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20/05/2010 | FRANCE | N°09NC01803

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 20 mai 2010, 09NC01803


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2009, présentée pour Melle Faith A, demeurant ..., par Me Jeannot ;

Melle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900830 du 4 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 avril 2009 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer u

ne autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; ...

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2009, présentée pour Melle Faith A, demeurant ..., par Me Jeannot ;

Melle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900830 du 4 mai 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 avril 2009 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, son avocat s'engageant, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat ;

Elle soutient que :

- à défaut de production de la publication de l'arrêté de délégation de signature autorisant le sous-préfet de Toul à signer les arrêtés de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne donne pas les raisons utiles pour lesquelles il a été pris ;

- le jugement ne répond pas de manière satisfaisante au moyen tiré de la méconnaissance par les services de police de la procédure visée à l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui offre aux personnes interpellées pour cause de racolage sur la voie publique la possibilité de bénéficier d'une protection contre toute mesure d'éloignement dès lors qu' elles entendent porter plainte ou témoigner contre une personne accusée d'avoir commis à leur encontre des infractions pénalement sanctionnées ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine et que le préfet ne pouvait prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière sans saisir le médecin inspecteur de la santé ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que depuis le décès de l'ensemble de sa famille en Sierra-Léone, le centre de ses intérêts matériels et moraux est désormais en France ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure contestée sur sa situation personnelle ;

- en raison des risques de traitements inhumains qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine, la décision attaquée, en ce qu'elle fixe le pays de destination, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture d'instruction au 12 avril 2010 ;

Vu le mémoire en défense du préfet de Meurthe-et-Moselle enregistré au greffe de la Cour le 13 avril 2010, soit postérieurement à la date de la clôture d'instruction ;

Vu, en date du 5 novembre 2009, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant Melle A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code pénal ;

Les parties ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2010 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

-et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière:

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que Bernard Breyton, sous-préfet de Toul, disposait d'une délégation régulière du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 3 avril 2009 lui donnant compétence pour signer la décision contestée ; que cet arrêté de délégation de signature, qui a un caractère réglementaire, n'avait pas à être produit dès lors qu'il avait été régulièrement publié ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation:

Considérant que l'arrêté litigieux comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de Melle A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. (...) En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l' étranger ayant déposé plainte ou témoigné, qu'aux termes de l'article R. 316-1 du code précité : Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 (...) et qu'aux termes de l'article R. 316-2 du code précité : L'étranger à qui un service de police ou de gendarmerie fournit les informations mentionnées à l'article R. 316-1 et qui choisit de bénéficier du délai de réflexion de trente jours (...) se voit délivrer un récépissé de même durée par le préfet (...). Pendant le délai de réflexion, aucune mesure d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger en application de l'article L. 511-1, ni exécutée (...) ;

Considérant que Melle A, qui a été interpellée à Nancy le 30 avril 2009 pour cause de racolage sur la voie publique, a déclaré lors de son audition du même jour qu'elle ne donnait à personne l'argent gagné en se prostituant ; qu'ainsi le service de la police judiciaire ne disposait d'aucun élément de nature à lui permettre de conclure que l'intéressée puisse être victime de l'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues par les dispositions susvisées du code pénal ; que la seule circonstance que Melle A se livrait au racolage n'impliquait pas, par elle-même, que le service de police fasse application des dispositions précitées ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a donc pas méconnu ces dispositions en prenant le 30 avril 2009 une mesure de reconduite à la frontière à son encontre ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile :

Considérant que Melle A, qui fait valoir pour la première fois en appel, qu'elle doit suivre un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de retour dans son pays d'origine dépourvu des structures sanitaires et sociales adéquates, produit un certificat médical en date du 28 mai 2009 établi par un médecin agréé d'un cabinet de médecine générale de Nancy qui relève qu'elle se plaint régulièrement de céphalées depuis une fracture (...) survenue à l'occasion d'une agression (...) en août 2007 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce document, établi postérieurement à la date de la décision attaquée, n'était pas de nature à établir que l'intéressée présentait un état de santé susceptible de la faire entrer dans la catégorie des étrangers prévue à l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi l'autorité administrative n'était pas tenue de recueillir l'avis du médecin inspecteur de santé publique préalablement à la mesure d'éloignement ; que par suite le moyen tiré de ce que le médecin inspecteur de la santé publique aurait dû être saisi avant que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'ordonne sa reconduite à la frontière doit être écarté ;

Sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si Mlle A soutient que ses parents sont décédés à la suite de la guerre civile que son pays a connue de 1991 à 2002 et que ses seules attaches se trouvent désormais en France où elle séjourne depuis 2001, il ressort toutefois des pièces du dossier que Melle A est célibataire, sans enfant et qu'elle n'établit pas, par les pièces produites, la réalité de la durée de son séjour en France ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté pris à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les autres moyens :

Considérant que Melle A reprend en appel les moyens tirés de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter ces moyens qui ne comportent aucun élément de fait ou droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le Tribunal administratif de Nancy ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution particulière ; que les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat de Melle A, en application desdites dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Melle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Melle Faith A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 20 mai 2010.

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09NC01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09NC01803
Date de la décision : 20/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD Rapporteur
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-05-20;09nc01803 ?
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