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05/05/2011 | FRANCE | N°10NC01017

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 mai 2011, 10NC01017


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010, présentée pour Mme Christiane A, demeurant ..., par la SCP Le Roy de la Chohiniere et Antrig ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801977 du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 juin 2008 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité confirmant la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2008 autorisant son licenciement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le

sdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Disvalor une somme de 3...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010, présentée pour Mme Christiane A, demeurant ..., par la SCP Le Roy de la Chohiniere et Antrig ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801977 du 4 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 juin 2008 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité confirmant la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2008 autorisant son licenciement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Disvalor une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif aurait dû vérifier si les faits reprochés étaient établis et, à les supposer établis, s'ils revêtaient la qualification de faute grave justifiant le licenciement ;

- le tribunal administratif n'a pas recherché si l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été respecté alors qu'elle n'a pas été conviée à un constat contradictoire des éléments de fait reprochés ;

- l'employeur a recueilli des attestations ne permettant pas d'identifier la nature et la période des faits pour accréditer les motifs de licenciement qu'il n'arrivait pas à établir ;

- le véritable motif de licenciement était de licencier une déléguée du personnel et de faire des économies ;

- les autres salariés du rayon n'ont pas fait le nécessaire pour remédier aux dates limites de consommation et n'ont pas été sanctionnés ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2011, présenté pour la SAS Disvalor, représentée par son président en exercice, par Me Jupille, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- de par ses fonctions de responsable du rayon charcuterie à la coupe, la requérante avait une parfaite connaissance des règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité ;

- le requérante a pourtant enfreint ces règles en maintenant à la vente des produits périmés, ce qu'elle avait d'ailleurs reconnu, et en substituant du jambon ordinaire à du jambon de qualité supérieure ;

- l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été respecté dans la mesure où les preuves ont été échangées et discutées lors des débats ;

- l'autorité administrative n'appréciant pas la qualification de la faute, la jurisprudence relative à la charge de la preuve en matière de faute grave est inapplicable en l'espèce ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2011, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que l'avis du comité d'entreprise a été recueilli sans information complète ou sur la base d'éléments tronqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Roy de la Chohinière, avocat de Mme A, et de Me Jupille, avocat de la SAS Disvalor ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que, par décision du 2 janvier 2008, confirmée, le 27 juin 2008, par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, l'inspecteur du travail de la 5ème section de Meurthe-et-Moselle a autorisé le licenciement de Mme A, déléguée du personnel de la SAS Disvalor, qui exploitait un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc au sein duquel l'intéressée exerçait les fonctions de responsable du rayon charcuterie-coupe ; qu'il est reproché à Mme A, d'une part, de ne pas avoir respecté les règles internes à l'entreprise en ne retirant pas de la vente des produits deux jours avant leur date limite de consommation et en maintenant à la vente de produits périmés et, d'autre part, d'avoir proposé à la vente des jambons de qualité inférieure en les présentant comme des produits de qualité supérieure ;

Considérant, en premier lieu, qu'après avoir reconnu les deux premiers griefs lors de la procédure de licenciement interne à l'entreprise, la requérante conteste la matérialité de ces faits ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du témoignage très circonstancié d'une salariée appartenant au service qualité de l'établissement qui a réalisé, le 2 novembre 2007, une enquête dans le rayon dont Mme A avait la responsabilité, que 13 croque-monsieur ayant une date limite de consommation fixée au 1er novembre 2007 avaient été vendus dans le délai de 48 heures précédant cette date limite, contrairement aux instructions internes au magasin, 3 de ces produits ont été vendus le lendemain de ladite date et 16 étaient toujours proposés à la vente ce même jour ; que, si la requérante fait valoir qu'un autre fournisseur aurait également approvisionné le magasin en produits identiques, les factures de ce fournisseur ne font ressortir aucune livraison de croque-monsieur au cours de cette période ; qu'en outre, Mme A n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle il existerait des erreurs de codes ; qu'enfin, les constats reposant sur des éléments objectifs, tel le logiciel de contrôle de gestion, auxquels s'est livré l'employeur ne peuvent être regardés comme dépourvus de valeur probante du seul fait qu'ils n'ont pas été réalisés contradictoirement ; qu'à cet égard, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être utilement invoqué dès lors que la procédure suivie par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'examen d'une demande de licenciement ne revêt pas un caractère juridictionnel ; que, dans ces conditions, la réalité du maintien à la vente de produits à des dates proches ou postérieures à la date limite de consommation est établie ;

Considérant, en deuxième lieu, que la comparaison des ventes, telles qu'elles ressortent des données de l'entreprise, et des achats auprès des fournisseurs de jambon de qualité supérieure, bénéficiant de l'appellation de Parme et d'Aoste , ont mis en évidence un excédent des ventes par rapport aux achats ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne justifie pas d'un approvisionnement auprès d'autres fournisseurs, cette anomalie ne peut s'expliquer par des produits en stock dans la mesure où la totalité des produits acquis auprès des deux seuls fournisseurs de ces produits a été prise en compte ni par des erreurs de saisie informatique ; qu'au demeurant, cette anomalie est corroborée par les attestations concordantes des vendeuses du rayon de charcuterie-coupe selon lesquelles Mme A avait présenté des produits de qualité inférieure à la place de produits de qualité supérieure ; qu'ainsi, ces faits sont également établis ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise a reçu les informations susmentionnées à l'appui des griefs reprochés à Mme A ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de lire les attestations de salariés faisant partie du dossier constitué par l'employeur devant le comité d'entreprise ; que le moyen tiré de ce que l'avis du comité d'entreprise, au demeurant défavorable au projet de licenciement, aurait été recueilli sans information complète ou sur la base d'éléments tronqués doit ainsi être écarté;

Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard aux responsabilités de la requérante qui, en qualité de cadre, jouissait d'une autonomie dans la gestion de son rayon et dont le contrat de travail précisait qu'elle était chargée de l'achat des produits, de la gestion, de l'organisation et de l'approvisionnement du rayon et qu'elle devait respecter et faire respecter la législation applicable notamment quant à la date limite de vente , les faits susmentionnés présentent un caractère de gravité suffisante de nature à justifier le licenciement de l'intéressée alors même qu'elle n'aurait pas été en permanence dans son rayon au cours de la période litigieuse ;

Considérant, enfin, que Mme A n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle son licenciement serait en lien avec son mandat de déléguée du personnel ou avec une volonté du futur repreneur du magasin d'évincer les salariés les mieux rémunérés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SAS Disvalor, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme A une somme quelconque au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de mêmes dispositions en mettant à la charge de Mme A les frais exposés par la SAS Disvalor et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Disvalor tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christiane A, à la société Disvalor et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N° 10NC01017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01017
Date de la décision : 05/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative - Consultation du comité d'entreprise.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JUPILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-05-05;10nc01017 ?
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