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21/06/2010 | FRANCE | N°09NC00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2010, 09NC00253


Vu la requête enregistrée le 20 février 2009 complétée par mémoire en date du

8 février 2010 présentée pour la VILLE DE METZ représentée par son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, BP 21025, à Metz Cedex 01 (57036) par Me HUGLO, avocat ; la VILLE DE METZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602092 du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2007 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la société Solvay Carbonate Fra

nce à réaliser et exploiter à Rosières-aux-Salines (Meurthe-et-Moselle) un bassin de déc...

Vu la requête enregistrée le 20 février 2009 complétée par mémoire en date du

8 février 2010 présentée pour la VILLE DE METZ représentée par son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, BP 21025, à Metz Cedex 01 (57036) par Me HUGLO, avocat ; la VILLE DE METZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602092 du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2007 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la société Solvay Carbonate France à réaliser et exploiter à Rosières-aux-Salines (Meurthe-et-Moselle) un bassin de décantation et de rejets salins incluant une décharge de déchets industriels ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle d'ordonner à la société de reprendre les déchets stockés, le cas échéant, dans le bassin de décantation ;

Elle soutient que :

1°) sur la régularité du jugement, d'une part, deux mémoires en date des 30 novembre 2007 et 6 novembre 2008 ne lui ont pas été communiqués et n'ont pu être contradictoirement débattus ; d'autre part, le Tribunal n'avait pas à notifier le jugement à l'expert désigné dans le cadre d'une procédure de référé-expertise ;

2°) sur le bien fondé du jugement, c'est à tort que le Tribunal a déclaré la demande irrecevable; ce faisant, il a méconnu l'article L. 514-6 2° du code de l'environnement qui prévoit notamment que les tiers et communes intéressées peuvent déférer à la juridiction administrative les décisions en raison des inconvénients ou des dangers que l'installation autorisée présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 dudit code; si l'expert a estimé qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que la présence de chlorure serait susceptible d'avoir un effet nuisible sur l'eau potable de la ville de Metz en cas de diffusion accidentelle, si ce n'est d'un point de vue organoleptique à savoir un goût salé de l'eau, ce risque présente la qualité d'un inconvénient qui rend le recours de la ville de Metz recevable ; c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2002 autorisant le bassin de décantation de rejets salins incluant une décharge de déchets industriels ne concerne pas les rejets de la société vers le milieu naturel ; il y a une connexité avec les autres installations de la société ce qui aurait dû avoir pour effet d'imposer au demandeur dans la préparation de son dossier, de tenir compte de l'ensemble des installations connexes tant en raison de règles internes, l'article R. 512-6-II du code de l'environnement que des règles du droit communautaire, la directive 2008/1/CE remplaçant la directive n°96/61/CE ;la décision d'irrecevabilité s'apparente donc à un déni d'accès à la justice ce qui méconnaît les directives susmentionnées notamment leur article 15 bis devenu 16 ; la seule distance de soixante kilomètres séparant la ville de Metz du bassin de décantation ne suffit pas à rendre la requête irrecevable ;

3°) au fond :

- le périmètre de l'enquête est irrégulier ;

- l'étude d'impact est inexacte sur les raisons pour lesquelles le projet a été retenu et sur la nature des déchets stockés dans le projet de bassin ;

- le dossier de demande d'autorisation est incomplet au regard de l'article L. 541-27 du code de l'environnement ;

- la décision est incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse ;

- la décision est illégale au regard de l'arrêté ministériel du 10 juillet 1990 relatif à l'interdiction des rejets de certaines substances dans les eaux souterraines ;

- le droit commun des décharges a été méconnu et notamment, par la voie de l'exception, la directive 1999/31/CE du 26 avril 1999, que la réglementation française n'a pas transposée de manière satisfaisante ;

- le bassin de décantation est incompatible avec le plan régional d'élimination des déchets industriels de Lorraine et méconnaît l'article 2 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires enregistrés les 22 janvier 2009 et 21 mai 2010 présentés pour la société Solvay Carbonate France, dont le siège social se trouve 12 cours Albert 1er 75383 Paris Cedex 08 représentée par son président, par Me Roger, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation qui conclut au rejet de la requête, à ce que la ville de Metz lui verse la somme de 5000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la ville de Metz ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- elle n'est pas une commune intéressée au sens de l'article L. 514-6 du code de l'environnement ;

- elle ne subit aucun désagrément résultant du fonctionnement du bassin de décantation en cause susceptible de porter atteinte à la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique dans la mesure où aucun rejet de chlorure n'est déversé dans la Meurthe depuis le bassin ;

Vu le mémoire enregistré le 5 février 2010 présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer qui conclut au rejet de la requête qui est irrecevable comme l'a déclaré le Tribunal, et infondée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance du président de la 4e chambre du 14 janvier 2010 clôturant l'instruction à la date du 5 février 2010 et l'ordonnance du 18 février 2010 rouvrant l'instruction ;

Vu la directive 96/61/CE du conseil du 24 septembre 1996 modifiée ;

Vu le code de l'environnement

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2010 :

- le rapport de M. Wiernasz, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public,

- et les observations de Me Huglo, avocat de la VILLE DE METZ ainsi que celles de Me Roger, avocat de la société Solvay Carbonate France ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : ...Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ; qu'il résulte de l'instruction que les mémoires en date des 30 novembre 2007 et 6 novembre 2008 produits par la préfecture de Meurthe-et-Moselle, dont la VILLE DE METZ n'a pas eu connaissance lors de l'instance engagée devant le tribunal administratif de Nancy, n'apportaient aucun élément nouveau; qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire en omettant de les lui communiquer;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que la copie du jugement en cause ait été communiquée à une personne intéressée n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'entacher ledit jugement d'irrégularité ;

Sur le bien fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 15 bis de la directive n° 96-61/CE du 24 septembre 1996 du Conseil devenu l'article 16 de la directive n°2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 : Les Etats membres veillent , conformément à leur législation nationale pertinente, à ce que les membres du public concerné : a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon, b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque les dispositions de procédures administrative d'un Etat membre imposent une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public... / les Etats membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l'objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice... ; qu'aux termes de l'article L. 514-6 alors applicable du code de l'environnement : I. - Les décisions prises en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 513-1 à L. 514-2, L. 514-4, L. 515-13-I et L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative: 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes, ce délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en activité de l'installation... ; que les dangers ou inconvénients définis par l'article L. 511-1 dudit code sont relatifs, notamment, à la commodité du voisinage, à la santé, la sécurité et la salubrité publiques, à l'agriculture, à la protection de la nature et de l'environnement ;

Considérant que par l'arrêté attaqué du 17 décembre 2002 , le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la société Solvay Carbonate France, pour l'activité de son usine de Dombasle-sur-Meurthe, à réaliser et exploiter un bassin de décantation de rejets salins, appelé digue D, situé au lieu-dit Embanie territoire de la commune de Rosières aux Salines , dans le lit de la Meurthe; que la VILLE DE METZ soutient que ce bassin de décantation devrait entraîner des inconvénients ou dangers au sens du 2° de l'article L. 514-6 précité du code de l'environnement sur la qualité des eaux alluviales de la Moselle qu'elle prélève, à une soixantaine de kilomètres en aval, et qu'elle doit dessaler pour la rendre propre à la consommation notamment des populations les plus sensibles ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'autorisation en cause, seule à prendre en compte pour apprécier l'intérêt à agir de tiers, sans que puisse être utilement invoqué la connexité éventuelle avec d'autres autorisations, n'a eu pour effet ni de prolonger dans le temps l'activité de la société Solvay Carbonate France, ni de modifier ses conditions d'exploitation qui ont fait l'objet d'autorisations antérieures, ni surtout, d'autoriser quelque rejet direct ou indirect supplémentaire dans la Meurthe qui pourraient avoir des effets en aval dans la Moselle, rivière dont elle est un affluent ; que plus particulièrement, les qualités d'étanchéité du nouveau bassin de décantation, opération de filtrage préalable au passage en bassin de modulation, sont largement supérieures à celles des bassins précédemment autorisés et notamment de celui de la digue B destiné à être remplacé par le bassin en cause; que, par ailleurs, selon les résultats de l'expertise ordonnée le 25 février 2002 par le Tribunal administratif de Nancy en vue de déterminer la nature exacte de la pollution découlant des rejets autorisés effectués dans la Meurthe, notamment par la société Solvay Carbonate France, une éventuelle pollution accidentelle par les chlorures n'est pas susceptible d'avoir des effets nuisibles sur les captages d'eau potable de la VILLE DE METZ; qu'ainsi, cette dernière, qui ne justifie pas de dangers ou inconvénients en rapport avec les intérêts protégés par l'article

L. 511-1 du code de l'environnement, ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 décembre 2002, et n'est pas une commune intéressée au sens du 2° de l'article L. 514-6 précité du code de l'environnement ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Nancy aurait commis une erreur en déclarant sa demande irrecevable , et méconnu par son jugement l'objectif fixé par l'article 15 bis de la directive du 24 septembre 1996du Conseil modifié constituant un déni de justice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE METZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête ;

Sur l'application de l'article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative:

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la VILLE DE METZ ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la VILLE DE METZ la somme de 5 000 euros que la société Solvay Carbonate France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête susvisée de la VILLE DE METZ est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Solvay Carbonate France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE METZ, au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et à la société Solvay Carbonate France.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00253
Date de la décision : 21/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Michel WIERNASZ
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP ROGER ET SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-21;09nc00253 ?
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