Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2009, complétée par mémoire enregistré le 24 février 2010, présentée pour M. et Mme Fabrice A, demeurant ..., par Me Bonhomme et Me Guerbert ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501088 et 0501089 du 15 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ainsi que des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés pour la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2002 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ainsi que des intérêts et majorations y afférents ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 500 euros, taxe sur la valeur ajoutée en sus, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tenant à la régularité de la procédure d'imposition et tiré de ce que le vérificateur s'était refusé à vérifier les poids du pain, de la viennoiserie et de la pâtisserie ;
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu aux moyens visant à contester l'application des intérêts et majorations afférents aux impositions ;
- l'avis de la commission départementale des impôts est insuffisamment motivé et n'a pu renverser la charge de la preuve ;
- la doctrine administrative référencée 4G3334 apporte une dérogation expresse au principe de justification de la consistance des recettes inscrites en comptabilité sous la condition que le bénéfice brut soit en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère irrégulier de la comptabilité compte tenu des incertitudes affectant la reconstitution des achats revendus, et, partant, du taux de bénéfice brut ;
- la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur est radicalement viciée dans son principe dès lors que seule la pesée contradictoire des produits était susceptible de permettre l'évaluation des quantités produites ;
- la méthode de reconstitution est exagérément sommaire en ce qu'elle repose sur des éléments incertains insuffisamment représentatifs de l'activité d'ensemble de l'entreprise ;
- la remise en cause de l'abattement pour adhésion à un centre de gestion agrée est conditionnée par l'absence de bonne foi sur laquelle les premiers juges ne se sont pas prononcés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut :
- au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2010 :
- le rapport de Mme Le Montagner, président,
- les conclusions de Mme Fischer Hirtz, rapporteur public,
- et les observations de Me Guerbert, avocat de M. et Mme A ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il n'était pas établi que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues au cours des trois entretiens qui se sont déroulés avec le contribuable dans les locaux de l'entreprise alors que l'intéressé avait demandé à ce que les investigations soient conduites au siège de son cabinet comptable, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'était pas tenu d'écarter explicitement l'ensemble de l'argumentation développée dans la demande, a implicitement mais nécessairement répondu à la critique tirée de ce que le vérificateur se serait refusé à effectuer une pesée contradictoire des produits vendus ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, la demande présentée devant le Tribunal ne comportait aucun moyen relatif aux pénalités appliquées ; qu'ainsi, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur lesdits moyens et aurait entaché son jugement d'irrégularité pour ce motif ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que M. A, qui avait demandé au vérificateur de conduire ses investigations au siège de son cabinet comptable, a personnellement rencontré celui-ci à trois reprises dans les locaux de son entreprise ; qu'il n'est pas établi que le vérificateur se serait alors refusé à tout échange de vues sur les conditions propres à l'exploitation alors qu'il ressort au contraire de la notification de redressements que M. A s'est refusé à donner des précisions sur les pertes subies ; qu'ainsi, la circonstance que le vérificateur n'aurait pas procédé à une pesée contradictoire des produits fabriqués ne saurait à elle seule caractériser une méconnaissance des exigences du débat oral et contradictoire ;
Sur le caractère probant de la comptabilité présentée et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui exploite une boulangerie-pâtisserie à Wassy, n'a pas été en mesure de justifier du détail de ses recettes, globalisées en fin de journée, ni de leur mode de règlement, le montant des recettes en espèces étant seulement obtenu par différence avec les recettes perçues par chèque ; que les écritures comptables retracent des prélèvements d'un montant très faible dont certains correspondent à des soldes créditeurs de caisse, tandis que des apports importants et réguliers sont effectués au compte de l'exploitant pour compenser une trésorerie insuffisante ; qu'ainsi, l'administration, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur la variation anormale du taux de marge brute, a pu regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante et reconstituer le chiffre d'affaire de l'entreprise ; que si M. et Mme A entendent se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative exprimée dans la documentation de base 4 G 3334 du 25 juin 1998, selon laquelle il est admis que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffit pas à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée lorsque le rythme élevé des ventes de faible montant fait pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, à la condition toutefois que ladite comptabilité soit par ailleurs bien tenue et que les résultats qu'elle accuse soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils entreraient dans ses prévisions dès lors, ainsi qu'il a été dit, que la comptabilité présentée est entachée d'irrégularités autres que celle tenant à l'enregistrement global des recettes et que les taux de marge brute présentent des anomalies ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. (...) ;
Considérant que la commission départementale des impôts, en adoptant son avis du 31 mars 2004 confirmant les redressements opérés par le service après avoir pris en considération les deux méthodes de reconstitution suivies par le vérificateur ainsi que les corrections demandées par le contribuable, a indiqué les éléments essentiels qui l'ont conduite à tenir pour justifier la reconstitution de recettes soumise à son appréciation ; qu'ainsi, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que ledit avis serait entaché d'une insuffisance de motivation de nature à influer sur la charge de la preuve ; qu'il revient par suite à M. et Mme A de rapporter la preuve de l'exagération des impositions qu'ils contestent ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de M. A, le vérificateur a pris en considération l'ensemble des achats utilisés de l'entreprise qu'il a répartis dans les catégories boulangerie, viennoiserie, pâtisserie et produits salés, pour ensuite déterminer le nombre de produits fabriqués à partir des recettes de fabrication communiquées par l'exploitant auxquels ont ensuite été appliqués les prix de vente pratiqués ; qu'il résulte de la notification de redressements du 10 août 2003 que M. A s'est refusé à donner des informations sur les proportions de baguettes fabriquées par rapport aux pains ainsi que sur les pertes subies sur la farine, les produits invendus ou périmés ; que le vérificateur, qui s'est en conséquence référé à des constatations effectuées à l'occasion d'un contrôle récent portant sur une entreprise similaire, a arrêté la part des baguettes à 70 % et évalué les pertes à 1 % pour ce qui est des farines utilisées et 2 % pour ce qui est des invendus ; que compte tenu des lacunes affectant la comptabilité et du refus du contribuable de communiquer des éléments essentiels à la reconstitution, une telle méthode ne peut être tenue pour radicalement viciée ou exagérément sommaire alors même qu'il n'aurait pas été procédé à une pesée des produits fabriqués avant et après cuisson ; que, dans ces conditions, M. et Mme A n'apportent pas la preuve qui leur incombe que les bases d'imposition reconstituées par l'administration seraient exagérées ;
Sur la remise en cause de l'abattement prévu en faveur des adhérents des centres de gestion et associations agrées :
Considérant qu'aux termes du 4 bis de l'article 158 du code général des impôts, alors applicable : (...) L'établissement de la mauvaise foi d'un adhérent à l'occasion d'un redressement relatif à l'impôt sur le revenu ou à la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il est soumis du fait de son activité professionnelle entraîne la perte de l'abattement et de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 quater B, pour l'année au titre de laquelle le redressement est effectué. ;
Considérant qu'au cours des années en litige M. A enregistrait globalement ses recettes sans être à même de justifier de leur détail, masquant ainsi des dissimulations de recettes, alors qu'il procédait en comptabilité à des apports en compte courant afin de combler une trésorerie défaillante ; que de telles pratiques traduisent une volonté délibérée d'éluder l'impôt justifiant la remise en cause de l'abattement dont il a bénéficié en application des dispositions du 4 bis de l'article 154 du code général des impôts ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Fabrice A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 09NC00406