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31/05/2010 | FRANCE | N°08NC00696

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 31 mai 2010, 08NC00696


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mai 2008, présentée pour la SOCIETE LOTRAPES, agissant par son représentant légal, dont le siège est Rue Henry de Bonnegarde à Maizières-lès-Metz (57280), par Me Moitry avocat ; la SOCIETE LOTRAPES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600056 en date du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 272 869,35 euros en réparation du préjudice résultant des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le sui

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mai 2008, présentée pour la SOCIETE LOTRAPES, agissant par son représentant légal, dont le siège est Rue Henry de Bonnegarde à Maizières-lès-Metz (57280), par Me Moitry avocat ; la SOCIETE LOTRAPES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600056 en date du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 272 869,35 euros en réparation du préjudice résultant des frais qu'elle a engagés pour la préparation et le suivi du dossier d'extension de la décharge de Revigny-sur-Ornain et une somme de 727 654 euros en réparation du préjudice correspondant aux pertes d'exploitation qu'elle a supportées pour la période du 30 mars 2003 au 13 septembre 2004 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 272 869,35 euros en réparation du préjudice résultant des frais engagés pour la préparation et le suivi du dossier d'extension de la décharge de Revigny-sur-Ornain et une somme de 528 767 euros en réparation du préjudice de perte d'exploitation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le délai d'instruction de sa demande d'extension de la décharge de Revigny-sur-Ornain, de 27 mois, est excessif ; il découle des prescriptions des articles 5, 7 et 11 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié que la durée maximale de l'instruction de la demande était de 8 mois ; la désignation du commissaire-enquêteur a été tardive ; elle s'est efforcée, au prix d'un effort financier substantiel, de répartir sur les trois années 2002 à 2004 les 60 0000 tonnes de déchets pouvant encore être accueillies sur le site en 2001 ; elle n'a accepté de subir ces pertes qu'en contrepartie de l'extension promise ; si le dossier avait été instruit dans des délais normaux, elle aurait cessé l'exploitation dès juin ou juillet 2003 et a donc supporté 15 mois de frais fixes d'exploitation supplémentaires en raison de la carence de l'administration ; elle a continué l'exploitation du site primitif au delà du 30 juin 2002 au bénéfice d'un consensus politique et administratif, comme en témoigne l'arrêté de mise en demeure du 1er août 2003 qui lui impose seulement de nouvelles obligations de contrôle et de gestion, sans lui prescrire d'arrêter son activité ; l'Etat a ainsi violé le principe de confiance légitime ;

- la responsabilité sans faute de l'administration en cas d'abandon d'un projet est ici engagée ;

- l'arrêté du 13 septembre 2004 du préfet de la Meuse est illégal ; les motifs opposés par le préfet pour lui refuser l'autorisation sont spécieux, infondés et entachent sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; il a au demeurant, et de façon paradoxale compte tenu des griefs opposés, autorisé temporairement en 2004 l'exploitation d'un centre de transit sur le site de l'ancien centre d'enfouissement ;

- le motif tiré de ce qu'elle ne disposerait pas des moyens techniques suffisants lui permettant d'assurer l'exploitation d'un centre d'enfouissement dans le respect des dispositions du code de l'environnement est infondé, sinon elle n'aurait pas été autorisée à mener une telle exploitation pendant 14 ans ; les moyens techniques qu'elle aurait mis en oeuvre si l'extension avait été autorisée auraient nécessairement été renouvelés ; le préfet n'a pas pris en compte ses réponses aux reproches formulés lors de l'enquête ;

- le motif relatif au trafic de poids lourds est inopérant ; des solutions alternatives avaient été proposées pour surmonter les difficultés rencontrées ; l'arrêté d'interdiction de circuler du maire de Vassincourt était illégal ;

- les risques de nuisance allégués pour les usages des voies d'eau et vélo-route sont également inopérants en raison des mesures préventives prévues au projet et de l'autorisation accordée pour l'extension de la carrière voisine, couplée à une autorisation de défrichement ;

- aucune nuisance ne devrait être supportée par les populations ou activités environnantes compte tenu des investissements importants prévus pour minimiser le risque de troubles à l'ordre public ;

- le motif tiré de la présence d'un établissement sanitaire et social à proximité n'a pu être discuté et est dépourvu de tout fondement juridique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les délais d'instruction des demandes d'autorisation au titres des installations classées pour la protection de l'environnement ne sont donnés qu'à titre indicatif et sans incidence sur la légalité des décisions prises sur les demandes d'autorisation ; le dossier déposé le 26 juin 2002 était incomplet et la requérante n'a produit les documents nécessaires à son instruction qu'en août 2003 ;

- l'Etat n'a pas commis de faute en refusant l'autorisation sollicitée ; l'incapacité de la requérante à respecter la règlementation applicable suffisait à démontrer l'insuffisance de ses capacités techniques ; cette carence est illustrée par les rapports de l'inspecteur des installations classées des 28 février et 17 octobre 2006 et les comptes rendus des réunions de la commission locale d'information et de surveillance montrant le non-respect des prescriptions relatives à la remise en état du site ;

- subsidiairement, les préjudices invoqués ne sont pas justifiés ou sans liens avec le refus d'autorisation ;

- les frais de constitution du dossier de demande d'autorisation devaient être engagés quels que soient la durée de l'instruction du dossier et le sort réservé à la demande ;

- les pertes d'exploitation, d'un montant de 272 948 euros, qui auraient été enregistrées entre le 30 mars 2003, date à laquelle elle estime que le préfet de la Meuse aurait dû se prononcer sur sa demande et le 30 avril 2004, date de son bilan pour l'exercice du 1er mai 2003 au 30 avril 2004, ne sont liées à aucun comportement de l'administration ; le préfet de la Meuse n'a donné aucun accord tacite pour la poursuite de l'exploitation au delà de la date d'expiration de son autorisation initiale, ni aucun engagement en ce sens ; l'absence d'opposition à cette exploitation ne saurait valoir autorisation ; ces pertes d'exploitation sont donc seulement imputables aux décisions de gestion prises par l'entreprise ;

- les pertes d'exploitation, d'un montant de 255 828 euros, qui auraient été enregistrées entre le 30 avril 2004, date de son bilan pour l'exercice du 1er mai 2003 au 30 avril 2004, date du refus du préfet de la Meuse, ne sont liées à aucune décision de l'administration de l'autoriser à poursuivre l'exploitation ; elles sont également liées au seules décisions de gestion prises par l'entreprise et à sa situation irrégulière, imputable à elle seule ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 6 novembre 2009 à 16 heures ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi

n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2010 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public,

- et les observations de Me Vilette, avocat de la SOCIETE LOTRAPES ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE LOTRAPES, autorisée par arrêté du préfet de la Meuse en date du 23 juillet 1993 à exploiter, jusqu'au 31 juillet 2002, à Revigny-sur-Ornain au lieu-dit Trou des fourches , un centre d'enfouissement technique de classe II, n'établit pas que les services de l'Etat intimé, ni même d'ailleurs les collectivités locales concernées, l'auraient fautivement encouragée à poursuivre cette exploitation au delà de la date limite de cette autorisation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, d'écarter les conclusions indemnitaires fondées par la requérante sur l'illégalité fautive qui entacherait l'arrêté du 13 septembre 2004 du préfet de la Meuse ayant refusé de faire droit à sa demande d'autorisation d'extension de la décharge de Revigny-sur-Ornain ;

Considérant, en dernier lieu, que, d'une part, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la SOCIETE LOTRAPES ne démontre pas le lien de causalité entre la durée de l'instruction de son dossier et le préjudice de perte d'exploitation invoqué, résultant de ce qu'à compter du 1er juillet 2002 et jusqu'au 31 janvier 2004, elle a poursuivi de sa propre initiative et sans y être autorisée l'exploitation du centre d'enfouissement technique de Revigny-sur-Ornain ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le dossier de la demande d'autorisation déposé étant incomplet et la requérante n'ayant produit les documents nécessaires à son instruction qu'en août 2003, le préfet de la Meuse a, en application de l'article 5 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié susvisé, communiqué la demande au président du tribunal administratif pour désignation d'un commissaire enquêteur qu'après cette date et la commission d'enquête publique n'a été désignée que le 27 novembre 2003, sans que cet allongement des délais soit imputable aux services de l'Etat ; qu'enfin, il n'est pas utilement contesté que le préfet ne pouvait statuer utilement sur la demande dont il était saisi par la SOCIETE LOTRAPES, compte tenu des règles d'urbanisme applicables sur le territoire de la commune de Neuville-sur-Ornain, avant l'adoption de la carte communale de Neuville-sur-Ornain en février 2004, permettant, contrairement au plan d'occupation des sols antérieur, l'implantation d'une décharge ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le projet d'extension de la décharge ayant été initié et conduit par la SOCIETE LOTRAPES, ne peut donc être regardé comme ayant été abandonné, dans l'intérêt général, par l'Etat, dans des conditions susceptibles d'engager sa responsabilité sans faute ;

Considérant, par suite, que la SOCIETE LOTRAPES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE LOTRAPES demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE LOTRAPES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LOTRAPES et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

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N° 08NC00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00696
Date de la décision : 31/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP RICHARD et MERTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-05-31;08nc00696 ?
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