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05/08/2010 | FRANCE | N°09NC01275

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 05 août 2010, 09NC01275


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 août 2009, présentée pour Mme Corinne B, demeurant ..., par Me Cotillot ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602336 en date du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de M. Philippe C, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne en date du 6 octobre 2006 autorisant Mme B à exploiter 25 ha 17 a de terres situées à Arbot, Langres et Jorquenay, en tant qu'il porte sur les 15 ha et 79 a exploités par M. C ;

2°) de rejeter la demande présent

e par M. C devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3) de me...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 août 2009, présentée pour Mme Corinne B, demeurant ..., par Me Cotillot ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602336 en date du 25 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de M. Philippe C, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne en date du 6 octobre 2006 autorisant Mme B à exploiter 25 ha 17 a de terres situées à Arbot, Langres et Jorquenay, en tant qu'il porte sur les 15 ha et 79 a exploités par M. C ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3) de mettre à la charge de M. C une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. C n'étant pas le preneur en place, qui est la SCEA de Courbevoie, ne disposait pas de la qualité lui donnant un intérêt pour agir ;

- la demande était tardive, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 6 octobre 2006 a été communiqué à l'intéressé dans le cadre de la procédure devant le Tribunal paritaire des baux ruraux le 26 octobre 2006 ; cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs du 16 octobre 2006 ; dès lors qu'il est un tiers et non un demandeur concurrent à qui la décision doit être notifiée, c'est à compter de cette publication que les délais de recours ont commencé à courir ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le motif déterminant de la décision du préfet a bien été l'absence de remise en cause de l'équilibre de l'exploitation du preneur en place ; le préfet n'a d'ailleurs mentionné le caractère familial des biens qu'au titre de la situation personnelle et professionnelle du demandeur, sans en faire un critère déterminant, ne s'étant fondé que sur la situation économique comparée du demandeur et du preneur en place ; la commission a d'ailleurs analysé la nature des emplois créés, le coefficient structurel des exploitations et l'ensemble des critères et ordre des priorités du schéma départemental ; la décision est donc légalement motivée :

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2010, présenté pour M. Philippe C, demeurant ..., par Me Michel, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il dispose, en sa qualité de gérant de la SCEA de Courbevoie, preneur en place, d'une qualité lui donnant un intérêt pour agir ;

- la demande n'était pas tardive dès lors que l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 6 octobre 2006 ne lui a jamais été notifié en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 331-6 du code rural ;

- l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 6 octobre 2006 est insuffisamment motivé, ne précisant pas en quoi les situations respectives du demandeur et du preneur en place justifiaient, au regard des critères posés par l'article L. 331-3 du code rural et ceux du schéma départemental, qu'il soit fait droit à la demande ; par ailleurs l'arrêté de réfère aux biens familiaux de Mme B, ce qui ne constitue pas un motif légal d'autorisation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2010, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de Mme B ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qui a été soutenu en première instance, la commission départementale d'orientation de l'agriculture était régulièrement composée et son avis suffisamment motivé ; de même la notification de la décision est sans incidence sur la légalité ;

- le préfet n'avait pas à motiver sa décision par comparaison entre la situation du demandeur et celle du preneur en place, qui n'est pas assimilé à un autre candidat ; au demeurant, il n'avait pas à se prononcer sur chacun des critères légaux applicables et a suffisamment motivé sa décision par référence à l'avis motivé de la commission d'orientation dont il s'est approprié les termes ;

- c'est bien le motif tiré de l'absence de remise en cause de l'équilibre économique de l'exploitation du preneur en place qui a été déterminant dans l'appréciation du préfet et ce motif justifie à lui seul la légalité de la décision attaquée ; en l'absence de demande concurrente et d'application des priorités, la demande de Mme B répondait à la deuxième orientation du schéma directeur et pouvait être acceptée ; la mention relative à la nature de bien familiaux était donc superfétatoire et le préfet aurait pris la même décision s'il ne l'avait pas considérée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 25 mars 2010 ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2010 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur : L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire. ;

Considérant que pour accorder à Mme B l'autorisation sollicitée, par son arrêté attaqué en date du 6 octobre 2006, le préfet de la Haute-Marne, s'appropriant les termes de l'avis émis par la commission départementale d'orientation de l'agriculture le 20 septembre 2006, a pris en considération le fait que le Gaec du Champ Corot, au sein duquel Mme B est associée et exploitante, avait déjà été autorisé à exploiter les 25 ha 17 de terres litigieux par un précédent arrêté en date du 6 février 2006, et que sa nouvelle demande était seulement motivée par les nécessités d'un contentieux devant le Tribunal paritaire des baux ruraux ; que le préfet a également, comme lors de l'autorisation précédemment délivrée au Gaec, relevé que les terres faisant l'objet de la demande sont des biens familiaux et précisé que la reprise de celles-ci ne remettrait pas en cause l'équilibre de l'exploitation des preneurs en place ; que ce faisant, nonobstant la circonstance que la situation de propriété des terres ne constitue pas un critère légal de délivrance de l'autorisation, l'arrêté querellé étant principalement motivé par les conséquences économiques de la reprise, le préfet de la Haute-Marne, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ; qu'il en résulte que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour prononcer l'annulation de l'arrêté susvisé en date du 6 octobre 2006 du préfet de la Haute-Marne ;

Considérant toutefois qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C devant le tribunal administratif et la Cour de céans ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture était irrégulière est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens tirés de ce que tant l'avis émis le 20 septembre 2006 par la commission départementale d'orientation de l'agriculture que l'arrêté attaqué susvisé du 6 octobre 2006 du préfet de la Haute-Marne seraient entachés d'insuffisance de motivation ou d'illégalité des motifs doivent être écartés comme manquant respectivement en fait et en droit ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que l'arrêté attaqué susvisé du 6 octobre 2006 du préfet de la Haute-Marne n'ait pas été notifié à M. A est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 25 juin 2009, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de M. Philippe C, l'arrêté du préfet de la Haute-Marne en date du 6 octobre 2006 en tant qu'il porte sur les 15 ha 79 a exploités par M. C ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que M. C demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. C une somme de 1 000 euros à verser à Mme B au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 juin 2009 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande de M. C présentée devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2006 du préfet de la Haute-Marne est rejetée.

Article 3 : M. C versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. C prises sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Corinne B, à M. Philippe C et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

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N° 09NC01275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01275
Date de la décision : 05/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP COTILLOT LALLOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-08-05;09nc01275 ?
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