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14/10/2010 | FRANCE | N°08NC01534

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2010, 08NC01534


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 octobre 2008, complétée par mémoire enregistré le 24 novembre 2008, présentée pour M. Jean-Paul A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0502478 du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation des préjudices subis suite à l'accident de service survenu le 10 juillet 1985 au sein du centre de secours d'Ensisheim, en ne lui allouant qu'un montant de 75 000 euros de dommages-in

térêts ;

2°) condamner la commune d'Ensisheim à lui verser une somme totale...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 octobre 2008, complétée par mémoire enregistré le 24 novembre 2008, présentée pour M. Jean-Paul A, demeurant ..., par Me Jung ;

M. A demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement n° 0502478 du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation des préjudices subis suite à l'accident de service survenu le 10 juillet 1985 au sein du centre de secours d'Ensisheim, en ne lui allouant qu'un montant de 75 000 euros de dommages-intérêts ;

2°) condamner la commune d'Ensisheim à lui verser une somme totale de 396 367,42 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en réparation du préjudice subi ;

3°) condamner la commune d'Ensisheim aux dépens et à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- qu'il ne conteste pas le principe de la responsabilité sans faute retenu par le tribunal ;

- qu'il n'a commis aucune faute ;

- que le tribunal lui a alloué une somme globale à titre de réparation, sans déterminer la nature des différents postes de préjudice ;

- qu'il réclame une somme de 213 428,62 euros au titre de son d'incapacité permanente partielle ;

- que son préjudice professionnel correspond à l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, et il réclame 76 224,50 euros à ce titre ;

- qu'il réclame une somme de 30 489,80 euros au titre de son pretium doloris ;

- que son préjudice personnel correspond à la dévalorisation de sa situation, et il est en droit de réclamer la somme de 76 224,50 euros à ce titre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines par la SCP Paulus et Gerrer ;

La caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines conclut à ce que la commune d'Ensisheim soit condamnée à lui verser la somme de 96 203, 12 euros au titre de la pension d'invalidité versée, la somme de 31 508, 67 euros au titre de la pension d'invalidité à échoir à compter du 1er juillet 2005, la somme de 11 823, 30 euros au titre des allocations pour enfants à charge, augmentés des intérêts légaux avec capitalisation et à la mise à la charge de la commune d'Ensisheim de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que la commune étant responsable de l'accident, elle est fondée à réclamer le remboursement des pensions et allocations versées, que le comportement de la commune soit ou non fautif ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2009, et la pièce complémentaire, enregistrée le 7 avril 2009, présentés pour la commune d'Ensisheim, représentée par son maire, par Me Schreckenberg ;

La commune d'Ensisheim demande à la Cour de :

1°) rejeter la requête de M. A et les conclusions de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale des mines ;

2°) par voie d'appel incident, réformer le jugement attaqué en réduisant sensiblement la somme allouée à M. A à titre de réparation de son préjudice ;

3°) mettre à la charge de M. A et de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- elle n'a pas commis de faute, et il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que l'intéressé n'a pas été imprudent ;

- seule sa responsabilité sans faute peut être engagée, au titre de la législation sur les accidents de service ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les prétentions de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale des mines ;

- dès lors que M. A a accepté le principe de la responsabilité sans faute retenue par le tribunal, il n'est pas fondé à réclamer réparation de son Incapacité Permanente Partielle et de son préjudice professionnel ;

- l'expertise ne fait pas état d'un préjudice esthétique ;

- M. A n'indique pas ce que le préjudice personnel recouvre ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 20 avril 2009, présenté pour la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre qu'il doit être fait application en l'espèce de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mai 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- si l'incapacité permanente partielle n'est pas réparable au titre du préjudice patrimonial, dès lors qu'il perçoit une rente d'invalidité, il est en revanche fondé à demander l'indemnisation de son préjudice personnel qui inclut les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence résultant de son accident et se traduisant par une perte dramatique de sa qualité de vie ;

Vu les courriers, enregistrés les 28 septembre et 27 novembre 2009, adressés à la Cour pour M. A ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 19 juillet 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'une nouvelle expertise a fixé son incapacité permanente partielle à 55% avec nouvelle consolidation à compter du 5 juillet 2007, que son préjudice esthétique est de 2/7 et qu'une aggravation est toujours possible ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2010, présenté pour la commune d'Ensisheim, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 23 janvier 2009, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des communes ;

Vu la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après voir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouchaud, pour la SCP Schreckenberg Parnière et associés, avocat de la commune d'Ensisheim ;

Considérant que M. A, sapeur-pompier bénévole, a été victime, le 10 juillet 1985, d'un accident de service, en chutant de l'escabeau qu'il utilisait pour repeindre le plafond de la réserve de matériel du centre de secours d'Ensisheim ; qu'il a présenté ultérieurement des troubles neurologiques, en lien direct avec son accident de service, au titre duquel il perçoit, au titre de son activité professionnelle aux mines de potasse d'Alsace, une pension d'invalidité versée sur le fondement du décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines ; que son état de santé s'est aggravé depuis 1998 ; que la pension d'invalidité de l'intéressé a été transformée en pension de vieillesse à compter du 1er août 2008 ; que M. A relève appel du jugement du 9 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation des préjudices subis suite à son accident ; que la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines demande la réformation dudit jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Ensisheim à l'indemniser de ses débours ; qu'enfin, par voie d'appel incident, la commune d'Ensisheim conclut à la réduction de l'indemnité accordée à M. A ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. A :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la section V du chapitre IV du titre V du livre III du code des communes, applicables aux sapeurs pompiers communaux non professionnels, en vigueur à la date de l'accident de service de M. A, que les sapeurs pompiers non professionnels blessés à l'occasion du service commandé, ont droit aux allocations, rentes et indemnités définies par la présente section à l'exclusion de toute autre forme de réparation ; qu'il résulte des dispositions précitées que le législateur, qui a mis lesdites prestations à la charge de l'Etat au lieu et place des communes, a entendu limiter les obligations de l'Etat à la concession d'une pension dans les conditions déterminées par lesdites dispositions ; que ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que l'agent qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs plus allégué en cause d'appel que la commune d'Ensisheim aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. A, qui participait à l'exécution d'un travail public lorsque son accident est survenu ; qu'ainsi, M. A, qui, tout en précisant dans son mémoire du 14 mai 2009 renoncer à l'indemnisation de son préjudice patrimonial, reprend néanmoins l'intégralité de ses conclusions dans le dernier état de ses écritures, n'est pas fondé à demander le versement d'une indemnité en réparation du préjudice professionnel subi du fait de cet accident ;

Considérant, en second lieu, que, comme il vient d'être dit, M. A est toutefois fondé à solliciter de la commune d'Ensisheim la réparation de son préjudice personnel, même en l'absence de faute de celle-ci ; qu'il ressort du rapport d'expertise de mars 2010 du Dr Antz que M. A, né en 1954, présente des troubles importants dans ses conditions d'existence, liés à la perte d'autonomie dont il est affecté du fait de sa tétraparésie, qui le handicape sérieusement dans l'accomplissement de la plupart des actes de la vie courante ; qu'eu égard au taux de déficit fonctionnel permanent chiffré à 55 % par l'expert, il sera fait une juste appréciation du préjudice personnel ainsi subi en l'évaluant à 93 000 euros ; que M. A a également subi des souffrances physiques, évaluées à 4 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant en l'arrêtant à la somme de 5 000 euros ; que le préjudice esthétique, estimé à 2 sur une échelle de 7, peut être fixé à la somme de 2 000 euros ; que le préjudice d'agrément allégué n'est en revanche pas établi ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune Ensisheim doit être condamnée à verser une somme de 100 000 euros à M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à sa demande ; que les conclusions de la commune d'Ensisheim tendant à la réduction de la somme allouée en première instance à M. A doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après... ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident dont a été victime M. A soit imputable à une faute de la commune d'Ensisheim ; que cet accident n'est pas davantage imputable à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien aurait incombé à la commune ; qu'ainsi celle-ci ne saurait être regardée comme l'auteur responsable de l'accident au sens des dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines n'était pas fondée à demander le remboursement des sommes échues et à échoir au titre de la pension d'invalidité et des sommes versées à M. A au titre des allocations pour enfants à charge ; que les conclusions de la caisse doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune Ensisheim une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune d'Ensisheim sur le fondement de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines à verser à la commune d'Ensisheim une somme au titre des mêmes dispositions ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ensisheim, qui n'est pas partie perdante vis-à-vis de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, la somme que celle-ci demande au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 75 000 euros que la commune d'Ensisheim a été condamnée à payer à M. A par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 octobre 2008 est portée à 100 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 octobre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Ensisheim versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté, ainsi que l'appel incident de la commune d'Ensisheim et les conclusions de celle-ci tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Paul A, à la commune d'Ensisheim et à la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.

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08NC01534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01534
Date de la décision : 14/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JUNG ; SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES ; JUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-10-14;08nc01534 ?
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