La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2010 | FRANCE | N°08NC00621

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2010, 08NC00621


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2008, complétée par des mémoires enregistrés les 18 juillet 2008 et 23 octobre 2009, présentée pour M. Jean-Michel A, demeurant ..., par Me Flecheux, avocat ; M.A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601660 en date du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office public d'aménagement et de construction du département du Jura à lui payer la somme de 43 225,58 euros au titre des honoraires sur le marché conclu le 28 juin 1985 et la somme de 2

1 534 euros hors taxes au titre des prestations réalisées pour son compt...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2008, complétée par des mémoires enregistrés les 18 juillet 2008 et 23 octobre 2009, présentée pour M. Jean-Michel A, demeurant ..., par Me Flecheux, avocat ; M.A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601660 en date du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office public d'aménagement et de construction du département du Jura à lui payer la somme de 43 225,58 euros au titre des honoraires sur le marché conclu le 28 juin 1985 et la somme de 21 534 euros hors taxes au titre des prestations réalisées pour son compte ;

2°) de condamner l'OPAC du Jura à lui verser une indemnité de 64 759,58 euros avec les intérêts de droit à compter du jour de la demande ;

3°) de mettre à la charge de l'OPAC du Jura une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- la somme de 43 225,58 euros, qui correspond au montant des honoraires qu'il avait perçus et la somme de 21 354 euros qui correspond au montant des prestations exécutées dans le cadre du plan de sauvetage du chantier, et donc à des dépenses utiles pour le maitre de l'ouvrage, sont dues sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause ;

- les mêmes sommes sont dues sur le fondement de la responsabilité pour faute, le maitre de l'ouvrage ayant demandé l'exécution de prestations sans qu'un marché ait été dans le premier cas régulièrement passé, dans le second cas, préalablement établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 août 2008, complété par un mémoire enregistré le 23 novembre 2009, présenté pour l'office public d'aménagement et de construction du département du Jura, devenu l'office public de l'habitat du Jura, dont le siège social est 7 E rue Léon et Cécile Mathy à Montmorot (39570), représenté par son président, par Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 17 juillet 2009 à seize heures ;

Vu l'ordonnance portant réouverture de l'instruction et l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 27 novembre 2009 à seize heures ;

Vu le mémoire enregistré le 22 février 2010, présenté pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2009 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause des dépenses engagées par M. A, le Tribunal administratif de Besançon a jugé que le projet de construction de vingt logements prévu suivant le procédé spécifique dénommé Samovar avait été totalement abandonné et que dans ces conditions les diverses prestations et études fournies par le requérant avaient été dépourvues de toute utilité pour le maitre de l'ouvrage ; que de même pour rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation au titre de la responsabilité pour faute des dépenses engagées par le maitre d'oeuvre, le tribunal a jugé que les multiples fautes commises par le groupement mené par le requérant dans la conception et le début de réalisation du projet litigieux se trouvaient à l'origine de l'échec intégral de l'opération et que ces fautes étaient de nature à priver M. A de tout droit à indemnisation ; qu'ainsi contrairement à ce que soutient ce dernier, et même s'il ne reprend pas l'ensemble des éléments de faits avancés, le jugement attaqué était suffisamment motivé ;

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause de l'office public d'aménagement et de construction du Jura :

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut formuler une demande d'indemnité fondée sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour l'administration des études, travaux et autres prestations qu'il a exécutés ; qu'en ce cas, il est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l'administration ; que si la consistance des prestations fournies s'évalue au moment où elles ont été exécutées, leur utilité pour l'administration doit être appréciée par le juge administratif à la date à laquelle il statue en tenant compte éventuellement de l'évolution des travaux ou du projet depuis leur exécution ; que, par suite, l'abandon du projet faisant directement l'objet des études fournies est de nature à priver les dépenses engagées par le cocontractant de toute utilité pour l'administration, à l'exception du cas où cet abandon est justifié par des difficultés révélées par ces études ; que la circonstance que cet abandon serait motivé par des considérations étrangères à l'intérêt général, si elle est susceptible le cas échéant d'engager la responsabilité de la collectivité sur le terrain de la faute, est sans incidence sur l'absence de droit à indemnité du cocontractant au titre de l'enrichissement sans cause ; que, de même, est sans incidence le fait que ces dépenses aient été engagées en vue d'assurer une complète exécution du contrat déclaré nul ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un marché d'architecture et d'ingénierie conclu le 28 juin 1985, l'office public d'habitation à loyers modérés de la ville de Morez, aux droits duquel vient l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) du Jura, désormais office public de l'habitat du Jura, a confié à un groupement conjoint et solidaire constitué de MM. A et B, architectes et de la SA Phénol Engineering, la maîtrise d'oeuvre pour la construction de vingt logements à Morez, avec utilisation d'un procédé de chauffage original dénommé Samovar, conçu par la SA Phénol Engineering ; que cette opération a également fait l'objet d'un marché de travaux passé par le même maître de l'ouvrage avec la société Samovar Diffusion ; que le maître de l'ouvrage a résilié ces deux marchés en arguant des fautes commises par ses contractants ; que par arrêt du 28 juillet 2000, le Conseil d'Etat a constaté la nullité du marché conclu le 28 juin 1985 ; que s'il n'est pas contesté que M. A a effectué des prestations en exécution de ce marché, le projet de construction des logements a dû être abandonné, le dossier technique du procédé de chauffage notamment n'ayant pas pu être mis au point et soumis au contrôle de la société Veritas ; que, de même, le terrain ayant été déstabilisé à la suite du début de construction, le projet de sauvetage pour lequel le requérant avait élaboré des plans et mené des études n'a pas pu être mis en oeuvre ; que par suite, même si les prestations effectuées par le maitre d'oeuvre ont conduit à l'obtention de permis de construire pour le projet litigieux, les dépenses engagées par M A n'ont pas été utiles au maitre de l'ouvrage; que, dès lors, les conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause de l'OPAC du Jura doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle :

Considérant, d'une part, que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute du maitre de l'ouvrage, le cocontractant peut prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute ; que, toutefois, ses propres fautes peuvent venir exonérer en partie voire totalement le maitre de l'ouvrage de la responsabilité qu'il encourrait ;

Considérant que si l'OPAC du Jura a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en signant le contrat de maitrise d'oeuvre litigieux sans mise en concurrence préalable, M. A a lui-même commis une faute en proposant de passer ce contrat avec un groupement comportant le titulaire des droits exclusifs sur le procédé de chauffage Samovar plutôt qu'avec les seuls architectes et qu'en incitant ainsi l'OPAC du Jura à commettre l'irrégularité qui a entrainé la nullité du contrat ; qu'il a, en outre, été imprudent en acceptant d'être le concepteur d'un procédé qui n'avait pas encore fait ses preuves et n'avait notamment pas reçu le label attestant de la possibilité d'assurer la qualité du chauffage recherchée ; que dès lors, en dépit de la faute commise par l'OPAC, l'ensemble des fautes commises est de nature à priver M. A de tout droit à indemnisation au titre des dépenses engagées pour exécuter le contrat entaché de nullité ;

Considérant, d'autre part, que si M. A fait valoir que l'OPAC du Jura a commis une faute en lui demandant d'exécuter des prestations au titre du plan de sauvetage du chantier, sans qu'un marché n'ait été préalablement établi, il résulte de l'instruction et notamment de courriers adressés au maitre de l'ouvrage par le requérant que ce dernier a pris l'initiative de proposer une nouvelle solution pour répondre aux mises en demeure de satisfaire à ses obligations en comblant les lacunes du projet initial; que, par suite, le préjudice allégué par le requérant n'a été rendu possible qu'en raison de son imprudence qui l'a conduit à réaliser des études sans aucune garantie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPAC du Jura, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame M. A au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A la somme que réclame l'office public d'aménagement et de construction du Jura au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'office public d'aménagement du Jura au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel A et à l'office public de l'habitat du Jura.

''

''

''

''

5

08NC00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00621
Date de la décision : 22/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SELARL FLECHEUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-03-22;08nc00621 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award