Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009, complétée par des pièces et mémoires enregistrés les 24 mars et 14 octobre 2010, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) CODI FRANCE, dont le siège est zone industrielle (39700) Rochefort sur Nenon, par Me Huguenin, avocat ;
La société CODI FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800288 en date du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'admission en déduction des résultats de l'exercice 2003, des charges qu'elle avait comptabilisées au titre de la mise à disposition de personnels par la société belge Colruyt et, en conséquence, au rétablissement du déficit reportable initialement constaté au titre de l'exercice 2005 ;
2°) de rétablir le déficit reportable initialement constaté au titre de l'exercice 2005 ;
3°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer en attendant l'issue de la procédure amiable engagée sur le fondement de la convention européenne d'arbitrage du 23 juillet 1990 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que les facturations litigieuses ne relèvent pas d'un acte anormal de gestion dès lors que s'il n'y avait pas de contrats écrits entre elle et la société Colruyt, les salariés faisaient l'objet de contrats de détachement, que la refacturation ne lui a pas été imposée, qu'elle a bénéficié des prestations litigieuses, que ces prestations, alors même qu'elles ont également été effectuées dans l'intérêt du groupe, l'ont été en premier lieu dans son intérêt, que d'autres salariés ont continué à être détachés contre facturation, qu'une facturation a posteriori n'est pas, par elle-même, constitutive d'un acte anormal de gestion ;
- qu'elle a saisi l'administration d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure amiable sur le fondement de la convention européenne d'arbitrage ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2010, complété par des mémoires enregistrés les 31 août et 15 octobre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention 90/436/CEE relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées du 23 juillet 1990 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de bien dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
Considérant que la société CODI FRANCE, en produisant les factures régulièrement émises par la société belge Colruyt et honorées par elle, établit, sans être utilement contredite par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, la correction de l'inscription en comptabilité au titre de l'année 2003 de frais de personnel à concurrence de 554 129 euros ainsi que la valeur de ses justifications ; qu'il n'est pas contesté que les prestations ainsi facturées avaient effectivement été réalisées par des salariés de la société Colruyt, mis à disposition de la société CODI FRANCE ; que si l'administration soutient que les prestations ayant été à l'origine fournies à titre gracieux par la société Colruyt, la circonstance que celle-ci les a, ultérieurement, facturées est constitutive d'un acte anormal de gestion, dès lors que cette refacturation n'avait pas fait l'objet d'un contrat écrit entre les deux sociétés, qu'elle aurait été imposée à la société requérante et qu'elle aurait en réalité bénéficié au groupe dont la société Colruyt était la société mère et non à la société CODI FRANCE, il n'est pas contesté que la société belge a procédé à une facturation à la suite d'un redressement effectué par l'administration fiscale belge, qui a remis en cause le caractère gratuit de ces prestations et en a réintégré le montant dans ses résultats ; que les salariés de la société Colruyt, un directeur général, un directeur de magasin, un spécialiste de l'organisation du travail et un superviseur de magasin, ont été mis à la disposition de la société CODI FRANCE, qui exploitait des supérettes et connaissait des difficultés économiques en raison de la concurrence de grands groupes, dans le but de lui permettre d'améliorer ses résultats ; que la seule circonstance que la mise à disposition de personnels ait pu comporter un avantage éventuel pour le groupe auquel la société CODI FRANCE appartenait, ne suffit pas à caractériser une opération anormale dès lors qu'elle n'était pas contraire ou étrangère aux intérêts de la société ; qu'ainsi, l'administration, qui n'allègue pas que les prestations auraient été facturées à un prix excessif, ne peut être regardée comme ayant produit des éléments de nature à révéler que les versements litigieux ont été effectués par la société CODI FRANCE dans un intérêt autre que celui de son entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société CODI FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la réintégration dans son déficit fiscal reporté à la clôture de l'exercice 2005 de la déduction de 554 129 euros au titre des frais de personnels de l'année 2003 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de condamner l'Etat à payer à la société CODI FRANCE une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 7 mai 2009 est annulé.
Article 2 : Le déficit reportable initialement constaté par la société CODI FRANCE au titre de l'exercice 2005 est rétabli.
Article 3 : L'Etat versera à la société CODI FRANCE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société CODI FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.
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