écartés ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article 6 7° de l'accord franco-algérien et commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un titre de séjour pour raisons de santé ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale pour les mêmes motifs, relatifs à son état de santé, que ceux justifiant l'annulation du refus de titre de séjour, il y a lieu, dès lors qu'il invoque les mêmes éléments qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de séjour, d'écarter ledit moyen, pour les mêmes raisons que celles ayant conduit à l'écarter en tant qu'il était dirigé à l'encontre du refus de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : ... 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ... ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen de M. A tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposés à M. A, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que si le requérant soutient que la décision en litige fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions précitées, il n'assortit ce moyen d'aucun élément de nature à établir la réalité des risques personnels que lui ferait courir son retour en Algérie, alors qu'il n'a jamais sollicité le statut de réfugié politique depuis son entrée sur le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 9 septembre 2010 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu 'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 004934 du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La requête de M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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11NC00090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00090
Date de la décision : 10/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-11-10;11nc00090 ?
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