Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2010, complétée par deux mémoires enregistrés le 27 octobre 2010 et le 1er avril 2011, présentée pour la CLINIQUE AMBROISE PARE, agissant par son représentant légal en exercice et dont le siège est au Rue Ambroise Paré à Nancy (54000), par la SCP Musset et Associes ; la CLINIQUE AMBROISE PARE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800179 du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2007 par lequel le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine a fixé, pour l'année 2008, à 99% le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires de l'assurance maladie des spécialités, produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article D. 162-13 du code de la sécurité sociale et de la loi du 11 juillet 1979 dès lors, d'une part, qu'il est motivé par référence à un courrier antérieur et, d'autre part, qu'il ne mentionne pas l'indicateur qui a été méconnu par la clinique ;
- le principe du contradictoire et le principe général du droit de la défense ont été méconnus dès lors qu'elle n'a pas pu contester le grief qui lui est opposé ;
- le principe de la personnalité des peines et les articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont méconnus, tant par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale que par l'article D. 162-13 du même code ;
- la sanction est disproportionnée, compte tenu de ses efforts de mise en conformité, qui ont été reconnus par l'administration ;
- le principe de l'indépendance des médecins libéraux empêche la clinique d'atteindre les objectifs qui lui ont été fixés ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure attaquée et les dispositions de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2010, complété par deux mémoires enregistrés le 4 janvier 2011 et le 28 avril 2011, présenté pour l'agence régionale de santé de Lorraine par Me Madrid ; l'agence régionale de santé conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la clinique Ambroise Paré en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
Elle soutient que les moyens soulevés en sont pas fondés ;
Vu l'arrêt du 25 juin 2010 par lequel le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour administrative de Nancy par laquelle la CLINIQUE AMBROISE PARE soutenait que les dispositions législatives de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent le principe constitutionnel de personnalité des peines qui résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble le premier protocole qui lui est annexé ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2011 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Roumieu, pour la SCP Musset et Associes, avocat de la CLINIQUE AMBROISE PARE, et de Me L'Huillier, pour Me Madrid, avocat de l'agence régionale de santé de Lorraine ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale : (...) Bénéficient d'un remboursement intégral de la part prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie les établissements qui ont adhéré au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations établi conjointement par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et l'assurance maladie dans des conditions définies par décret. / Lorsque l'établissement adhérent ne respecte pas les stipulations de ce contrat et après qu'il a été mis en demeure de présenter ses observations, ce remboursement peut être réduit dans la limite de 30 % de la part prise en charge par l'assurance maladie et en tenant compte des manquements constatés. / Les établissements qui n'ont pas adhéré au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations bénéficient d'un remboursement à hauteur de 70 % de la part prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie. / Dans tous les cas, la différence entre le montant remboursable et le montant remboursé ne peut être facturée aux patients. ; qu'aux termes de l'article D. 162-13 du même code : En cas de non-respect par l'établissement de santé des engagements souscrits au titre d'un exercice, constaté au vu des rapports transmis par l'établissement en application de l'article D. 162-10 et, le cas échéant, des résultats des contrôles sur pièces et sur place effectués, le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 pour l'année suivante peut être réduit et fixé entre 70 % et 100 %. Il peut varier, le cas échéant, selon les spécialités pharmaceutiques ou les produits. / Ce taux de remboursement qu'il est proposé d'appliquer pour l'année suivante est communiqué à l'établissement, avant le 10 novembre, par lettre recommandée avec avis de réception. Ce dernier peut présenter ses observations à l'agence dans les dix jours suivant cette communication. Ce taux de remboursement est arrêté, chaque année, au plus tard le 1er décembre, par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation. / La fixation du taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie doit être motivée. ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 29 novembre 2007 :
Considérant que l'obligation de motivation de l'arrêté fixant le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie eu égard au respect par les établissements de santé des engagements souscrits au titre du contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations résultant tant des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 que de celles précitées de l'article D. 162-13 du code de la sécurité sociale ne s'oppose pas à ce que cette motivation soit détaillée dans une lettre accompagnant l'arrêté attaqué ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un courrier accompagnant l'arrêté du 29 novembre 2007 du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Lorraine fixant pour l'année 2008 à 99 % le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires de l'assurance maladie des spécialités, produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale indique que la réduction du taux de remboursement attribué à la CLINIQUE AMBROISE PARE est justifiée par le fait que l'ensemble des traitements personnels des patients ne sont pas systématiquement validés par un médecin de [la] clinique ; qu'une telle motivation relative à l'objectif de développement de la prescription et de la dispensation à délivrance nominative prévu à l'article 4 du contrat de bon usage des médicaments signé par la clinique le 31 mars 2006, permettait à la clinique requérante de connaître et, le cas échéant, de discuter les motifs de la réduction du taux de remboursement, sans qu'il soit besoin pour l'agence régionale d'hospitalisation de préciser le chiffre de l'indicateur méconnu correspondant ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et du principe du respect des droits de la défense :
Considérant qu'à la suite du dépôt, par la CLINIQUE AMBROISE PARE, du rapport d'étape 2007 relatif à la réalisation des objectifs fixés par la contrat de bon usage des médicaments, l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine l'a, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 novembre 2007, informée de ce qu'elle envisageait de lui octroyer un taux de remboursement de 95% et l'a invitée à présenter ses observations ; qu'un courrier du même jour précisait que les griefs de l'administration concernaient le circuit des médicaments et dispositifs médicaux et le suivi de l'évolution des consommations en médicaments, et demandait plus précisément à la clinique si l'établissement et le corps médical s'étaient mobilisés pour transmettre les prescriptions complètes au pharmacien de l'établissement ; que, par un courrier en réponse, la CLINIQUE AMBROISE PARE a notamment indiqué que les traitements personnels n'étant pas systématiquement validés par un médecin de la clinique malgré de nombreuses actions de sensibilisation, la prescription complète n'est donc pas systématiquement transmise à la pharmacie ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ses affirmations, la CLINIQUE AMBROISE PARE, a été mise à même de présenter utilement ses observations sur le grief, tiré de la méconnaissance de l'objectif de développement de la prescription et de la dispensation à délivrance nominative, qui a été retenu par l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine pour réduire le taux de remboursement des spécialités, produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de personnalité des peines résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :
Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la conformité des lois à la Constitution ; que, par suite, la CLINIQUE AMBROISE PARE ne saurait utilement soutenir devant la Cour que les dispositions législatives de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale méconnaîtraient le principe constitutionnel de personnalité des peines qui résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant, d'autre part, que les établissements de santé qui décident d'adhérer au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations prévu à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale prennent de ce fait l'engagement personnel de respecter les obligations qu'il prévoit ; qu'en toute hypothèse, les dispositions de cet article L. 162-22-7 n'impliquent pas, par elles-mêmes, que les contrats de bon usage établis sur leur fondement comportent des engagements dont les établissements de santé ne pourraient garantir eux-mêmes le respect ; que les sanctions pécuniaires attachées à l'inexécution totale ou partielle des obligations prévues par ces contrats ne peuvent, dès lors, être sérieusement regardées comme méconnaissant le principe constitutionnel de personnalité des peines ; que, par suite, la clinique requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article D. 162-13 du code de la sécurité sociale précisant les conditions d'intervention de ces sanctions pécuniaires méconnaîtrait le principe constitutionnel sus évoqué dès lors qu'il imposerait aux établissements de santé des sanctions pour des agissements imputables aux médecins libéraux pratiquant en leur sein ;
En ce qui concerne la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ;
Considérant, en tout état de cause, qu'en posant des conditions au remboursement intégral des frais de médicaments, produits et prestations, tenant notamment à la sécurisation de la délivrance des médicaments, , les pouvoirs législatif et réglementaire n'ont pas porté au droit de propriété garanti par les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, compte tenu des exigences de santé publique et de maîtrise des dépenses publiques qui s'imposent à eux ;
En ce qui concerne l'atteinte portée à la liberté contractuelle :
Considérant que les dispositions de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale prévoyant la conclusion de contrats de bon usage des médicaments et limitant les remboursements des frais qu'elles concernent à hauteur de 70% en l'absence de conclusion de telles conventions ne sauraient être regardées comme portant, par elles-mêmes, une atteinte excessive à la liberté contractuelle des établissements de santé ;
En ce qui concerne le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la CLINIQUE AMBROISE PARE ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle se heurte, pour la réalisation des objectifs fixés par le contrat de bon usage des médicaments qu'elle a signé le 31 mars 2006, à l'indépendance des médecins libéraux qui exercent en son sein ; que si, par ailleurs, la requérante fait valoir qu'elle a fait des efforts importants pour développer la qualité du circuit médicament, et que ces efforts ont d'ailleurs été reconnus par l'administration dans le courrier accompagnant l'arrêté du 29 novembre 2007, elle ne conteste pas ne pas avoir atteint tous les objectifs qui lui étaient fixés par le contrat de bon usage des médicaments auquel elle avait consenti ; qu'elle ne conteste pas davantage le calcul de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine dont il résulte qu'une application stricte des coefficients appliqués au non respect de chacun des objectifs aurait pu conduire à un taux de remboursement de 95% ; que dans ces conditions, le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, fixer à 99% le taux de remboursement de la part prise en charge par les régimes obligatoires de l'assurance maladie des spécialités, produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale pour l'année 2008 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CLINIQUE AMBROISE PARE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine du 29 novembre 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé de Lorraine, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la CLINIQUE AMBROISE PARE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la CLINIQUE AMBROISE PARE une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'agence régionale de santé de Lorraine et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CLINIQUE AMBROISE PARE est rejetée.
Article 2 : la CLINIQUE AMBROISE PARE versera à l'agence régionale de santé de Lorraine une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CLINIQUE AMBROISE PARE et à l'agence régionale de santé de Lorraine.
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N° 10NC00584