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18/02/2010 | FRANCE | N°09NC00447

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2010, 09NC00447


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la VILLE DE COLMAR, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par le conseil municipal, par Me Venturelli ; la VILLE DE COLMAR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602250 du 27 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de son maire en date du 9 janvier 2006 rejetant la demande indemnitaire présentée par le président du conseil général du Haut-Rhin et l'a condamnée à verser au département du Haut-Rhin la somme de 304 898

euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2005 ...

Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la VILLE DE COLMAR, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par le conseil municipal, par Me Venturelli ; la VILLE DE COLMAR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602250 du 27 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de son maire en date du 9 janvier 2006 rejetant la demande indemnitaire présentée par le président du conseil général du Haut-Rhin et l'a condamnée à verser au département du Haut-Rhin la somme de 304 898 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2005 ;

2°) de rejeter la demande du département du Haut-Rhin présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge du département du Haut-Rhin la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

La VILLE DE COLMAR soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les travaux de voirie réalisés étaient sans rapport avec l'Hôtel du département ;

- les parties contractantes, par les stipulations retenues dans l'acte de vente des 26 février et 9 mars 1999, n'ont pas entendu limiter la réalisation des travaux nécessaires au seul carrefour formé par l'avenue d'Alsace et la rue de la Semm ;

- la délibération du conseil municipal du 25 janvier 1999, annexée à l'acte de vente, précise que la ville a toute latitude pour définir, seule, la nature des travaux ;

- le versement de la somme de deux millions de francs n'était pas conditionné par la réalisation de travaux précis ;

- elle a réalisé les travaux sur les carrefours de l'avenue d'Alsace en 2002 et 2004, concomitamment à l'installation du nouvel Hôtel du département ;

- elle a fait réaliser trois études de faisabilité sur les travaux qui pouvaient paraître nécessaires en 2001, en août 2003 et en janvier 2005 ;

- si les travaux s'intégraient dans le nouveau plan de circulation, ils prenaient également en considération l'implantation du nouvel Hôtel du département ;

- les aménagements réalisés au droit des carrefours de l'avenue d'Alsace consistent à privilégier le sens de la circulation nord-sud, en direction du nouveau siège du conseil général et favorisent la fluidité du trafic vers cet équipement ;

- ce n'est pas l'éloignement des carrefours qui doit être retenu, mais l'impact de leur aménagement sur la diminution de la densité de la circulation dans l'avenue d'Alsace et sur l'accès au nouvel équipement ;

- la parcelle a été cédée au département à un prix inférieur à l'évaluation fixée par l'avis des domaines ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2009, présenté pour le département du Haut-Rhin, représenté par le président du conseil général, dûment habilité par ce dernier, par Me Petit ; le département conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la VILLE DE COLMAR ; le département soutient que :

- à titre principal, la ville a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle, en s'abstenant d'exécuter ses engagements ; les travaux réalisés ne sont pas ceux qu'elle s'était engagée à réaliser par la convention du 9 mars 1999 ;

- les carrefours aménagés sont situés au nord de l'avenue d'Alsace, à plus d'un kilomètre du terrain acquis par le département, et ne sont pas en rapport avec les besoins nouveaux générés par l'installation du conseil général au sud de cette avenue ;

- la commune intention des parties était l'affectation de la somme versée à la réalisation de travaux de voirie directement en relation avec l'installation du siège du conseil général au carrefour de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm, et où aucun aménagement n'a été réalisé ;

- la délibération de la commission du 18 décembre 1998 habilitant le président du conseil général à signer la convention du 9 mars 1999, annexée à celle-ci, mentionne les aménagements routiers rendus nécessaires pour adapter les carrefours et voie existants de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm ; le rapport du président du conseil général à la commission permanente évoque seulement le carrefour formé par la rue de la Semm et par l'avenue d'Alsace ;

- c'était bien la mise en place d'un giratoire, au carrefour de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm, que la VILLE DE COLMAR s'était engagée à réaliser ;

- les correspondances du maire de Colmar en 2000 et 2001 évoquent un projet de giratoire, qui n'était par ailleurs que l'une des modalités possibles de l'obligation pour la ville d'aménager ce carrefour ;

- aucun aménagement de ce carrefour n'a été réalisé pour faciliter l'accès au nouvel hôtel du département ;

- la stipulation relative au paiement des indemnités est plus précise et mentionne les travaux à réaliser pour aménager les carrefours et voies existantes de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm ;

- à titre subsidiaire, la ville a commis une faute en faisant une mauvaise exécution et une exécution de mauvaise foi de ses engagements ; la ville ne pouvait de bonne foi prétendre que le fonds de concours versé par le département portait sur d'autres travaux que le carrefour de l'avenue de l'Alsace et de la rue de la Semm, ce qui était la commune intention des parties lors de la signature de la convention de 1999 ; les travaux réalisés sont sans rapport avec la rue de la Semm ;

- l'objet de la subvention n'était pas de fluidifier la circulation de l'avenue d'Alsace, mais d'améliorer la desserte et l'accès du nouveau site du conseil général ;

- les travaux effectués, situés à plus d'un kilomètre du terrain acquis, lesquels s'inscrivaient uniquement dans son nouveau plan de circulation, ne sont pas ceux que la ville s'était engagée à réaliser ;

- la ville n'établit pas la réalité de l'impact des travaux d'aménagement réalisés sur l'accès et la desserte immédiate de l'hôtel du département ; l'avenue d'Alsace est par ailleurs une des voies d'accès possible à cet équipement et constitue une portion de la rocade extérieure ;

- la circulation des agents du département représente un pourcentage relativement faible par rapport aux flux de circulation sur les voies mais en revanche engorge les accès de l'hôtel du département à l'intersection en cause à certaines heures ;

- les études de faisabilité, réalisées dans le cadre du nouveau plan de circulation, font apparaître qu'il n'y pas d'impossibilité technique majeure à la réalisation d'un giratoire et occultent l'impact et les conséquences de l'implantation de l'édifice sur les flux circulatoires ;

- sept ans après la signature, la ville n'a pas engagé le moindre commencement des travaux prévus au carrefour de l'avenue d'Alsace et de la rue de Semm ;

- le préjudice correspond à la somme de 304 898 euros, versée pour la réalisation des travaux publics qui n'ont pas été réalisés ;

- la circonstance que le prix de vente de la parcelle ait été inférieur à l'évaluation des Domaines est sans incidence sur la faute contractuelle de la ville consistant à ne pas avoir exécuté une de ses obligations ; aucune règle n'interdit à une collectivité de faire une cession à un prix inférieur à l'avis des Domaines ; une telle cession est licite dès lors qu'un intérêt public local s'attache à cette cession ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 décembre 2009, présenté pour la VILLE DE COLMAR ; elle maintient l'ensemble de ses conclusions et soutient que :

- elle n'a souscrit aucune obligation d'aménager le carrefour précis formé par l'avenue d'Alsace et la rue de la Semm ;

- la volonté des parties a évolué, de la promesse de vente du 22 décembre 1998 à la convention du 9 mars 1999, vers un élargissement du champ d'action des aménagements routiers ;

- le département admet désormais que l'absence de réalisation d'un carrefour giratoire n'est pas constitutive d'une faute ;

- les aménagements réalisés en amont du carrefour de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm correspondent à ses engagements contractuels ; aucune stipulation contractuelle n'impose une distance minimale à respecter entre les aménagements à réaliser et le nouvel Hôtel du département ;

- les aménagements se sont concentrés sur l'Avenue d'Alsace parce que l'entrée de l'Hôtel du département est située sur cet axe ;

- l'aménagement d'un giratoire, techniquement possible, n'était ni nécessaire, ni pertinent ; l'étude du CETE d'août 2003 conclut à la maîtrise des flux de circulation avec le fonctionnement des feux placés au carrefour ;

- la ville est allée au-delà de son engagement contractuel, les travaux réalisés s'étant élevés à 384 100 euros, soit 25 % de plus que la somme versée par le département du Haut-Rhin ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 6 janvier 2010, présenté pour le département du Haut-Rhin ; il soutient que :

- la commune intention des parties n'a pas évolué entre la promesse de vente et la conclusion de la convention définitive ; il n'y avait aucun doute dans l'esprit des parties comme il résulte des nombreuses correspondances échangées ;

- la faute reprochée à la ville n'est pas de ne pas avoir réalisé un giratoire, mais de n'avoir réalisé aucun aménagement à ce carrefour précis ;

- les trois études techniques réalisées en 2001, 2003 et 2005 portaient sur la problématique de l'aménagement du carrefour Alsace/Semm ; l'étude de Vialis réalisée en 2005 énonce bien que le fonctionnement du carrefour à feux actuel est en limite de saturation ;

- la ville n'a définitivement renoncé à l'aménagement du carrefour concerné que par courrier du 14 septembre 2005, malgré de nombreuses négociations ;

- en janvier 2004, le maire de Colmar envisageait encore la réalisation d'un giratoire au carrefour Alsace/Semm après une période d'observations d'au moins un an ;

- l'accessibilité de l'ouvrage en amont n'était pas l'objet de l'engagement contractuel de la ville ;

Vu le mémoire complémentaire en réplique, enregistré le 19 janvier 2010, présenté pour le département du Haut-Rhin ;

- l'acte de vente, rédigé par le département du Bas-Rhin, a précisé les obligations de la ville ;

- l'étude réalisée par Vialis en 2005 énonce que la création d'un giratoire ne laisse que peu de marge par rapport à l'augmentation du trafic ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Hager, pour Me Venturelli, avocat de la VILLE DE COLMAR, et de Me Aubert, pour la SCP Philippe Petit et Associés, avocat du département du Haut-Rhin ;

Vu la note en délibéré produite le 16 février 2010 pour la VILLE DE COLMAR ;

Sur les prétentions indemnitaires du département du Haut-Rhin :

Considérant que, par convention en date du 9 mars 1999, la VILLE DE COLMAR a vendu au département du Haut-Rhin une parcelle, située à l'angle de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm à Colmar, en vue de la construction du nouveau siège du département pour un montant de 5 millions de francs (762 245 euros) ; que cette convention fixait la valeur dudit terrain à 3 millions de francs (457 347 euros) et précisait, d'une part, l'engagement de la ville à prendre en charge et à ses frais les aménagements routiers qui seront rendus nécessaires pour adapter les carrefours et voies existants de l'avenue d'Alsace , et, d'autre part qu'une aide lui serait accordée par le département par le versement de la somme de 2 millions de francs (304 898 euros) pour réaliser les aménagements routiers rendus nécessaires pour aménager les carrefours et voies existants de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm ; que cette convention avait été précédée par une promesse de vente, en date du 22 décembre 1998, qui stipulait que la VILLE DE COLMAR s'engageait à prendre en charge et à ses frais l'aménagement du carrefour formé par la rue de la Semm, l'avenue d'Alsace et l'avenue de Fribourg ; qu'à cet acte de vente était annexée la délibération de la commission permanente du conseil général du Haut Rhin en date du 18 décembre 1998 approuvant l'acquisition du terrain et indiquant que le département attribuera en outre une somme de 2 millions de francs pour aider la ville à réaliser les aménagements routiers qui sont rendus nécessaires pour adapter les carrefours et voies existants de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm ainsi que la délibération du conseil municipal de Colmar du 25 janvier 1999 décidant la vente de la parcelle en cause et dont l'exposé des motifs indiquait que le département du Haut-Rhin verserait à la ville la somme de 2 000 000 F pour réaliser les aménagements routiers qui seront rendus nécessaires pour adapter les carrefours et voies existants à l'augmentation de trafic due à ce nouvel équipement. La ville aura toute latitude pour définir, seule, la nature des travaux ; qu'il ressort des stipulations précitées de la convention du 9 mars 1999 et des délibérations qui y étaient jointes, nonobstant leurs quelques différences de rédaction, que les parties doivent être regardées, alors même que ces aménagements ne prendraient pas nécessairement la forme d'un giratoire au carrefour de l'avenue d'Alsace et de la rue de la Semm, comme ayant entendu convenir que l'engagement de la VILLE DE COLMAR portait sur des travaux ayant un lien direct avec l'implantation du nouvel équipement, notamment en vue d'améliorer ses conditions de desserte et d'accès ;

Considérant, en premier lieu, que la VILLE DE COLMAR, qui n'a pas réalisé de travaux d'aménagement du carrefour situé à l'intersection entre l'avenue d'Alsace et la rue de la Semm, ainsi qu'il lui était loisible eu égard à ce qui précède, soutient cependant avoir procédé à des aménagements routiers au nord de l'avenue d'Alsace, sur quatre carrefours, dont deux accompagnés de l'élargissement de la chaussée, pour un coût total de 446 700 euros et qu'elle a ainsi amélioré la fluidité et la desserte du nouvel équipement du département ; que toutefois il résulte de l'instruction que les travaux effectués, situés pour trois des carrefours à plus d'un kilomètre du site de l'Hôtel du département, après des études de faisabilité qui au demeurant ne prennent pas en compte spécifiquement l'existence de l'Hôtel du département, s'inscrivaient plus globalement dans le cadre du nouveau plan de circulation de la ville, arrêté en 2002, visant à améliorer la desserte de la rocade extérieure, dont l'avenue d'Alsace constitue un tronçon et n'ont pas un lien direct avec le nouvel équipement ; qu'elle n'établit pas en particulier que ces travaux auraient été conçus en vue d'adapter la voie à l'augmentation du trafic due à cet équipement, auquel les agents et le public accèdent par la rue de la Semm ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'elle avait méconnu ses obligations nées du contrat de vente conclu le 9 mars 1999 et l'a condamnée à reverser au département la somme qu'elle avait reçue pour le financement desdits travaux ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que la VILLE DE COLMAR a vendu la parcelle destinée à la construction du nouvel Hôtel du département à un prix inférieur à l'estimation faite par le service des domaines est sans incidence sur la réalité du manquement contractuel qui vient d'être constaté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE COLMAR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de son maire en date du 9 janvier 2006 rejetant la demande indemnitaire présentée par le président du conseil général du Haut-Rhin et l'a condamnée à verser au département du Haut-Rhin la somme de 304 898 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département du Haut-Rhin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la VILLE DE COLMAR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à la demande présentée sur le fondement des mêmes dispositions par le département du Haut-Rhin et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la VILLE DE COLMAR ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la VILLE DE COLMAR est rejetée.

Article 2 : La VILLE DE COLMAR versera une somme de 2 000 euros au département du Haut-Rhin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE COLMAR et au département du Haut-Rhin.

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N° 09NC00447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00447
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : VENTURELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-02-18;09nc00447 ?
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