Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 28 juillet 2009 et complété par mémoire enregistré le 15 février 2010, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802660 du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé sa décision du 2 octobre 2008 révoquant M. A de ses fonctions ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Il soutient que:
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que certains membres du conseil de discipline avaient manqué à leur devoir d'impartialité ;
- il conviendra, par effet dévolutif de l'appel, d'écarter les autres moyens présentés par M. A, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision, des vices de procédure allégués, de la méconnaissance des droits de la défense devant le conseil de discipline, de la circonstance que les délibérations et avis du conseil de discipline auraient été rendus publics avant que ne soit prise la décision contestée, de l'absence d'indication des voies de recours, de l'inexactitude matérielle des faits litigieux et de l'erreur manifeste dans le choix de la sanction ;
- les agents de l'administration pénitentiaire sont soumis à des obligations particulières compte tenu de la nature de leurs fonctions ;
- les faits pour lesquels le requérant a été condamné entachent l'honorabilité et la dignité de la fonction de surveillant des services pénitentiaires, jetant ainsi le discrédit sur l'administration pénitentiaire ;
- rien ne lui interdisait d'attendre qu'une suite pénale soit donnée aux faits reprochés, d'autant que les faits constatés par le juge pénal lient l'administration ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2010, présenté pour M. A par Me Cotillot ; M. A conclut au rejet du recours du ministre et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il n'est pas établi que le directeur de l'administration pénitentiaire signataire de la décision ait obtenu délégation à cet effet ;
- la décision est irrégulière en tant qu'elle n'indique pas la juridiction compétente à saisir en cas de recours ;
- la procédure disciplinaire est irrégulière en tant qu'il lui a été refusé de produire un document écrit et que la quasi-totalité de l'entretien a eu trait à l'article de journal relatant les faits ;
- la composition du conseil de discipline est irrégulière dès lors que deux de ses membres étaient déjà intervenus dans l'affaire en y prenant partie ;
- le secret du délibéré n'a pas été préservé dès lors que les délibérations et l'avis émis par le conseil de discipline ont été divulgués avant même que le ministre ne prenne sa décision ;
- c'est à juste titre que le tribunal a estimé que le président et les membres du conseil de discipline avaient fait preuve de partialité ;
- le réel motif de l'avis du conseil de discipline et de la sanction est la parution d'un article de journal relatant le compte rendu de l'audience du tribunal correctionnel ;
- la sanction prise à son égard est injustifiée dès lors qu'il s'agit de faits touchant à sa vie privée et connus de l'administration avant qu'elle ne procède à sa titularisation ;
- il n'est pas établi que les faits et la publicité qui leur a été donnée aient eu une incidence sur sa manière d'exercer ses fonctions, et ce bien au contraire, dès lors qu'il a été bien noté et n'a fait l'objet d'aucune suspension ;
- que la décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée par rapport aux faits ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatifs aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Sur le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE :
En ce qui concerne le moyen tiré du manquement des membres du conseil de discipline à leur devoir d'impartialité :
Considérant qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline, réuni le 18 septembre 2008 afin de donner son avis sur les faits reprochés à M. A, surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, qu'un représentant du personnel a exprimé son indignation en constatant que M. A prétendait être victime d'une machination, après que ce dernier a nié la réalité des griefs portés contre lui, établis par le Tribunal de grande instance de Chaumont, dont le jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Dijon, en soutenant que ces accusations ne sont que le fruit de l'interprétation de la gendarmerie et du juge ; que le président du conseil de discipline, après avoir répété qu'il n'y avait pas lieu selon lui de discuter les faits, établis par la justice, a précisé dans ce contexte que la condamnation par le juge pénal était entrée en force de chose jugée et que les faits ... sont incontestablement dégradants ; qu'après que M. A se soit déclaré conscient que l'image de son administration avait été ternie par les accusations relevées à son encontre par le juge pénal, l'un des représentants du personnel, lui faisant remarquer que l'article de presse relatant cette condamnation le dénommait Monsieur B , alors que quatre de ses collègues portaient la même initiale, lui a fait observer qu'il avait gravement porté à l'atteinte de l'institution mais, en plus, porté la suspicion sur ses collègues de travail ;
Considérant que, dans le contexte susrappelé dans lequel ils ont été tenus, les seuls propos précités émanant du président et de deux des représentants du personnel au conseil de discipline ne sauraient être regardés comme manifestant une animosité personnelle à l'égard de M. A ou faisant preuve de partialité ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 2 octobre 2008 par laquelle le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, l'a révoqué de ses fonctions comme prise selon une procédure irrégulière, le tribunal administratif a estimé que certains membres du conseil de discipline, dont son président, avaient manqué à leur devoir d'impartialité ;
Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et devant la Cour ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que, par décret du 9 décembre 2005, publié au Journal officiel de la République française, M. Claude d'Harcourt, préfet, a été nommé directeur de l'administration pénitentiaire à compter du 6 janvier 2006 ; qu'en cette qualité, ce dernier a compétence pour signer, au nom du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité, en application de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétence à cet effet doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions des articles 3 et 5 du décret susvisé du 25 octobre 1984, M. A a été invité à présenter devant le conseil de discipline des observations écrites et orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que le président du conseil de discipline aurait refusé de prendre connaissance d'un document écrit préparé par ses soins, ni que l'intéressé, dont de nombreux propos sont mentionnés dans le procès verbal, aurait été mis dans l'incapacité de s'exprimer au cours de son audition devant le conseil de discipline, laquelle n'a par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, pas porté exclusivement sur l'article de presse relatant les faits ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure menée devant le conseil de discipline doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que deux des représentants du personnel siégeant au conseil de discipline aient été, pour l'un membre du personnel de la centrale de Clairvaux où M. A était affecté et, pour l'autre, membre du personnel de la maison d'arrêt de Chaumont, ville siège du tribunal ayant condamné pénalement M. A pour les faits en cause, n'est pas de nature, en l'absence de tout élément tendant à faire apparaître qu'ils auraient manqué à leur devoir d'impartialité, à entacher d'irrégularité l'avis du conseil de discipline ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait pris l'initiative de rendre publique de quelque manière que ce soit la sanction de révocation de M. A avant qu'elle ne soit prise le 2 octobre 2008 et lui soit notifiée ; qu'ainsi, la circonstance que certains de ces collègues aient évoqué la prise de cette décision dès le 20 septembre 2008, soit le surlendemain de la réunion du conseil de discipline, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la décision attaquée ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la lettre de notification à M. A de la décision litigieuse ne comporterait pas l'indication de la juridiction auprès de laquelle il pourrait exercer son droit de recours est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de ladite décision ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que, par arrêt du 27 janvier 2006 de la Cour d'appel de Dijon, M. A a été reconnu coupable de sévices de nature sexuelle envers un animal domestique apprivoisé ou captif ; que l'autorité absolue de chose jugée étant attachée aux constatations de fait effectuées par le jugement et qui sont le support nécessaire de sa décision, les faits reprochés à l'intéressé doivent être tenus pour établis ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'il est constant que les faits se sont déroulés en dehors du service de M. A, les proches de ce dernier ont diffusé une photographie qui, en admettant même que l'intéressé ne soit pas à l'origine de cette initiative, a été communiquée à la presse locale, qui a publié un article sur l'affaire ; qu'alors même qu'ils ont été commis en dehors du service, les faits précités ont porté gravement atteinte à l'honneur du corps auquel il appartient, lequel est chargé de veiller à la sécurité et au bon ordre au sein des établissements pénitentiaires ; qu'ainsi, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, a pu, dans les circonstances de l'espèce et quelles que soient les qualités professionnelles par ailleurs reconnues à M. A, sanctionner les faits dont s'agit par la révocation de l'intéressé sans entacher sa décision de disproportion manifeste par rapport à leur gravité ; que s'il ressort des pièces du dossier que les faits ont été portés à la connaissance de l'administration pénitentiaire avant que l'intéressé ne soit titularisé, le ministre a par ailleurs pu légalement ne prononcer la sanction litigieuse qu'après que les faits ont été pénalement sanctionnés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision de révocation prise à l'encontre de M. A ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 11 juin 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES, et à M. Gérard A.
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N° 09NC01139