Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010, présentée pour M. José A, demeurant ..., par Me Babel ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800148 du 3 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité du 27 novembre 2007 refusant d'autoriser la société Streit à le licencier ;
2°) de rejeter la requête de la société Streit devant le Tribunal administratif de Nancy ;
3°) de mettre à la charge de la société Streit une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il a fait l'objet d'un harcèlement par son employeur, qui a multiplié de façon abusive les procédures disciplinaires, dont la plupart n'ont pas donné lieu à des sanctions, ainsi que les demandes de licenciement ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé comme établi le fait qu'il aurait ouvert l'armoire électrique pour y brancher son téléphone mobile : l'attestation produite devant les premiers juges ne le démontre pas ; il lui était impossible d'ouvrir cette armoire, dont il n'avait pas la clé ; il n'a donc pas pu brancher son portable sur le coffret de son poste ; la mention apposée sur l'armoire électrique en cause, indiquant que seul le personnel habilité était autorisé à l'ouvrir, a été mise en place pour les besoins de la cause, car elle n'existait pas au moment de l'enquête administrative ;
- il n'a pas insulté ni menacé M. B ; l'altercation avec le responsable de production s'explique par le fait que sa boîte à outils a été ouverte le 2 mars 2007 par
M. B, alors qu'il était mis à pied, et qu'une bague en or a disparu de cette caisse ; sa caisse a été ouverte pour provoquer un nouvel incident à son retour, pour tenter à nouveau de le licencier ;
- la procédure de licenciement est directement liée à ses mandats et à son rôle revendicatif dans ce cadre, contrairement à ce qu'a estimé le ministre ; il n'a plus fait l'objet de sanction, depuis qu'il n'est plus représentant du personnel ;
- les agissements de son employeur son à l'origine de sa grave dépression ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2010, présenté pour la société Streit par Me Bauer, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A une somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- M. A a délibérément violé les règles de sécurité en ouvrant une armoire électrique pour y brancher son téléphone mobile, acte risquant de mettre sa vie en danger et celle de ses collègues ; l'armoire pouvait être ouverte par la clé du service de maintenance, mais aussi par d'autres clés ou par un tournevis ; les faits sont attestés par deux collègues de travail ; l'armoire comporte un pictogramme indiquant que seul le personnel habilité est autorisé à ouvrir cette armoire électrique ;
- M. A a proféré des injures et menaces à l'encontre de son supérieur hiérarchique ; la boîte à outils du requérant a été ouverte en son absence, car elle est la propriété de l'entreprise et que les salariés avaient besoin des outils s'y trouvant, les effets personnels de M. A ayant été mis de côté ; les boîtes à outils n'ont pas vocation à accueillir des objets personnels ; il n'y avait pas de bague en or dans cette boîte ;
- la procédure de licenciement n'est pas liée à ses mandats, M. A n'ayant jamais exercé la moindre action revendicative ;
Vu l'ordonnance du 9 septembre 2010 fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 28 septembre 2010 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- les observations de Me Babel, avocat de M. A ;
Considérant que la société Streit a demandé à l'inspecteur du travail, le 26 mars 2007, l'autorisation de licencier M. A, agent de fabrication, investi des mandats de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel, au double motif, d'une part qu'il avait branché son téléphone portable sur une armoire électrique, en violation des consignes de sécurité, d'autre part qu'il avait insulté, menacé et agressé le responsable de production,
M. B ; que cette autorisation lui a été refusée le 23 avril 2007, au motif que tout lien avec le mandat ne (pouvait) être écarté ; que, par arrêté en date du 27 novembre 2007, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail, mais également refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressé, en se fondant toutefois sur un autre motif, tiré de ce que la faute consistant à avoir branché son téléphone portable sur une armoire électrique n'était pas suffisamment grave pour justifier un licenciement, le grief d'insultes à l'égard du supérieur hiérarchique étant par ailleurs écarté comme non établi ; que, par jugement en date du 3 novembre 2009, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du ministre ;
Sur le bien-fondé de la décision du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail, alors en vigueur : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement (...) ; qu'aux termes de l'article L. 436-1 du même code, alors en vigueur : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement (...) ; qu'en vertu des dispositions précitées, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que M. A soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé comme établi le fait qu'il aurait, le 8 février 2007, ouvert l'armoire électrique pour y brancher son téléphone mobile, en violation des consignes de sécurité ; que, toutefois, un collègue de travail, M. Durpois, atteste avoir vu M. A débrancher son téléphone portable de l'armoire électrique de la machine sur laquelle il était affecté ; que si la clé de l'armoire en cause est en principe en possession du service de maintenance, il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite armoire n'aurait pas pu être ouverte par d'autres clés, ou même au moyen d'un tournevis ; que c'est ainsi à bon droit que le Tribunal a regardé les faits comme établis ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'armoire en cause comportait un pictogramme indiquant que seul le personnel habilité est autorisé à ouvrir cette armoire électrique ; que si M. A prétend que ledit pictogramme aurait été mis en place ultérieurement, pour les besoins de la cause, il ne l'établit pas ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a estimé que la gravité de la faute ne pouvait pas, contrairement à ce qu'avait estimé le ministre, être atténuée par un défaut d'information de l'employeur sur les restrictions d'accès aux armoires électriques ;
Considérant que les faits susrappelés, constitutifs d'une faute, ont présenté, tant pour l'intéressé que pour ses collègues, un risque d'électrocution et de brûlures ; que
M. A n'ayant pu ignorer l'interdiction d'ouvrir l'armoire en cause et d'y brancher son téléphone portable, doit être regardé comme ayant violé sciemment une consigne d'autant plus impérative qu'elle portait sur la sécurité ; que c'est ainsi à bon droit que, compte tenu des reproches dont l'intéressé avait déjà fait antérieurement l'objet en ce qui concerne le respect des consignes de sécurité, les premiers juges ont estimé que cette seule faute présentait un caractère de gravité suffisant pour justifier un licenciement, et que le ministre ne pouvait donc pas, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, refuser d'autoriser le licenciement de
M. A ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement serait en lien avec le mandat du requérant ; que la circonstance que l'intéressé ait déjà fait l'objet de procédures disciplinaires et n'a plus fait l'objet de sanction depuis qu'il n'est plus représentant du personnel, n'est pas de nature à établir l'existence d'un tel lien, aucune pièce du dossier ne révélant au demeurant que M. A aurait exercé des actions revendicatives lorsqu'il était encore investi des mandats de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité du 27 novembre 2007 refusant d'autoriser la société Streit à le licencier ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Streit, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros à verser à la société Streit au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. José A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la société Streit une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. José A, à la société Streit et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
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