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23/09/2010 | FRANCE | N°09NC01843

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 09NC01843


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 décembre 2009 sous le n° 09NC01843, présentée pour Mlle Noémie A, demeurant ..., par Me Gouaze ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700943 en date du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 16 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention subie le 28 octobre 2003 au sein de cet établissement ;

2°) de condamner les Hôpitaux

universitaires de Strasbourg à lui verser cette indemnité, majorée des intérêt...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 décembre 2009 sous le n° 09NC01843, présentée pour Mlle Noémie A, demeurant ..., par Me Gouaze ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700943 en date du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 16 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention subie le 28 octobre 2003 au sein de cet établissement ;

2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser cette indemnité, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de cet établissement hospitalier la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le déroulement de la coelioscopie n'a pas été conforme à la bonne pratique médicale ;

- le chirurgien a commis une faute en ne faisant pas preuve d'une extrême prudence compte tenu de sa morphologie ; elle est à l'origine de la rupture de son artère iliaque externe droite ;

- la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg est engagée dans la survenance de cet accident opératoire ;

- cet accident a eu des répercussions importantes sur son état psychique et elle fait désormais l'objet d'une prise en charge psychiatrique ;

- l'indemnité qui lui est due au titre de son déficit fonctionnel permanent doit être évaluée, compte tenu de son âge et de sa profession, à 3 000 euros, le préjudice tiré de son pretium doloris, fixé à 2,5/7, à 3 000 euros, le préjudice esthétique, évalué à 2/7, et constitué par une longue cicatrice de 20 cm, à 5 000 euros, et son préjudice moral, en raison de l'aggravation de son état psychique, à 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2010, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me le Prado ; ils concluent au rejet de la requête et font valoir que :

- la requête de Mlle A n'est pas recevable, en l'absence de décision préalable ;

- il n'y pas eu arrêt cardiaque, ni manoeuvre de réanimation ;

- l'expert a admis que l'incident relevait de l'aléa thérapeutique ;

- la lésion de l'artère iliaque ne suffit pas à établir l'existence d'une faute médicale ;

- il ne résulte pas de l'instruction que le praticien aurait commis un manquement aux règles de l'art ;

II°) Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 16 décembre 2009 et le 4 juin 2010 sous le n° 09NC01861, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT par Me Nunge ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700943 du 20 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui rembourser ses débours et a mis à sa charge la somme de 500 euros à verser aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner lesdits Hôpitaux à lui verser les sommes de 414,90 euros au titre de ses débours et 138,30 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge de cet établissement hospitalier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de réserver son droit d'obtenir le remboursement des prestations non encore connues à la date de l'arrêt ;

Elle soutient que :

- les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité dans la prise en charge de Mlle A ; le risque de blessure vasculaire était particulièrement élevé sur un patient maigre ; le praticien n'a pas fait preuve de la prudence extrême requise ;

- le fait que Mlle A ait été blessée suffit à établir que la coelioscopie n'a pas été pratiquée de manière à éviter d'exposer la patiente à un risque inconsidéré ;

- elle est fondée à demander le remboursement des prestations versées en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- il est inéquitable qu'elle ait été seule condamnée au versement d'une indemnité de procédure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2010, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me le Prado ; ils concluent au rejet de la requête par les moyens susvisés dans le mémoire produit dans le cadre de l'instance 09NC01843 ;

Ils soutiennent en outre que la jurisprudence citée par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT n'est pas pertinente, la responsabilité du centre hospitalier ne pouvant être engagée que si une faute pouvait lui être imputée, a fortiori sous l'empire des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de santé publique ;

Vu l'ordonnance en date du 31 mai 2010 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a fixé la date de la clôture d'instruction des présentes affaires au 18 juin 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées de Mlle A et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT sont relatives aux conséquences d'un même accident et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ;

Considérant que Mlle A, alors âgée de 20 ans, atteinte d'un syndrome abdominal aigu, a été admise au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Strasbourg le 28 octobre 2003 ; qu'en raison de la difficulté de poser avec certitude le diagnostic d'une appendicite aiguë, elle a subi en urgence, après avoir fait l'objet d'une échographie abdominale et d'un bilan biologique, une exploration coelioscopique de l'abdomen ; qu'au cours de cette investigation, l'artère iliaque externe droite a été lésée, provoquant une hémorragie sévère ; que, toutefois, la conversion immédiate par laparotomie a permis de procéder à une hémostase par compression, à une suture de la plaie sur l'artère iliaque externe droite et à l'ablation de l'appendice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le président du tribunal administratif, d'une part, que le recours à l'exploration chirurgicale par coelioscopie était en l'occurrence tout à fait indiqué et, d'autre part, qu'aucune cause précise de cette hémorragie n'apparaît clairement, même si la blessure par la pointe du bistouri ou par le trocart ombilical est la cause la plus probable de cette lésion vasculaire, en raison du constat d'un hémopéritoine dès l'introduction de l'optique ; que si l'expert, qui a par ailleurs relevé la compétence toute particulière du chirurgien ayant pratiqué l'intervention, a estimé que le déroulement de celle-ci ne pouvait être regardé comme conforme à une bonne pratique médicale, il a émis cette opinion par référence à la technique de pneumopéritoine à l'aiguille, qui n'a pas été employée en l'espèce ; qu'il est en effet constant que le pneumopéritoine a été réalisé en open laparoscopie en vue de diminuer le risque de blessure vasculaire à laquelle la patiente était exposée, compte tenu de ses caractéristiques anatomiques ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que d'autres techniques susceptibles d'annihiler le risque de lésion artérielle auraient pu être mises en oeuvre ; que, par suite, la lésion de l'artère iliaque dont a été victime Mlle A ne saurait être regardée en l'espèce comme résultant d'une imprudence du praticien hospitalier ; qu'aucune faute médicale ne saurait ainsi être retenue à l'encontre des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg soient condamnés à réparer les conséquences dommageables résultant de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 28 octobre 2003 ;

Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT :

Considérant que, dès lors que la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg n'est pas engagée, les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT tendant à la condamnation de ceux-ci à lui rembourser les prestations versées et futures doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent Mlle A et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT au titre des frais engagés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dès lors que la caisse requérante était partie perdante en première instance, les premiers juges ont pu à bon droit accueillir les conclusions du centre hospitalier tendant à sa condamnation au versement d'une somme sur le fondement des mêmes dispositions, alors même qu'ils ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à ces mêmes conclusions en tant qu'elles étaient dirigées contre Mlle A, et ce sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'instance n'ait pas été introduite par la caisse et que celle-ci y soit intervenue au titre du droit de recours contre les tiers responsables qui lui est ouvert par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mlle A et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Noémie A, à la CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE DE SELESTAT et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

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09NC01843 - 09NC01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01843
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D AVOCATS GOUAZE FIROBIND ; SELARL JURIS-DIALOG ; SOCIETE D AVOCATS GOUAZE FIROBIND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-09-23;09nc01843 ?
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