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21/03/2011 | FRANCE | N°10NC00381

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2011, 10NC00381


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2010, complétée par un mémoire enregistré le 4 février 2011, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (A.S.P.A.S), dont le siège social est situé 10 rue Hagueneau à Strasbourg (67000), représentée par sa directrice, par Me Delhomme, avocat ; L'A.S.P.A.S demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901807 en date du 14 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1879 du 8 juin 2009 du préfet de la Haute-Marn

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Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2010, complétée par un mémoire enregistré le 4 février 2011, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES (A.S.P.A.S), dont le siège social est situé 10 rue Hagueneau à Strasbourg (67000), représentée par sa directrice, par Me Delhomme, avocat ; L'A.S.P.A.S demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901807 en date du 14 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1879 du 8 juin 2009 du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il classe parmi les animaux nuisibles la fouine, le putois, la martre, la corneille noire, la pie bavarde et l'étourneau sansonnet pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 et de l'arrêté n° 1880 du même jour du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il proroge au-delà du 31 mars, la période de destruction à tir des oiseaux ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

L'A.S.P.A.S soutient que :

- l'arrêté relatif aux modalités de destruction des animaux nuisibles en tant qu'il autorise le tir des oiseaux au-delà du 31 mars n'est pas suffisamment motivé ;

- la présence dans le département d'une population significative de fouines, de martres, de putois, de corneilles noires, de pies bavardes et d'étourneaux n'étant pas établie, l'arrêté est entaché d'erreur de droit ;

- il n'est pas établi que ces espèces portent atteinte dans le département aux intérêts protégés par l'article R. 427-7 du code de l'environnement ;

- l'arrêté fixant la liste des animaux classés nuisibles méconnaît les directives oiseaux de 1979 et habitats de 1992, dès lors que le préfet n'a pas recherché de solutions alternatives à la destruction d'espèces nuisibles ;

Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 27 juillet 2010 présenté pour la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne, représentée par son président en exercice et dont le siège est 16 rue des Frères Parisot, à Chaumont (52000), par Me Lagier ; la Fédération des chasseurs de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- la requête qui est dépourvue de motivation n'est pas recevable ;

- les espèces en cause sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts protégés par le code de l'environnement ;

- les espèces en cause sont significativement présentes dans le département ;

Vu les ordonnances du président de la 4ème chambre de la cour fixant au 4 février 2011 la clôture de l'instruction puis ordonnant sa réouverture le 8 février 2011;

Vu le mémoire enregistré le 3 février 2011 présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire enregistré le 15 février 2011 présenté pour l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 79/409/CEE du 2 avril 1979 relatif à la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 relative à la conservation des espaces naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu l'arrêté du 30 septembre 1988, modifié, du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement, fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2011 :

- le rapport de Mme Richer président,

- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

Sur l'intervention de la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne :

Considérant que la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne a intérêt à l'annulation du jugement attaqué dans la mesure où les espèces en cause, en s'alimentant de gibier, contribuent à réduire le potentiel cynégétique ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 1879 du 8 juin 2009 du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il classe comme nuisibles la fouine, la martre, le putois, la pie bavarde, la corneille noire et l'étourneau sansonnet pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010:

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 427-7 du code de l'environnement :

Considérant que l'article R. 427-6 du code de l'environnement donne compétence au ministre chargé de la chasse pour fixer la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles en application de l'article L. 427-8 du même code ; que l'arrêté ministériel du 30 septembre 1988, pris pour l'application de ces dispositions, mentionne la martre et la fouine parmi les espèces susceptibles d'être classées parmi les espèces nuisibles ; que l'article R. 427-7 du code de l'environnement confie au préfet le soin de fixer, chaque année, pour la période allant du 1er juillet au 30 juin, dans chaque département, en fonction de la situation locale, la liste des espèces d'animaux nuisibles, au regard de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, de la prévention des dommages aux activités agricoles, forestières et aquacoles et de la protection de la flore et de la faune ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement parmi les nuisibles d'une espèce animale figurant sur la liste établie par l'arrêté du 30 septembre 1988 susvisé, dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou lorsqu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces intérêts ;

Considérant, d'une part, qu'en l'absence d'étude scientifique, les comptes rendus de piégeages effectués durant les campagnes précédentes constituent un indicateur fiable pour mesurer l'importance des populations en cause dans le département ; qu'il ressort des pièces du dossier que le nombre de martres capturées dans le département a diminué ces dernières années pour s'établir au cours de la campagne 2007/2008 à 99 ; que s'agissant du putois, le nombre de captures varie entre la campagne 2000/2001 et la campagne 2007/2008, entre 26 et 82, ce nombre s'établissant en moyenne à 49 ; qu'enfin les données de piégeage font état de 144 captures de fouines pour la campagne 2007/2008, ce nombre n'ayant que faiblement progressé depuis la campagne précédente ; que de tels chiffres ne sont pas propres à établir que la martre, le putois et la fouine seraient répandus de façon significative en Haute-Marne ; que, s'agissant de l'étourneau sansonnet, faute de données de piégeage disponibles relatives à cette espèce, il est impossible de connaître l'évolution des prises de cet animal ; que si le compte rendu de destruction pour la campagne 2007/2008 fait état de 34 étourneaux tués par tir, cet élément ne permet pas de considérer que l'étourneau sansonnet serait présent significativement dans le département de la Haute-Marne ; que, dès lors, L'A.S.P.A.S est fondée à demander l'annulation de l'arrêté en tant qu'il a classé la martre, le putois, la fouine et l'étourneau sansonnet dans la catégorie des animaux nuisibles ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des données de piégeage que la corneille noire et la pie bavarde constituent des espèces animales très répandues en Haute-Marne et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de ce département, elles sont susceptibles de causer des dommages et de porter atteinte aux intérêts de l'activité agricole, de la faune, de la flore et de la santé publique protégés par les dispositions précitées ; que dès lors c'est à bon droit que le préfet a pu classer ces espèces dans la catégorie des animaux nuisibles ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 :

Considérant, qu'il résulte de l'article 9 de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 dite Oiseaux que : 1. Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après : / a) - dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique, / - pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, et aux pêcheries et aux eaux, / - pour la protection de la flore et de la faune ; / b) pour des fins de recherche et d'enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l'élevage se rapportant à ces actions ; / c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petite quantité. / 2. Les dérogations doivent mentionner : / - les espèces qui font l'objet des dérogations, / - les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés, / - les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises, / - l'autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en oeuvre, dans quelles limites et par quelles personnes, / - les contrôles qui seront opérés (...) ;

Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Marne a recherché si des solutions satisfaisantes, autres que la destruction, existaient pour prévenir les dommages portés aux activités agricoles ainsi que pour assurer la protection de la faune et de la flore ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 de la directive 79/409/CEE manque en fait ;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que l'A.S.P.A.S est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1879 du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il a classé dans ce département au titre de l'année 2009-2010 la fouine, la martre, le putois et l'étourneau sansonnet dans la catégorie des animaux nuisibles ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n°1880 du 8 juin 2009 du préfet de la Haute-Marne en tant qu'il proroge le délai de destruction des oiseaux classés nuisibles au delà du 31 mars 2010 :

Considérant, qu'aux termes de l'article R. 427-22 du code de l'environnement : Le préfet peut, par arrêté motivé, prévoir qu'il sera, compte tenu des particularités de la situation locale au regard des intérêts mentionnés à l'article R. 427-7, dérogé aux dispositions des articles R. 427-20 et R. 427-21 ;

Considérant, que par l'arrêté attaqué sus-visé, le préfet de la Haute-Marne a décidé de reporter au-delà du 31 mars 2010 la date limite de destruction des oiseaux classés nuisibles par l'arrêté n° 1879 ; qu'en se bornant à mentionner, par des formules stéréotypées qu'il est indispensable de déroger à la date du 31 mars fixée par l'article R. 427-21 du code de l'environnement et que cette prorogation tient compte des particularités de la situation locale , sans indiquer les raisons l'ayant conduit à autoriser le tir des oiseaux classés nuisibles au-delà du délai légal, le préfet n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que par suite, l'arrêté n° 1880 doit être annulé en tant qu'il proroge le délai légal de destruction à tir des oiseaux classés nuisibles ;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté n° 1880 du 8 juin 2009 en tant qu'il proroge le délai légal de destruction à tir des oiseaux classés nuisibles ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit L'A.S.P.A.S au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne est admise.

Article 2 : Le jugement du 14 janvier 2010 du Tribunal administratif Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il rejette la demande de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1879 du préfet de la Haute-Marne du 8 juin 2009 en tant qu'il concerne la martre, le putois, la fouine et l'étourneau sansonnet et en tant qu'il rejette la demande de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1880 du préfet de la Haute-Marne du 8 juin 2009 en tant qu'il proroge la période légale de destruction à tir des oiseaux classés nuisibles.

Article 3 : L'arrêté n° 1879 du préfet de la Haute-Marne du 8 juin 2009 est annulé en tant qu'il concerne la martre, le putois, la fouine et l'étourneau sansonnet.

Article 4 : L'arrêté n° 1880 du préfet de la Haute-Marne du 8 juin 2009 est annulé en tant qu'il proroge la période légale de destruction à tir des oiseaux classés nuisibles.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, au ministre de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de la Haute-Marne.

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10NC00381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00381
Date de la décision : 21/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : DELHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-03-21;10nc00381 ?
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