Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la COMMUNE DE CONLIEGE, représentée par son maire en exercice dûment habilité par le conseil municipal et domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville de Conliège (39570), par la SCP Favoulet-Billaudel;
La COMMUNE DE CONLIEGE demande à la Cour de :
1°) réformer le jugement n° 0700097 du 5 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SARL Petitjean Travaux Publics et de l'Etat à l'indemniser à raison des désordres affectant le mur de soutènement du chemin rural n° 5 en lui accordant la somme de 28 000 euros à ce titre, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2007, et en limitant les dépens mis à la charge de la SARL Petitjean Travaux Publics et de l'Etat à 2 532,56 euros ;
2°) condamner solidairement la SARL Petitjean Travaux Publics et l'Etat à lui verser la somme de 137 500 euros en réparation des désordres causés à l'ouvrage public et la somme de 29 900 euros pour la remise en état des parcelles de terrains situées en aval de cet ouvrage public, qui doivent être majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2007 ;
3°) mettre l'intégralité des frais d'expertise à la charge de la SARL Petitjean Travaux Publics et de l'Etat, soit la somme de 26 322,20 euros ;
4°) mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la SARL Petitjean Travaux Publics la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE CONLIEGE soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité solidaire de l'Etat, la DDE ayant commis une erreur dans la conception du projet et dans la surveillance et le suivi du chantier, et de la SARL Petitjean Travaux Publics , qui a effectué les travaux de remblaiement sans respecter le cahier des charges ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la réfection du mur entraînait une plus-value de 80 % après avoir relevé que le mur était un ouvrage ancien présentant de nombreux désordres ;
- ce mur ne s'était jamais éboulé ; il restait conforme à sa destination et permettait l'utilisation de la voie de circulation ;
- s'il avait été dans un état de vétusté avancé, les services de la DDE n'auraient pas avancé la solution technique du confortement de l'ouvrage par apport de remblais ;
- l'effondrement du mur ayant été provoqué par le glissement de terrain, il n'aurait pas mieux résisté s'il s'était trouvé dans un meilleur état ;
- les constructeurs ne peuvent invoquer un enrichissement éventuel ou une quelconque plus-value dès lors que la réfection préconisée est rendue nécessaire pour assurer la mise en conformité de l'ouvrage à sa destination ;
- s'agissant des dommages incidents pour la remise en état des parcelles situées à l'aval de l'ouvrage, la présence des matériaux et l'arrachement des arbres établissent la réalité des préjudices ; la commune n'est pas en état de préfinancer les travaux de réfection et les propriétaires concernés ont accepté de différer leurs demandes ;
- les frais d'expertise doivent inclure le coût de l'intervention des deux sapiteurs, le géomètre et l'expert du bureau d'études géotechniques, pour un montant total de 26 322 euros TTC ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 août 2009, présenté pour la SARL Petitjean Travaux Publics par Me Bouveresse ; la SARL conclut au rejet de la requête, à être garantie par l'Etat à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE CONLIEGE ; elle soutient que :
- le mur de soutènement était considérablement dégradé ;
- elle avait fait des concessions sur le prix du marché, car elle envisageait, comme la commune le savait, d'utiliser des matériaux usagés ;
- la responsabilité de la DDE est lourdement engagée et aurait pu être davantage sanctionnée par les premiers juges ; elle a reçu de sa part peu d'indications avant et pendant la réalisation des travaux ;
- la facture présentée a été payée intégralement et sans réserves ;
- la réfection du mur, chiffrée par l'expert, correspondrait à un enrichissement sans cause indûment perçu par la commune ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ; le ministre conclut au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à la réduction du montant de la réparation accordée par les premiers juges à hauteur de la part de responsabilité de la commune ;
Au premier titre, il soutient :
- que la commune ne saurait contester l'existence d'une plus-value en faisant valoir que la reprise de travaux n'a fait que rendre l'ouvrage à sa destination ; la victime d'un dommage ne saurait s'enrichir au détriment de l'auteur condamné à sa réparation ; qu'ainsi, le montant de la réparation ne doit pas nécessairement correspondre à un ouvrage neuf conforme à sa destination ;
- que le taux de plus-value retenu par les juges n'est pas excessif si on compare le montant du marché initial, 9 167,34 euros, portant sur le confortement d'un mur ancien, et la réalisation d'un mur en enrochement avec des fondations, pour un montant de 140 000 euros ;
- qu'en ce qui concerne les dommages subis par les terrains en aval de l'ouvrage, ils appartiennent à des tiers et la commune n'a subi aucun préjudice et n'a aucun intérêt à agir ;
- que la commune n'établit pas avoir versé les frais et honoraires des deux sapiteurs ;
Au second titre, il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en écartant la responsabilité de la commune au motif que celle-ci ne pouvait pas arrêter les travaux lorsqu'elle a pris connaissance du courrier de la DDE du 14 mai 2003, dès lors que les services de l'équipement interviennent sous l'autorité du maire ;
Vu les pièces produites pour la COMMUNE DE CONLIEGE, et notamment l'attestation de l'expert datée du 25 janvier 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 61-371 du 13 avril 1961 et le décret n° 2002-1209 du 27 septembre 2002 relatif notamment à l'assistance technique fournie par les services de l'Etat au bénéfice des communes et de leurs groupements ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :
- le rapport de M. Brumeaux, président,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Considérant que la COMMUNE DE CONLIEGE a confié à la SARL Petitjean Travaux Publics les travaux de confortement d'un mur de soutènement du chemin rural n° 5 dit de l'ancienne gare pour un montant de 9 223,11 euros ; que cette société a accepté le 10 mars 2003 le cahier des charges établi par la direction départementale de l'équipement du Jura, maître d'oeuvre de l'opération, la commune bénéficiant depuis 2002 du concours des services de l'Etat au titre de l'aide technique à la gestion communale ; qu'en raison des désordres survenus dès octobre 2003, le mur de soutènement s'étant partiellement effondré du fait des glissements des matériaux mis en remblai à l'aval par la SARL Petitjean Travaux Publics , la COMMUNE DE CONLIEGE a recherché devant le Tribunal administratif de Besançon la responsabilité solidaire de cette entreprise et de l'Etat et sollicité leur condamnation à lui verser 137 851 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant le mur de soutènement du chemin rural et 29 900 euros pour la remise en état des terrains situés à l'aval de cet ouvrage ; que la commune relève appel du jugement du Tribunal administratif de Besançon du 5 février 2009 en tant que, après avoir retenu la responsabilité contractuelle solidaire de la SARL Petitjean Travaux Publics et de l'Etat et estimé que la SARL devait être garantie à hauteur de 50 % par l'Etat des sommes mises à sa charge, il a limité la somme qui lui était due pour la réfection du mur de soutènement à 28 000 euros TTC, en raison d'une plus-value apportée par les travaux de réfection estimée à 80 % et rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des dégâts affectant les terrains situés à l'aval de l'ouvrage ; que, par voie d'appel provoqué, la SARL Petitjean Travaux Publics demande à être garantie, à hauteur de 75 %, par l'Etat des condamnations prononcées à son encontre ; qu'enfin, par voie d'appel incident, l'Etat demande que le montant de sa condamnation soit réduit à raison de la faute commise par la COMMUNE DE CONLIEGE, qui n'a pas interrompu les travaux alors qu'elle avait été informée de la mauvaise exécution du marché par la SARL Petitjean Travaux Publics ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le coût des travaux de confortement du mur du soutènement :
Considérant que les travaux préconisés par l'expert, estimés à 140 000 euros TTC, ne portent pas sur la réfection du mur de soutènement partiellement éboulé en tant que tel, mais sont destinés à assurer son confortement par la construction d'un mur en enrochement, l'espace entre les deux murs devant être comblé par un matériau drainant ; que ce système de confortement présente des caractéristiques de fiabilité et de stabilité bien supérieures à l'option initiale retenue par les pièces du marché, qui revenait à bloquer le pied du mur par des remblais ; qu'alors même qu'elle constituerait le seul moyen propre à assurer la stabilisation du mur, les travaux ainsi envisagés apportent à l'ouvrage une plus-value qui doit être déduite du montant de la réparation ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la différence entre la valeur de l'ouvrage après ces travaux de réfection et celle qui aurait résulté de l'exécution du marché, s'il avait été correctement conçu et exécuté par les hommes de l'art, constituait une plus-value dont les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation en la fixant à 80 % du coût de ces travaux ;
En ce qui concerne la remise en état des terrains situés à l'aval de l'ouvrage :
Considérant que si les parcelles situées en contrebas de cet ouvrage ont été affectées par des déferlements de terres et de matériaux, la commune, qui n'en est pas propriétaire et qui n'a pas engagé de travaux pour réparer les dégâts occasionnés, n'est pas fondée, en l'absence de préjudice actuel et certain, à solliciter l'indemnisation des dommages causés à ces parcelles ; qu'elle ne peut utilement faire valoir qu'elle n'a pas la capacité financière pour exécuter les travaux de remise en état de ces parcelles et que les propriétaires concernés auraient accepté de différer leur demande jusqu'au règlement du présent litige pour établir la réalité de son propre préjudice ; que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des défendeurs à lui verser une somme de 29 900 euros en réparation des dommages causés aux parcelles situées en contrebas de l'ouvrage ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant que si la COMMUNE DE CONLIEGE demande en appel que les frais d'expertise soient portés à la somme de 26 322,20 euros, elle entend ainsi contester l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Besançon du 5 avril 2006 liquidant les frais d'expertise à la somme de 2 532,56 euros ; que, par suite, la COMMUNE DE CONLIEGE, qui n'a pas attaqué ladite ordonnance devant les premiers juges, n'est pas recevable à contester directement devant la Cour de céans la liquidation des frais litigieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la COMMUNE DE CONLIEGE ne peut qu'être rejetée ;
Sur l'appel incident du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :
Considérant qu'aux termes du décret du 13 avril 1961 fixant les conditions d'exercice du concours technique du service des ponts et chaussées en matière de voirie des collectivités locales : Lorsque, sur décision de l'assemblée délibérante, le service des ponts et chaussées est chargé du service de la voirie communale, sa mission comprend sous l'autorité du maire, (...) la direction des travaux de grosses réparations et d'entretien en régie ou à l'entreprise (...) et de manière générale, toutes diligences nécessaires à une bonne et complète gestion ; qu'aux termes de l'article 12 du décret du 27 septembre 2002 susvisé : Le présent décret est applicable à compter de la publication de l'arrêté prévu à l'article 8 et au plus tard à compter du 1er octobre 2002. Toutefois les concours demandés par les communes et leurs groupements pour la gestion de leur voirie, que l'Etat s'est engagé à leur apporter au titre de l'année 2002, peuvent continuer à leur être apportés, dans les mêmes conditions, au titre de l'année 2003 ; qu'aux termes de l'article 13 de ce même décret : le décret n° 61-371 du 13 avril 1961 est abrogé ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une commune et l'Etat conviennent de confier aux services de la direction départementale de l'équipement des travaux d'études, de direction et de surveillance de projets communaux, pour lesquels l'intervention de ce service n'est pas obligatoire, la convention ainsi conclue est un contrat de louage d'ouvrage dont l'inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les conditions du droit commun, alors même que, selon les dispositions précitées, cette mission s'exécute sous l'autorité du maire ;
Considérant que la COMMUNE DE CONLIEGE a sollicité et obtenu, au cours de l'année 2002, le concours des services de l'Etat au titre de l'aide technique à la gestion communale, apportée sur le fondement de l'article 12 précité du décret du 27 septembre 2002 ; qu'ainsi les conditions d'exercice de ce concours demeuraient en l'espèce régies par les dispositions précitées du décret du 13 avril 1961 ; que, par suite, les services de l'Etat avaient la qualité de maître d'oeuvre de l'opération et devaient assurer la conception, la direction et la surveillance des travaux de confortement du chemin rural de l'ancienne gare sur le territoire de la COMMUNE DE CONLIEGE ; que les manquements relevés par les premiers juges dans la conception et le suivi des travaux, qui ne sont plus discutés en appel, sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors qu'il incombait aux services de l'Etat, en application du contrat conclu avec la commune, de demander à l'entreprise d'interrompre s'il y a lieu les travaux en cours, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la circonstance que la COMMUNE DE CONLIEGE n'avait pas fait interrompre le chantier après avoir reçu le courrier de la DDE en date du 14 mai 2003 faisant état de la mauvaise exécution des travaux par la SARL Petitjean Travaux Publics ne constituait pas une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, par suite, l'appel incident de l'Etat tendant à ce que le montant de la condamnation au profit de la commune maître d'ouvrage soit réduit à due concurrence de la faute commise par celle-ci doit être rejeté ;
Sur l'appel provoqué de la SARL Petitjean Travaux Publics :
Considérant que la SARL Petitjean Travaux Publics , qui a présenté des conclusions tendant à être garantie à hauteur de 75 % par l'Etat, qui n'est pas la partie appelante, doit être regardée comme ayant saisi la Cour d'un appel provoqué ; que, toutefois, ces conclusions, introduites après l'expiration du délai d'appel, ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal ; que l'appel principal de la COMMUNE DE CONLIEGE étant rejeté, lesdites conclusions sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Petitjean Travaux Publics et l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance vis-à-vis de la commune requérante, soient condamnés à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par la SARL Petitjean Travaux publics et de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la COMMUNE DE CONLIEGE sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CONLIEGE est rejetée.
Article 2 : L'appel provoqué de la SARL Petitjean Travaux Publics et l'appel incident du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sont rejetés.
Article 3 : La COMMUNE DE CONLIEGE versera une somme de 1 500 euros à la SARL Petitjean Travaux publics au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CONLIEGE, à la SARL Petitjean Travaux Publics et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
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