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22/03/2010 | FRANCE | N°08NC01574

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2010, 08NC01574


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2008, complétée par un mémoire enregistré le 3 décembre 2009, présentée pour la S.A. RTE EDF TRANSPORT, représentée par son représentant légal, ayant son siège Tour initiale, 1 Terrasse Bellini, TSA 410000, La Défense cédex (92919), par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, société d'avocats ;

La S.A. RTE EDF TRANSPORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404920 en date du 19 août 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Daniel A, l'arrêté du 20 septembre 2004 p

ar lequel le préfet du Haut-Rhin a approuvé le projet d'exécution relatif à la créati...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2008, complétée par un mémoire enregistré le 3 décembre 2009, présentée pour la S.A. RTE EDF TRANSPORT, représentée par son représentant légal, ayant son siège Tour initiale, 1 Terrasse Bellini, TSA 410000, La Défense cédex (92919), par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, société d'avocats ;

La S.A. RTE EDF TRANSPORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404920 en date du 19 août 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Daniel A, l'arrêté du 20 septembre 2004 par lequel le préfet du Haut-Rhin a approuvé le projet d'exécution relatif à la création d'un poste de transformation 225/63 kv à Hirsingue, présenté par le Réseau de Transport d'Electricité d'Electricité de France et l'a autorisé à exécuter les ouvrages prévus au projet ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- ainsi qu'il est relevé dans l'étude d'impact, les incidences de l'ouvrage sur la santé sont quasi-nulles et ne nécessitaient donc pas de développements exhaustifs ; le maître d'ouvrage n'avait dès lors pas l'obligation de faire état des analyses et études concluant à l'existence de possibles effets nocifs du projet sur la santé publique ;

- s'agissant notamment des champs électromagnétiques, l'étude d'impact a uniquement à faire état des connaissances scientifiques, sans avoir à citer les études scientifiques, leurs auteurs et la manière d'y accéder, ni à comporter de bibliographie ; le Tribunal a donc commis une erreur de droit en posant cette exigence ;

- l'étude complémentaire réalisée à la demande du commissaire enquêteur n'avait pas à être communiquée au public ; on ne peut déduire de cette absence de communication une insuffisance de l'étude d'impact ; en tout état de cause, l'avis du commissaire enquêteur ne lie pas le préfet ;

- les nuisances alléguées ne sont pas établies ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2008, présenté pour M. Daniel A, demeurant 8 rue des Charmes à Hirsingue (68560), par Me Lidy, avocat ; M. A demande à la Cour de rejeter la requête présentée par la S.A. RTE EDF TRANSPORT et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

-la requête est tardive et par suite irrecevable ;

- l'étude d'impact est irrégulière dès lors qu'elle ne concerne pas l'intégralité du projet, ne prenant pas en compte le doublement des lignes prévu en 2015, l'installation d'un second transformateur et les deux pylônes supplémentaires érigés au bénéfice d'autorisations séparées, ainsi que l'érection d'une ligne électrique sur 800 m ; l'étude d'impact devait donc envisager l'ensemble des travaux prévus et prévisibles ;

- l'allégation de RTE selon laquelle l'incidence de l'ouvrage sur la santé serait nulle n'est étayée par aucune pièce du dossier et se fonde uniquement sur l'existant et non sur les installations futures ;

- aucune étude scientifique sur les effets des champs électromagnétiques n'est intégrée ou annexée à l'étude d'impact ; leurs graves effets sur la santé ont pourtant bien été constatés, notamment à Tulle où un jugement a reconnu les dommages causés à des animaux ; une étude de l'INSERM montre l'accroissement des cas de leucémie ; M. Feychting , prix Nobel, a souligné leurs effets sur la mélatonine et les systèmes glandulaires ; une résolution du Parlement européen de 1994 demande la création de couloirs de lignes en dehors des habitations et zones d'activités ;

- les études complémentaires réalisées par Véritas devaient être jointes au dossier ; en outre, elles ont été réalisées en été alors que la consommation électrique est la plus faible et se fondent sur les lignes existantes sans entrevoir l'incidence du projet sur l'augmentation des champs électromagnétiques ;

- les maisons d'habitation les plus proches du transformateur sont situées à 180 m et non 250 m ; elles abritent des personnes sensibles, notamment de nombreux enfants, et la réalisation de la deuxième tranche rapprochera encore l'ouvrage des habitations ;

- les plans ayant servi à l'étude sont anciens et ne prennent pas en compte le nouveau lotissement Baumgarten ; le ruissellement des eaux n'a pas été pris en compte ;

- le transformateur est implanté en hauteur, entraînant une production d'ozone irritante et allergisante ;

- le bruit de fond va passer à 3 voire 5 dba, ce qui équivaut à un quadruplement du bruit inacceptable pour les riverains et perturbant les activités de loisirs de la zone ;

- l'étude d'impact ne comporte aucune justification du choix du site d'implantation au regard des préoccupations d'environnement, conformément aux exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; la zone près de la cabane des chasseurs aurait mieux convenu ; le site retenu est le seul situé en dessous de la ligne de crête ;

- les mesures compensatrices ne sont pas envisagées ;

- l'arrêté attaqué viole le principe de précaution ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 janvier 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la S.A. RTE EDF TRANSPORT ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2010 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public,

- et les observations de Me Brignatz, avocat de la S.A. RTE EDF TRANSPORT ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg a été notifié à la requérante le 1er septembre 2008 ; que sa requête tendant à l'annulation dudit jugement, enregistrée au greffe de la Cour le 31 octobre 2008, n'était donc pas tardive ; que cette fin de non-recevoir doit donc être écartée ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : I - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; (...) IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme (...) ;

Considérant que l'étude d'impact figurant au dossier de l'enquête publique ayant précédé l'adoption de l'arrêté du 20 septembre 2004 par lequel le préfet du Haut-Rhin a approuvé le projet d'exécution relatif à la création d'un poste de transformation 225/63 kv à Hirsingue présenté par le Réseau de Transport d'Electricité d'Electricité de France et l'a autorisé à exécuter les ouvrages prévus au projet, analyse les effets des champs électromagnétiques (CEM) des ouvrages linéaires existants et ceux émis par le transformateur, présentés comme négligeables et respectant les contraintes réglementaires existantes ; qu'elle fait état des connaissances scientifiques concernant les effets des champs électromagnétiques induits par les lignes à très haute tension, notamment sur la santé, en se référant aux rapports et études en provenance d'organismes tels que l'Organisation Mondiale de la Santé, l'Académie des Sciences américaines, le Bureau de radioprotection anglais et le Centre de recherche sur le cancer ; qu'aucune disposition n'impose que figurent dans l'étude d'impact les études scientifiques citées, la manière d'y accéder, leurs auteurs et des bibliographies ; qu'également et en tout état de cause, les résultats de l'étude complémentaire réalisée à la demande du commissaire enquêteur postérieurement à l'émission de son avis ne pouvaient figurer dans ladite étude d'impact et cette omission justifier qu'on la regardât comme insuffisante ; qu'il en résulte que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur une telle insuffisance de l'étude d'impact pour regarder la procédure comme entachée d'irrégularité et annuler l'arrêté attaqué du 20 septembre 2004 du préfet du Haut-Rhin ;

Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué a été régulièrement signé par M. Wack, chef de division, bénéficiaire en cas d'absence ou d'empêchement de M. Ligier, directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, d'une délégation de signature donnée par le préfet du Haut Rhin par arrêté du 24 août 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les conditions de l'affichage de la décision attaquée sont sans influence sur sa légalité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, en ce qui concerne l'étude d'impact, que celle ci comporte des cartes d'une précision suffisante, faisant apparaître les zones d'habitation situées dans l'environnement du transformateur y compris le nouveau lotissement Baumgarten ; que ladite étude n'avait pas à examiner une éventuelle deuxième tranche de travaux envisagée pour 2015 qui n'est par ailleurs ni soumise à l'enquête publique ni n'a fait l'objet de l'autorisation critiquée ; que l'étude aborde, en préambule, les raisons du choix du site d'implantation du transformateur parmi quatre emplacements envisagés et prend en compte leurs impacts biologiques paysage , celui retenu étant estimé de moindre impact, notamment environnemental ; qu'en ce qui concerne le ruissellement des eaux, les considérations hydrographiques et hydrogéologiques y sont présentées et prises en compte ; qu'en ce qui concerne les éventuelles nuisances sonores, l'étude indique que le bruit généré par le système de refroidissement du transformateur sera quasi-inaudible depuis les premières maisons compte tenu de l'écran végétal et de la topographie et son impact restera très en dessous du seuil règlementaire et des valeurs d'émergence admises de 5 décibels A en période diurne et de 3 dB A en période nocturne ; que compte tenu des incidences très limitées du projet pour l'environnement, l'absence de présentation de mesures spécialement destinées à réduire ou à compenser des conséquences dommageables est sans incidence, alors qu'au demeurant 8% du budget du projet est consacré à des mesures d'accompagnement et d'insertion, pour un montant de 26 000 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, en ce qui concerne l'enquête publique, que le moyen tiré de l'insuffisance de sa publicité est dépourvu des précisions utiles, alors même qu'il ressort des pièces du dossier que de nombreuses personnes représentant la population concernée par le projet, dont un collectif d'opposants, ont participé aux réunions et rencontré le commissaire enquêteur ou annoté le registre d'enquête ; que si M. A soutient que le rapport d'enquête du commissaire enquêteur a été déposé avec un mois de retard, le 22 juillet 2004, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que les études complémentaires réalisées par la société Véritas à la demande du commissaire enquêteur, dans les conditions fixées par celui ci, et dont le résultat conditionnait son avis favorable sans réserve, ne remettant pas en cause l'économie générale du projet, ne justifiaient pas que soit ordonnée une enquête publique complémentaire ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude d'impact et du dossier de l'enquête publique, ainsi que de l'étude susmentionnée réalisée par le bureau Véritas, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les nuisances sonores ou celles susceptibles de résulter des champs électromagnétiques, sont insignifiantes ; qu'aucune incidence particulière n'est démontrée résultant de l'effet de surplomb et de la production d'ozone en résultant évoqués par M. A ; qu'enfin, le site a été choisi en prenant en considération tant les nuisances générées que l'économie du projet et particulièrement l'importance de la desserte en électricité de la région du Sundgau ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance du principe de précaution doivent donc être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE RTE EDF TRANSPORT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 19 août 2008, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 20 septembre 2004 par lequel le préfet du Haut-Rhin a approuvé le projet d'exécution relatif à la création d'un poste de transformation 225/63 kv à Hirsingue, présenté par le Réseau de Transport d'Electricité d'Electricité de France, et l'a autorisé à exécuter les ouvrages prévus au projet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE RTE EDF TRANSPORT, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros à verser à la SOCIETE RTE EDF TRANSPORT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 août 2008 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A présentées devant le Tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2004 du préfet du Haut-Rhin sont rejetées.

Article 3 : M. A versera une somme de 1 000 € (mille euros) à la SOCIETE RTE EDF TRANSPORT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. RTE EDF TRANSPORT, à M. Daniel A, à la commune d'Hirsingue et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

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08NC01574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01574
Date de la décision : 22/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP WACHSMANN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-03-22;08nc01574 ?
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