Vu le recours, enregistré le 2 juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE DE L'ALIMENTATION ET DE LA PÊCHE ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°0700996 du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Marne en date du 13 décembre 2006 refusant le paiement de toute aide au titre de l'année 2006 pour la totalité de la surface déclarée au titre du régime d'aide découplée ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Le ministre soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le motif tiré de ce que M. A ne justifiait pas avoir exploité effectivement les parcelles litigieuses doit être substitué au motif entaché d'erreur de droit initialement retenu par le préfet pour refuser l'octroi de l'aide sollicitée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2011, présenté pour M. A par Me Joubert, avocat qui conclut au rejet du recours au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés et demande que la somme de 5000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance du président de la 4ème chambre de la cour fixant au 1er mars 2011 la clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire enregistré le 26 mai 2011, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE DE L'ALIMENTATION ET DE LA PÊCHE ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant les règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;
Vu le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2011 :
- le rapport de Mme Richer, président,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte en vigueur à la date de la décision attaquée que l'octroi des aides instituées par les règlements communautaires soit subordonné à d'autres conditions que celles relatives à l'exploitation effective et conforme à ces règlements des parcelles au titre desquelles l'aide est demandée et au dépôt d'une demande, dans les délais prévus ; qu'ainsi, les aides surfaces sont subordonnées à la qualité seule d'exploitant, indépendamment du droit d'exploiter qu'il détient sur les terres qu'il met en valeur ; que, dès lors, en supprimant à M. A, par la décision en date du 13 décembre 2006, toute aide au titre de l'année 2006 pour la totalité de la surface déclarée au titre du régime d'aide découplée, au motif que la demande portait en partie sur des parcelles dont il avait été expulsé, le préfet de la Haute-Marne a commis une erreur de droit ;
Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant que pour demander l'annulation du jugement attaqué, le ministre de l'agriculture et de la pêche invoque en appel un autre motif susceptible de fonder la décision contestée tiré de ce que l'intéressé ne démontre pas avoir effectivement exploité les terres pour lesquelles il revendique une aide au titre de l'année 2006 ; que si M. A soutient être demeuré le seul exploitant effectif des parcelles litigieuses, il n'en justifie cependant pas par les attestations produites, celles de M. C et de Mme D étant trop générales et imprécises quant aux parcelles et aux périodes concernées et celle de M. E et le procès verbal de constat d'huissier du 13 novembre 2007 se rapportant à une campagne postérieure à celle visée par la décision attaquée ; que, par suite, rien ne s'oppose à la substitution de motifs demandée ; que, dès lors c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur le motif tiré de ce que le refus de toute aide ne pouvait pas être justifié par la circonstance que M. A avait été expulsé de certaines parcelles déclarées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;
Considérant, d'une part, que M. Yves Laplacette, directeur départemental de l'agriculture de la Haute-Marne, bénéficiait lorsqu'il a pris la décision attaquée de la délégation du préfet de la Haute-Marne, accordée par arrêté du 10 janvier 2005 pour signer notamment les décisions comportant des suites à donner pour l'ensemble des aides à la production versées aux exploitations agricoles ; que la seule publication de cet arrêté étant, eu égard à son caractère réglementaire, suffisante pour en assurer l'opposabilité aux tiers, M. A ne peut utilement faire valoir que la décision contestée n'aurait pas mentionné cette délégation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Laplacette ne justifierait pas d'une délégation de signature régulière doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que les circonstances invoquées par M. A que l'administration ne lui a pas retiré son autorisation d'exploiter et qu'elle aurait adopté des positions contradictoires sur le versement des aides agricoles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE DE L'ALIMENTATION ET DE LA PÊCHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision en date du 13 décembre 2006 du préfet de la Haute-Marne ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que M. A réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à M. Michel A.
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N° 10NC01032