Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 janvier 2009, présentée pour la SARL SCHIOCCHET, dont le siège social ..., par le cabinet Coudray; la SARL SCHIOCCHET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601575 en date du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 135 327,54 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa carence à faire respecter la réglementation des transports de voyageurs ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 610 124,96 euros, majorée des intérêts à compter du 19 septembre 2006 et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SARL SCHIOCCHET soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la carence de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ne précisant pas comment le ministre des transports s'était assuré du respect des modalités prévues par l'autorisation accordée par les autorités luxembourgeoises et l'objet du contrôle ;
- les juges se sont saisis de la question de la régularité de la procédure d'autorisation prévue par le règlement communautaire n° 684/92 du 16 mars 1992 alors que cette question ne leur était pas soumise ; qu'ils ont ainsi statué ultra petita ;
- les constats d'huissier ont établi que la société ne respectait pas le trajet, les horaires et les arrêts prévus par l'autorisation qui lui avait été délivrée ;
- l'Etat n'a pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements alors qu'il lui incombait d'en prendre afin de mettre fin à ces infractions répétées ;
- la carence de l'Etat est fautive ;
- la société requérante a toujours exploité cette ligne de transport de voyageurs ;
- la perte d'exploitation a été évaluée à 13 755 euros par mois, soit 508 935 euros au total ; le coût des constats d'huissiers s'élève à 11 189,96 euros ; l'exploitation irrégulière de la ligne pour laquelle elle détient une autorisation lui a causé un préjudice moral qui doit être chiffré à 150 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; le ministre conclut au rejet de la requête et soutient que :
- le jugement attaqué a répondu à toutes les conclusions de la société requérante et n'est entaché d'aucun défaut de motivation ;
- le tribunal ne s'est pas prononcé ultra petita sur la régularité de l'autorisation de la société , mais a seulement rappelé le fondement juridique sur lequel elle a été délivrée ;
- l'erreur de fait relative à l'absence d'exploitation de la ligne Beuvillers-Luxembourg ville par la SOCIETE SCHIOCCHET est sans incidence sur la solution du litige ;
- une série de contrôles a été effectuée sur les modalités d'activité de la société en 2006 et 2007 ;
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés ;
Vu le mémoire en réplique et les observations complémentaires, enregistrés respectivement les 24 et 25 février 2010, présentés pour la SARL SCHIOCCHET ; la société maintient l'ensemble de ses conclusions et fait valoir que :
- il appartenait au ministre de mettre en oeuvre les sanctions prévues par le règlement communautaire ;
- le constat erroné d'une absence d'exploitation de la ligne Beuvillers-Luxembourg Ville est important dans la mesure où il établit l'exploitation de cette ligne par la société ;
- la procédure de mise en oeuvre des sanctions prévues par le règlement communautaire est précisée à l'article 17 de la loi du 30 décembre 1982 ;
Vu l'ordonnance en date du 9 février 2010 par laquelle le président de la
3ème chambre a fixé la clôture d'instruction de la présente affaire au 26 février 2010 à
16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 684/92 du 16 mars 1992 modifié établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :
- le rapport de M. Brumeaux, président,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Vu, enregistrée le 23 mars 2010, la note en délibéré produite pour la SOCIETE SCHIOCCHET ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'au soutien de sa demande indemnitaire en première instance, la société requérante a invoqué le refus illégal du ministre des transports à assurer le respect de la réglementation par la société dans l'exploitation d'une ligne de transports de voyageurs par autocars entre la France et le Luxembourg ; que le jugement attaqué, qui se borne à énoncer qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre des transports s'est assuré, notamment en 2006 et en février 2007, du respect des modalités prévues par l'autorisation accordée par les autorités luxembourgeoises , ne comporte l'exposé des raisons pour lesquelles les premiers juges ont estimé qu'aucune carence fautive ne pouvait être reprochée à l'Etat ; qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que ce dernier est insuffisamment motivé et doit ainsi être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE SCHIOCCHET devant le tribunal administratif ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du règlement 684/92 du 16 mars 1992 susvisé : Les demandes d'autorisation des services réguliers sont introduites auprès de l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve le point de départ (....). On entend par point de départ l'un des terminus (.....) et qu'aux termes de l'article 7 du même règlement : L'autorisation est délivrée en accord avec les autorités de tous les Etats membres sur le territoire desquels des voyageurs sont pris en charge ou déposés (.....). L'autorisation est accordée à moins que... 4. d) Il soit établi que le service qui en fait l'objet compromettrait directement l'existence de services réguliers déjà autorisés .... ; qu'il résulte de ce qui précède qu'alors même que l'autorisation d'un service régulier de transports de voyageurs serait délivrée par un autre Etat membre en application des dispositions précitées, l'Etat français, dont l'accord est requis lorsque des voyageurs sont pris en charge sur son territoire, demeure tenu d'exercer ses pouvoirs de police afin de vérifier que le service ainsi autorisé respecte, sur son territoire, les termes de son autorisation, et notamment le parcours et les horaires qui ont pu lui être imposés ;
Considérant que la société SCHIOCCHET, titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service régulier international de transports de voyageurs sur la ligne Beuvillers-Luxembourg Ville, recherche la responsabilité de l'Etat pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire respecter la réglementation applicable pour l'exploitation du service régulier international de transports de voyageurs Luxembourg Ville-Etain assurée par la société Weber et par son sous-traitant, la société ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, par correspondance du 29 décembre 2005, la société SCHIOCCHET, soulignant le fait que, comme le ministre des transports le lui avait précisé à sa demande par lettre du 20 décembre 2005, la société n'était titulaire d'aucune autorisation délivrée par les autorités françaises, a demandé audit ministre d'assurer la protection de ses intérêts, cette correspondance se bornait à faire valoir, sans autre précision, le préjudice qu'elle subirait du fait de cette ligne concurrente ; que le ministre a ultérieurement informé la société requérante, par une correspondance du 7 février 2006, que l'Etat luxembourgeois avait délivré le 18 février 2005 à la société Weber une autorisation d'exploitation n° 2005/07 d'un service régulier de transports de voyageurs entre la France et le Luxembourg et dont le point de départ était Luxembourg Ville ; que ce n'est que par correspondance en date du 21 avril 2006 que la SOCIETE SCHIOCCHET a informé le ministre des transports que la société ne respectait ni l'itinéraire ni les horaires prescrits dans la licence qui lui avait été accordée et qu'elle détournait ainsi sa propre clientèle en empruntant partiellement son itinéraire et a joint des constats d'huissiers visant à établir ces irrégularités ; que le ministre soutient toutefois que ses services de contrôle ont été saisis le 24 mai 2006 et la société requérante soutient que les irrégularités en matière d'itinéraire ont cessé sur le territoire français à la fin du mois de mai 2006 ; que si la SOCIETE SCHIOCCHET a de nouveau saisi le ministre des transports par des correspondances en date des 20 juin et 29 août 2006, il ressort des constats d'huissiers joints à ces courriers que les infractions que la société continuait de commettre étaient relevées sur le territoire luxembourgeois ; que le ministre des Transports ne dispose, sur le fondement des dispositions précitées du règlement communautaire n° 684/92, d'aucune compétence pour y mettre fin ; que si ces mêmes correspondances mentionnaient que les usagers préféraient utiliser la ligne de transport exploitée par la société en raison de tarifs plus attractifs et utilisaient leurs propres véhicules pour se rendre aux arrêts de la ligne Etain-Luxembourg Ville, ces faits n'appelaient pas une nouvelle initiative du ministre, qui a saisi toutefois à nouveau ses services le 10 juillet 2006 ; qu'enfin, des opérations de contrôle ont été conduites les 15 septembre 2006 et 23 février 2007 par les services de l'Etat afin de vérifier le respect des modalité prévues par l'autorisation 2005/07 sur le territoire français et aucune infraction notable n'a été relevée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre des transports aurait commis une faute en s'abstenant de prendre des mesures autres que celles qui viennent d'être rappelées ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité pour réparer les préjudices que lui aurait causés la carence alléguée des services du ministère des transports doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 novembre 2008 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL SCHIOCCHET devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL SCHIOCCHET en application de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SCHIOCCHET et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
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N° 09NC00023