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16/06/2011 | FRANCE | N°10NC00901

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2011, 10NC00901


Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2010, complétée par le mémoire enregistré le 2 mars 2011, présentée pour M. Mickaël A, ..., par Me Andreini ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903733 du 31 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 5 juin 2009 par laquelle La Poste a prononcé la sanction de blâme à son encontre ;

2°) d'annuler la décision en date du 5 juin 2009 ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros à lui verser a

u titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutien...

Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2010, complétée par le mémoire enregistré le 2 mars 2011, présentée pour M. Mickaël A, ..., par Me Andreini ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903733 du 31 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 5 juin 2009 par laquelle La Poste a prononcé la sanction de blâme à son encontre ;

2°) d'annuler la décision en date du 5 juin 2009 ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la sanction litigieuse est discriminatoire et disproportionnée : il est le seul agent du service à avoir fait l'objet d'un retrait de service immédiat et d'un blâme pour ces faits, alors que d'autres agents ont été dans une situation similaire à la sienne ; on ne lui a pas proposé un poste de tri le temps de présenter son permis de conduire, comme on l'a fait à d'autres agents ; il y eu violation des articles 10, 11 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la sanction est motivée par son engagement syndical : la décision de retrait de service immédiat a été prise 5 jours après qu'il ait signé une pétition de la CGT, à l'origine d'une grève ; l'auteur de la sanction lui en veut pour avoir témoigné dans le cadre d'une procédure pénale, en faveur d'une salariée bousculée par le directeur des ressources humaines ; il a fait l'objet, le 20 juillet 2009, d'une exclusion temporaire de fonction d'une durée de six mois, qui a été retirée à la suite d'un référé-suspension, et le directeur des ressources humaines présidait la commission de discipline ; la sanction est donc entachée d'un détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance du 8 février 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 4 mars 2011 à 16 heures ;

Vu l'ordonnance du 3 mars 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2011, présenté pour La Poste par Me Marcantoni, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute de contenir des moyens ;

- la sanction attaquée n'est pas disproportionnée ;

- le retrait de service a été décidé à titre conservatoire et n'est pas une sanction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistrée le 6 mai 2011, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que sa requête est recevable ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 20 mai 2011, présenté pour La Poste, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011:

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la fin de non recevoir soulevée par La Poste :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête ...contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;

Considérant que La Poste soutient que la requête d'appel est irrecevable, faute de contenir des moyens ; que, toutefois, il résulte de la lecture de la requête d'appel de M. A que ce dernier a soulevé, à l'encontre de la décision en date du 5 juin 2009 par laquelle La Poste a prononcé la sanction de blâme à son encontre, plusieurs moyens, tirés du caractère discriminatoire et disproportionné de la sanction litigieuse, et de ce que ladite sanction serait motivée par son engagement syndical ; qu'il a par ailleurs expressément critiqué le raisonnement du tribunal, qui a écarté les moyens sus rappelés ; que la fin de non recevoir soulevée par la Poste doit ainsi être écartée;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête:

Considérant qu'il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et membre de la commission administrative paritaire de la direction opérationnelle territoriale du secteur Nord-Est de La Poste, employé comme livreur de colis, a fait l'objet le 16 février 2009 d'une mesure conservatoire consistant en un retrait de service immédiat, accompagné d'une interdiction de pénétrer dans les locaux du service et d'une obligation de restituer les clefs et badges pour non présentation de son permis de conduire à la seconde demande en ce sens de son chef de service et, plus de deux mois après les faits, du lancement d'une procédure disciplinaire ayant abouti à la décision litigieuse d'un blâme pour non présentation les 14 et 16 février 2009 de son permis de conduire, qu'il a finalement produit le 19 février après avoir auparavant déclaré sur l'honneur qu'il était bien en possession de ce document, momentanément égaré, suite à quoi il a été mis fin le même jour au retrait de service précité; qu'il ressort des pièces produites par le requérant que d'autres agents du service qui avaient été temporairement dans l'incapacité de présenter leur permis de conduire n'ont pas fait l'objet de mesures aussi sévères ou se sont vu proposer un poste de tri dans l'attente de la présentation de leur permis de conduire ; qu'il est par ailleurs constant, d'une part que la décision de retrait de service immédiat a été prise cinq jours après que l'intéressé ait le premier signé une pétition de la CGT, à l'origine d'une grève, et, d'autre part, alors que le requérant avait accepté de témoigner, dans le cadre d'une procédure pénale, en faveur d'une salariée bousculée par le directeur des ressources humaines dans un contexte de relations sociales très tendu ; que La Poste, à laquelle il incombe de produire tous éléments de nature à contrebattre les éléments de fait ainsi avancés par le requérant, de nature à faire présumer une discrimination à son encontre liée à son engagement syndical, se borne à dénier toute intention de discrimination de sa part en ne produisant aucun élément de fait de nature à conforter cette affirmation ;que, dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir que la sanction litigieuse présente, dans les circonstances de l'espèce, un caractère discriminatoire et doit ainsi être annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0903733 du 31 mars 2010 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La décision en date du 5 juin 2009 par laquelle La Poste a prononcé la sanction de blâme à l'encontre de M. A est annulée.

Article 3 : La Poste versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mickaël A et à La Poste.

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10NC00901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00901
Date de la décision : 16/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Postes et communications électroniques - Postes - Personnel de la Poste.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-16;10nc00901 ?
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