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30/06/2011 | FRANCE | N°11NC00282

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 30 juin 2011, 11NC00282


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2011, présentée pour M. Liamping A, demeurant ..., par Me Skander ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement n° 1100543 en date du 10 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 3 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision de renvoi du 3 février 2011 ;



3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un ...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2011, présentée pour M. Liamping A, demeurant ..., par Me Skander ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement n° 1100543 en date du 10 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 3 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision de renvoi du 3 février 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

* Sur la légalité externe de l'arrêté préfectoral :

- il est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'il comporte des formules générales et stéréotypées contraires à la loi du 11 juillet 1979 et qu'il n'indique pas que sa situation a été examinée au regard de son droit au respect de sa vie privée ;

- il est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où le préfet de l'Aube n'a pas saisi la commission du titre de séjour comme il était tenu de le faire ;

* Sur la légalité interne de l'arrêté préfectoral :

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit depuis sept ans de façon continue en France et que, en cas de retour dans son pays, il serait loin de son épouse, enceinte de ses oeuvres, installée de longue date en France et de sa fille, née sur le territoire national ;

- il est contraire aux stipulations de l'article 3-1 la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où il serait éloigné de sa fille qui ne peut le suivre en Chine avec sa mère ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2011, présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 mai 2011, présenté pour M. A par Me Dixsaut ; M. A persiste dans ses précédentes écritures et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

M. A soutient que l'arrêté attaqué, pris sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît l'article 7 de la directive dite retour n° 2008/115/CE dans la mesure où il ne prévoit pas de délai de départ volontaire et alors qu'il a été placé immédiatement en centre de rétention administrative ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Dixsaut, avocat de M. A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;

Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;

Considérant que l'arrêté en date du 3 février 2011 par lequel le préfet de l'Aube a ordonné la reconduite à la frontière du requérant sur le fondement du 1° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'accorde aucun délai de départ volontaire à M. A qui a par ailleurs été placé en centre de rétention administrative ; que cette décision méconnaît les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2011 par lequel le préfet de l'Aube a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte, d'enjoindre au préfet de l'Aube de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 10 février 2011, ensemble l'arrêté du 3 février 2011 du préfet de l'Aube ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Liamping A, au préfet de l'Aube et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris.

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N°11NC00282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 11NC00282
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;11nc00282 ?
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