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30/06/2011 | FRANCE | N°11NC00495

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 30 juin 2011, 11NC00495


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2011, présentée pour Mlle Alije A, demeurant au ..., par Me Andreini ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100608 en date du 11 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 février 2011 pris par le préfet du Haut-Rhin ;

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°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compt...

Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2011, présentée pour Mlle Alije A, demeurant au ..., par Me Andreini ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100608 en date du 11 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 février 2011 pris par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à conseil en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Mlle A soutient que :

- le jugement est irrégulier compte tenu de son insuffisance de motivation s'agissant des effets de l'irrégularité de la notification de l'arrêt de reconduite à la frontière sur sa légalité ;

- l'arrêté de reconduite à la frontière est illégal en tant qu'il a été irrégulièrement notifié à d'autres personnes du foyer où elle réside alors qu'elle était absente et qu'il indique que la notification a été faite à cet instant ;

- il est contraire à l'article 7 de la directive CE n°2008/115 du 16 décembre 2008 dès lors l'arrêté de reconduite à la frontière, pris sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne mentionne pas de délai de retour volontaire ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, à l'exception de sa grande soeur, tous les membres de sa famille sont en France où elle suit avec assiduité sa scolarité ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle compte tenu de sa parfaite intégration scolaire et de la forte probabilité d'obtenir son diplôme en juin 2011 ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu, en date du 7 avril 2011, la décision par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle admet Mlle A au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2011 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;

Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;

Considérant que l'arrêté en date du 7 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle A sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ; que cette décision méconnaît les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que les dispositions de l'article L. 911-2 du Code de justice administrative impliquent que l'autorité administrative délivre à l'étranger dont la décision portant reconduite à la frontière est annulée, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'elle ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

Considérant que, par décision du 7 avril 2011, le président du bureau d'aide juridictionnel a admis Mlle A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Andreini, avocate de Mlle A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de sa cliente à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini de la somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 11 février 2011, ensemble l'arrêté du 7 février 2011 du préfet du Haut-Rhin ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A et fixant le pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Sous réserve que Me Andreini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Andreini, avocate de Mlle A, une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Alije A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N°11NC00495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 11NC00495
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;11nc00495 ?
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