Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2009, présentée pour
M. Nour-ed-Dine A, demeurant ... par Me Xavier-Philippe Gruwez, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902214 du 8 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
24 avril 2009 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un visa long séjour ou une carte de séjour mention vie privée vie familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'obligation de visa long séjour de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au soutien d'une demande de titre de séjour temporaire pour le conjoint d'un ressortissant français est contraire à l'article 3 de la directive communautaire du 29 avril 2004 ;
- le préfet ne pouvait opposer au requérant le défaut de production d'un visa long séjour sans vérifier si les époux justifiaient d'une durée de leur vie commune supérieure à
6 mois ; qu'en tout état de cause, cette durée s'apprécie quelque soit la date du mariage ; qu'ainsi sa décision est privée de base légale ;
- le refus de délivrance d'une carte de séjour vie privée vie familiale porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale en France dès lors qu'il justifie d'une intensité et d'une ancienneté de sa vie commune en France et qu'il lui est impossible de poursuivre sa vie maritale dans son pays d'origine ;
- dès lors que le requérant remplit les conditions de l'article L. 313-11, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'éloignement doit être annulée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale en France ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 septembre 2009, présenté par le préfet de la Moselle qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2010 :
- le rapport de Mme Richer, président,
- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A de nationalité marocaine a épousé en France, le 16 août 2008, Mme Oukadir, de nationalité française ; qu'il a déposé, le 6 avril 2009, à la préfecture de la Moselle une demande de carte de séjour temporaire vie privée vie familiale au titre de conjoint de français ; que cette carte lui a été refusé par une décision du préfet du 24 avril 2009, assortie d'une obligation de quitter le territoire au motif que l'intéressé n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ; que par jugement du 8 juillet 2009 le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours formé par M. A contre cette décision ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 4° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'aux termes des quatrième et sixième alinéas l'article L. 211-2-1 du même code : Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ;
Considérant que si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire vie privée vie familiale au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d' être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction ; qu'ainsi en déposant, sur ce fondement, sa demande de carte de séjour à la préfecture de la Moselle le 6 avril 2009, M. A, marié depuis le 16 août 2008 avec Mlle Oukadir, ressortissante française, entendait implicitement déposer une demande de visa de long séjour au soutien de sa demande ; qu'en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité au motif que l'intéressé n'avait pas produit le visa de long séjour auquel il était soumis au regard de sa nationalité sans procéder à l'instruction d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conjointement à la demande de titre de séjour, le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, M. A est fondée à en demander l'annulation pour ce motif ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant que l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision, dont elle était assortie, faisant obligation à M. A de quitter le territoire français ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, et qu'il y a lieu de faire droit à cette demande et d'annuler l'arrêté préfectoral susvisé ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou qu'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que l'article L. 911-2 du même code dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant qu'au regard des motifs d'annulation retenus, le présent arrêt, n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , comme il le demande à titre principal ; que, cependant, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique, eu égard au motif d'annulation retenu, que soit délivrée à
M. A une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet de la Moselle ait à nouveau statué sur sa demande de visa de long séjour et son droit au séjour et ce, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 0902214 en date du 8 juillet 2009 et l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 24 avril 2009 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation administrative de l'intéressé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nour-ed-Dine A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Metz.
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