Vu la requête, enregistrée le 27 août 2009, complétée par un mémoire enregistré le 13 octobre 2010, présentée pour M. René A..., par Me Panassac, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801186 en date du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mai 2008 du préfet de la Haute-Saône renouvelant à son profit une autorisation d'exploitation de pisciculture en tant qu'il n'a pas reconnu son plan d'eau situé sur la commune de Fondremand au lieudit L'Abboyotte comme relevant du statut de fondé en titre ne nécessitant pas d'autorisation ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- l'exploitation de pisciculture n'est pas soumise à autorisation dès lors que le plan d'eau a été créé en vertu d'un droit fondé sur titre ;
- elle n'est pas soumise à autorisation dès lors que l'étang est constitué par la retenue d'un barrage établi en vue de la pisciculture avant le 15 avril 1829 ;
- le plan d'eau doit être qualifié d'eau close ne relevant pas du régime de l'autorisation ;
- l'arrêté d'autorisation qui limite le débit maximum prélevé à 5 % du module du cours d'eau méconnait l'article L. 214-18 du code de l'environnement qui dispose que le débit minimal ne doit pas être inférieur à 10 % du débit du cours d'eau ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire enregistré le 20 octobre 2010, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- il n'est pas établi que le plan d'eau relève du statut de fondé en titre ;
- la preuve de l'existence du plan d'eau avant le 15 avril 1829 n'est pas apportée ;
- la consistance du plan d'eau a été modifiée ;
- le plan d'eau qui est en relation avec le ruisseau des Quatre Fontaines doit être qualifié d'eau libre ;
- le débit de référence du cours d'eau n'est pas le module mais le débit moyen mensuel sec de récurrence cinq ans ;
Vu les ordonnances du président de la 4ème chambre de la cour fixant au 22 octobre 2010 la clôture de l'instruction puis la reportant au 15 novembre 2010 ;
Vu le mémoire enregistré le 8 novembre 2010, présenté pour M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2011 :
- le rapport de Mme Richer, président,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Panassac, avocate de M. A ;
Sur le régime d'autorisation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-3 du code de l'environnement : Le présent titre s'applique à tous les cours d'eau, canaux, ruisseaux et plans d'eau, à l'exception de ceux visés aux articles L. 431-4, L. 431-6 et L. 431-7. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 431-4 du même code : Les fossés, canaux, étangs, réservoirs et autres plans d'eau dans lesquels le poisson ne peut passer naturellement sont soumis aux seules dispositions du chapitre II du présent titre. ; qu'aux termes de l'article L. 431-7 du même code : A l'exception des articles L. 432-2, L. 432-10, L. 436-9 et L. 432-12, les dispositions du présent titre ne sont pas applicables aux plans d'eau existant au 30 juin 1984, établis en dérivation ou par barrage et équipés des dispositifs permanents empêchant la libre circulation du poisson entre ces plans d'eau et les eaux avec lesquelles ils communiquent : 1° Soit s'ils ont été créés en vertu d'un droit fondé sur titre comportant le droit d'intercepter la libre circulation du poisson. / 2° Soit s'ils sont constitués par la retenue d'un barrage établi en vue de la pisciculture avant le 15 avril 1829 en travers d'un cours d'eau non domanial ne figurant pas à la liste prévue au 2° du I de l'article L. 214-17 (...) ;
Considérant, d'une part, que pour soutenir que la pisciculture à vocation touristique pratiquée dans le plan d'eau situé à l'Abboyotte sur la commune de Fondremand en Haute-Saône n'est pas soumise à autorisation, M. A fait valoir que ce plan d'eau doit être regardé comme une eau close ; que toutefois, il résulte de l'instruction que l'étang litigieux communique en amont et en aval avec le ruisseau des Quatre Fontaines et que le poisson peut passer du ruisseau dans l'étang même si le débit du ruisseau est très faible en période estivale ; que, par suite, le statut d'eau close tel qu'il est défini par l'article L. 432-4 précité n'est pas applicable au plan d'eau en cause ;
Considérant, d'autre part, qu'une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date ; que si l'acte de vente du domaine du prieuré du Petit Montarlot comme bien national en 1791 comporte un étang, l'extrait pertinent de la carte de Cassini produit par l'administration ne fait état d'aucun plan d'eau à l'emplacement des parcelles appartenant à M. A mais indique en revanche un étang situé à 350 mètres au sud ouest des parcelles du requérant, près du moulin du prieuré ; qu'en se bornant à évoquer le régime alimentaire des religieux soumis à la règle de Saint Benoit, M. A n'établit pas l'existence de l'étang litigieux avant le 4 août 1789 ; qu'ainsi, le plan d'eau créé par le requérant ne peut être regardé comme fondé en titre ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date d'acquisition des parcelles litigieuses, le 15 juin 1972, l'espace actuel du plan d'eau était occupé par des bois ; que la présence d'un étang sur le plan cadastral de 1831 à l'emplacement d'une parcelle appartenant au requérant, mais qui avait disparu sur l'Atlas de Dieu de 1858, ne suffit pas à établir que le plan d'eau est constitué par la retenue d'un barrage établi en vue de la pisciculture avant le 15 avril 1829 ; que par suite, M. A n'est pas fondé à invoquer les dispositions du 2° de l'article L. 431-7 du code de l'environnement pour soutenir que la pisciculture n'est pas soumise à autorisation ;
Sur les prescriptions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement : Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur... Les dispositions prévues aux alinéas précédents sont étendues aux ouvrages existant au 30 juin 1984 par réduction progressive de l'écart par rapport à la situation actuelle. Ces dispositions s'appliquent intégralement au renouvellement des concessions ou autorisations de ces ouvrages.... ;
Considérant que ces dispositions ne fixent que des valeurs minimales que l'administration peut dépasser lorsqu'une gestion équilibrée des ressources en eau l'exige ; que, toutefois, le préfet n'a pas fixé un débit minimal garantissant la vie et la circulation des poissons mais a limité à 5% du module du cours d'eau le débit maximum prélevé par prise d'eau sur le ruisseau des Quatre Fontaines ; que l'administration qui se borne à invoquer les dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement relatives à la nomenclature des opérations soumises à autorisation, ne justifie pas la limitation du débit prélevé sur le ruisseau ; que, dans ces conditions, l'article 1er de l'arrêté attaqué doit être annulé en tant qu'il fixe à 5% du module du cours d'eau le débit maximum prélevé par prise d'eau sur le ruisseau des Quatre Fontaines ; que, pour le même motif, l'article 2 du même arrêté doit être annulé en tant que l'ouvrage de génie civil est mis en place pour limiter la prise d'eau de 5 % du module ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. JACQUIER est seulement fondé à soutenir que les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône doivent être modifiés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme à payer à M. A au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône sont annulés en tant qu'ils limitent à 5 % du module le débit prélevé par une prise d'eau sur le ruisseau des Quatre Fontaines .
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 2 juillet 2009 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. René A et au ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement.
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