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23/09/2010 | FRANCE | N°09NC01286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 09NC01286


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 août 2009, présentée pour la société VILLAR NETTOYAGE, dont le siège social est 76 rue de la plaine des Bouchers à Strasbourg (67100), par la SCP d'avocats Wachsmann et associés ;

La société VILLAR NETTOYAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604672 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 août 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a infirmé l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travai

l le 3 mai 2006 concernant Mlle A ;

2° ) d'annuler cette décision ;

3°) de met...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 août 2009, présentée pour la société VILLAR NETTOYAGE, dont le siège social est 76 rue de la plaine des Bouchers à Strasbourg (67100), par la SCP d'avocats Wachsmann et associés ;

La société VILLAR NETTOYAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604672 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 août 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a infirmé l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 3 mai 2006 concernant Mlle A ;

2° ) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société VILLAR NETTOYAGE soutient que :

- la décision a été rendue au terme d'une procédure irrégulière ; les conditions de la mise en oeuvre de la procédure d'enquête de l'inspecteur du travail sont incompatibles avec les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et subsidiairement avec celles de son article 13 ; l'absence de règles fixées pour la conduite de l'enquête par l'inspecteur du travail ne permet pas de garantir le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

- il relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale de constater la réalité d'agissements constitutifs d'un harcèlement sur le lieu de travail et qu'ils seraient la cause de son inaptitude ; l'inspecteur a cependant estimé qu'il existait une situation de harcèlement moral susceptible de caractériser une incapacité d'ordre moral au travail ;

- l'inspecteur du travail a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de l'inaptitude de l'intéressée ;

- il a commis une erreur de droit ; il aurait dû constater l'inaptitude au regard des troubles psychologiques de la salariée, qui devait se substituer au motif retenu par le médecin du travail, comme l'article L. 241-10-1 du code du travail l'y autorise ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2009, présenté pour Mlle A par Me Dörr ; elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société VILLAR NETTOYAGE d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- elle n'a jamais souhaité qu'un avis d'inaptitude soit pris à son encontre ;

- l'inspecteur du travail a pris toutes les dispositions requises avant de prendre sa décision ; il l'a rencontrée, a eu un entretien avec le médecin du travail et a visité la société Muller, repreneur de la société requérante ;

- la décision litigieuse va dans le sens de l'avis du médecin conseil de la CPAM, qui avait conclu qu'elle était apte à reprendre son travail ;

- l'inspecteur du travail a suivi l'avis du médecin inspecteur régional du travail selon lequel la souffrance au travail ne peut pas se traduire par le constat de son inaptitude à son poste de travail ;

- la société requérante ne peut utilement faire valoir le principe du contradictoire s'agissant de l'appréciation médicale de son aptitude au travail, qui relève des seules instances médicales et qui est couverte par le secret médical ;

- la société VILLAR NETTOYAGE a pu faire valoir ses droits dans le cadre de l'enquête menée par l'inspecteur du travail, qui a rencontré son responsable et la secrétaire de direction ;

- le respect de la procédure de licenciement est une question étrangère au présent litige ;

- le médecin inspecteur a pratiqué un examen clinique et a examiné son dossier médical ; il a estimé qu'elle était apte à son poste de travail ;

- l'existence d'une situation conflictuelle n'est pas de nature à caractériser une inaptitude médicale au travail ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; le ministre s'en remet à la sagesse de la Cour ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 1er juillet à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Lechevallier, pour la SCP Wachsmann et associés, avocat de la société VILLAR NETTOYAGE ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 alors applicable, devenu l'article L. 4624-1 du code du travail : Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail. ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article R.241-51-1 du code du travail : Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé, ou celle des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail dans l'entreprise qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise, et de deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant des examens complémentaires mentionnés à l'article R.251-52 ;

Considérant que, dans un premier avis, en date du 19 avril 2006, rendu dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a reconnu Mlle A, agent de service de la société VILLAR NETTOYAGE, inapte à tous les postes de cette entreprise au terme de l'arrêt de travail du 1er décembre 2005 au 14 avril 2006 qui lui avait été accordé ; que, dans un second avis, en date du 3 mai 2006, ledit médecin l'a déclarée inapte à tous les postes avec charge, aux tâches comportant le nettoyage d'escaliers ou avec des horaires fractionnés ; qu'après avoir consulté le médecin du travail et examiné les possibilités de reclassement, la société VILLAR NETTOYAGE a licencié Mlle A pour inaptitude physique le 7 juin 2006 ; que celle-ci ayant toutefois contesté ce dernier avis devant l'inspecteur du travail du Bas-Rhin dès le 1er juin 2006, celui-ci a, par décision du 3 août 2006, infirmé l'avis d'inaptitude au motif que cet avis avait été rendu sans disposer d'éléments matériels suffisants sur l'état de santé de Mlle A ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant que ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent à l'inspecteur du travail de mettre en oeuvre une procédure contradictoire lorsqu'il est saisi, par l'employeur ou par le salarié, du recours prévu par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 241-10-1 du code du travail ; que, par suite, la société VILLAR NETTOYAGE n'est pas fondée pour ce motif à soutenir que la décision attaquée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a rencontré le principal responsable de la société requérante et la secrétaire de direction de cette entreprise avant de rendre sa décision ; que si la requérante ajoute qu'en tant qu'elles ne prévoient pas l'organisation d'une procédure contradictoire vis-à-vis de l'entreprise lorsque la saisine de l'inspecteur du travail émane du salarié déclaré inapte, les dispositions précitées méconnaitraient les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, subsidiairement, celles de l'article 13 de la même convention concernant le droit à un recours effectif, la procédure suivie par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'examen d'une contestation d'un avis du médecin du travail ne revêt pas un caractère juridictionnel ; que, par suite, ledit moyen ne saurait utilement être invoqué ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que si l'inspecteur du travail a cru devoir préciser dans les motifs de la décision que Mlle A s'était trouvée dans une situation conflictuelle avec son employeur et rappeler que ce contexte avait pu exercer une influence sur l'avis du médecin du travail, sa décision repose sur le seul motif que cet avis a été rendu sans éléments matériels suffisants relatifs à l'aptitude physique de l'intéressée à son poste de travail ; que, ce faisant, l'inspecteur du travail n'a pas entendu affirmer ou dénier l'existence d'un quelconque harcèlement moral qui aurait été invoqué par la salariée ; que, par suite, la société requérante ne saurait utilement faire valoir que le constat d'une situation de harcèlement moral relevait de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale, et que la décision de l'inspecteur du travail ne se serait pas limitée à l'infirmation de l'avis du médecin du travail ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision litigieuse vise l'avis du médecin inspecteur régional du travail, que l'inspecteur du travail est tenu de consulter en vertu des dispositions précitées ; que, par avis du 3 août 2006, le médecin inspecteur a estimé que, ni les déclarations de la salariée, ni son examen clinique, ni le contenu de son dossier médical ne permettaient de conclure à son inaptitude médicale ; qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le souligne Mlle A, le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a émis le même avis, incitant en cela l'intéressée à reprendre son activité professionnelle tout en se soumettant, comme la loi le prescrit, à la visite de reprise auprès du médecin du travail ; qu'eu égard à ce qui précède, la société requérante ne saurait être regardée comme contestant sérieusement la décision attaquée en se bornant à affirmer que celle-ci serait entachée d'erreur manifeste dans la mesure où l'inaptitude médicale de l'intéressée serait avérée de l'avis du corps médical ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société VILLAR NETTOYAGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du Bas-Rhin du 3 août 2006 infirmant l'avis du médecin du travail du 3 mai 2006 ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société VILLAR NETTOYAGE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mlle A présentées sur le même fondement et de mettre à la charge de la SOCIETE VILLAR NETTOYAGE une somme de 1.500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société VILLAR NETTOYAGE est rejetée.

Article 2 : La société VILLAR NETTOYAGE versera une somme de 1 500 euros à Mlle A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VILLAR NETTOYAGE, au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à Mlle Ratiba A.

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09NC01286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01286
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP WACHSMANN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-09-23;09nc01286 ?
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