Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 février 2008, complétée par des mémoires enregistrés les 9 février et 7 avril 2009, présentés pour Me Claus, administrateur judiciaire, liquidateur de la société à responsabilité limitée (SARL) LES CARRIERES D'ACHENHEIM, demeurant 5 rue des frères Lumière à Eckbolsheim (67201), par Me Schneider ; Me Claus demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602163 en date du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Les CARRIERES D'ACHENHEIM en réduction du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 613-3 et 4 et R. 621-1 du code de justice administrative, un supplément d'instruction ou une expertise en vue d'établir, en premier lieu, les conditions de déroulement des opérations de vérification relatives à l'exercice 2002-2003, en deuxième lieu, de demander à l'administration de produire les justificatifs relatifs à l'indication des voies et délais de recours par l'administration en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés mis en recouvrement au titre de l'exercice 1999-2000, en troisième lieu, d'ordonner toutes mesures afin de déterminer les résultats de la société au titre des exercices 1999 à 2003, le montant des travaux en cours réintégrés à tort dans les produits de l'exercice 1999-2000, les modalités de calcul des produits comptabilisés au titre des ventes réalisées par la société en tant que marchand de biens, la nature réelle des sommes regardées comme des plus-values par l'administration et, enfin, de vérifier si existent des justificatifs relatifs aux salaires payés à M. Belfiore et si la commission SOEREC a bien été versée dans les caisses de la société ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que les premiers juges n'ont pas examiné ses moyens relatifs au report du déficit constaté au titre de l'exercice 1999-2000 sur les résultats des exercices postérieurs ;
- que M. Antoine Belfiore n'était pas dirigeant de fait de la SARL LES CARRIERES D'ACHENHEIM ;
- que la procédure de vérification de comptabilité concernant l'exercice 2002-2003 est irrégulière en ce qu'elle avait commencé avant la date mentionnée du 9 avril 2003, la preuve contraire incombant à l'administration, seule en mesure de détenir les éléments de preuve ;
- que les notifications de redressements sont insuffisamment motivées au regard de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les modalités de rattachement des produits aux exercices en litige, alors que l'administration avait pris une position formelle, dans une précédente vérification, sur le mode de comptabilisation de ces produits par la société ;
- à titre principal que les profits des opérations pour lesquelles le transfert de propriété se faisait au fur et à mesure du versement d'acomptes, soit celles relatives à la rue des Erables à Achenheim et à la rue du Maître à Furdenheim, doivent être rattachés aux exercices en fonction de l'avancement des travaux en vertu de la documentation administrative 4 A-221 du 9 mars 2001, applicable à la société qui avait, en vertu de l'article 1791-1 du code civil, la qualité de constructeur d'ouvrage pour son activité de promotion immobilière ;
- à titre subsidiaire, que la société pouvait prétendre à l'imputation du déficit de l'exercice 1999-2000 sur les résultats des exercices ultérieurs, dès lors qu'elle n'a pas été informée des voies et délais de recours par l'avis d'imposition relatif à l'exercice 1999-2000 et que l'administration ne démontre pas l'en avoir informée ; qu'ainsi, aucune prescription ne pouvait être opposée à sa réclamation formulée dans les délais de recours contentieux ;
- qu'elle prend acte, sous couvert de la production d'une décision de dégrèvement que l'administration admet avoir commis des erreurs de calculs en ce qui concerne les résultats imposés par rapport à ceux qui étaient imposables après des dégrèvements précédents ;
- que la valeur vénale de l'immeuble situé 23 rue des Erables à Achenheim devait être établie hors taxes, soit à un montant de 248 500 euros, au lieu de celui de 300 000 euros retenu par l'administration et correspondant à un montant toutes taxes comprises ;
- que les produits des ventes résultant de l'activité de marchand de biens devaient être retenus pour un montant hors taxes et non pour un montant toutes taxes comprises, ainsi que la société les a comptabilisés ;
- que la société maintient ses contestations sur les autres redressements pour les motifs mentionnés dans les mémoires produits devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2008, complété par mémoire enregistré le 19 août 2008, présentés par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre conclut :
- au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé en appel ;
- au rejet du surplus de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2009 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de Mme Fischer-Hirtz, rapporteur public,
- et les observations de Me Schneider, avocat de Me Claus, liquidateur de la SARL LES CARRIERES D'ACHENHEIM,
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 30 juillet 2008, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin a prononcé les dégrèvements en droits et pénalités, à concurrence respectivement de 27 961 euros et 10 859 euros, correspondant à la totalité des compléments d'impôts sur les sociétés et de contribution additionnelle auxquels la société à responsabilité limitée (SARL) LES CARRIERES D'ACHENHEIM a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que le déficit de l'exercice clos en 2000 devait être reporté sur les exercices ultérieurs, manque en fait ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité de l'exercice clos en 2003 :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, que le vérificateur aurait commencé la vérification de comptabilité relative à l'exercice clos en 2003 avant la date du 9 avril 2003 mentionnée sur l'avis de vérification du 26 mars 2003, alors même que la vérification de comptabilité des exercices clos en 2001 et en 2002 était en cours depuis le 14 janvier 2003 ;
En ce qui concerne la motivation des notifications de redressements :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les deux notifications de redressements du 30 juin 2003 relatives respectivement aux périodes closes en 2001 et 2003, qui comportent les bases et éléments de calculs ainsi que leurs modalités de détermination, sont suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'imposition de produits provenant de ventes en l'état futur d'achèvement :
Considérant que Me Claus, administrateur judiciaire de la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM fait valoir, à titre principal, que la société a régulièrement déclaré les produits provenant de la vente d'immeubles en l'état futur d'achèvement au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et, à titre subsidiaire, que si ces profits devaient être rattachés à l'exercice de livraison des immeubles, il conviendrait d'appliquer également les mêmes règles à l'exercice clos en 2000, de constater l'existence d'un déficit, et, alors même que l'administration a prononcé le dégrèvement des impositions dues au titre de cet exercice, d'imputer ce déficit sur les impositions contestées des années ultérieures ;
S'agissant des conclusions présentées à titre principal :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison des 1, 2 et 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ainsi que de l'article 1787 du code civil, et qu'il n'est pas contesté par la société requérante, que l'imposition des produits provenant de ventes d'appartements en l'état futur d'achèvement devait être rattachée aux exercices au cours desquels était intervenue la livraison des biens ; que la circonstance que la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM avait comptabilisé ces produits au fur et à mesure de l'avancement des travaux et qu'elle n'aurait plus, ensuite, été en mesure de modifier ce mode de comptabilisation, ne saurait, contrairement à ce que soutient la contribuable, avoir une influence sur l'application des dispositions susmentionnées du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que la contribuable ayant pour activité la promotion immobilière, Me Claus ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 18 de la doctrine administrative 4 A-221 du 9 mars 1981 relative aux entreprises de construction ou de travaux publics, dans les prévisions de laquelle la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM n'entre pas ;
S'agissant des conclusions présentées à titre subsidiaire :
Considérant, en premier lieu que l'administration fiscale a, devant le tribunal administratif, prononcé la décharge des impositions établies au titre de l'exercice clos en 2000 ; que, par suite, les conclusions d'appel relatives à cet exercice, qui ne tendent pas à remettre en cause le bien-fondé d'impositions dues au titre de cet exercice, sont, en raison de l'annualité de l'impôt sur les sociétés, irrecevables ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il incombe au contribuable d'apporter la preuve de la réalité des déficits qu'il invoque ; que le requérant, qui se borne à déduire des résultats imposés au titre de l'exercice 2000 les produits de ventes d'appartements qui se rattacheraient à d'autres exercices, sans apporter de justifications précises, n'apporte en tout état de cause pas la preuve qui lui incombe du montant du déficit allégué ; que le moyen tiré de ce que la société Les CARRIERES D'ACHENHEIM aurait pu prétendre à l'imputation d'un tel déficit sur les années encore en litige ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, enfin, que Me Claus ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 B du même livre, le dégrèvement d'office de l'impôt sur les sociétés dû par la société au titre de l'exercice clos en 2000, prononcé par l'administration sur le fondement de l'article R* 211-1 du livre des procédures fiscales, qui avait pour objet d'éviter une double imposition des produits déclarés par la société au titre de cet exercice et imposés au titre des exercices ultérieurs à la suite du redressement prononcé par l'administration et n'était pas motivé, contrairement à ce que soutient le requérant, par l'existence d'un déficit reportable sur les exercices ultérieurs ;
En ce qui concerne l'acte anormal de gestion provenant de la sous-évaluation d'un immeuble situé 23 rue des Erables à Achenheim :
Considérant que l'administration, qui avait à l'origine estimé que la valeur vénale normale de l'immeuble situé 23 rue des Erables à Achenheim devait être fixée à 400 319 euros, n'a pas contesté, devant le tribunal administratif, les éléments de comparaison produits par la contribuable, selon lesquels la valeur vénale maximale de l'immeuble était de 300 000 euros toutes taxes comprises, soit 248 500 euros hors taxes ; que, dans ces conditions, la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé la valeur vénale de cet immeuble comme anormale au-delà du montant de 248 500 euros et à demander, en conséquence, la décharge des impositions correspondantes ;
En ce qui concerne les produits de l'activité de marchand de biens :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 A de l'annexe III au code général des impôts : Le compte de résultat dont la production est prévue à l'article 38 est présenté hors taxes ; qu'il n'est pas contesté que la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM a comptabilisé les produits de son activité de marchand de biens toutes taxes comprises ; que, dès lors, Me Claus est fondé à demander la décharge des impositions correspondant à ces produits en tant qu'ils ont été imposés sur leur montant toutes taxes comprises et non sur leur montant hors taxes ;
En ce qui concerne les autres chefs de redressements :
Considérant que pour contester l'imposition de produits supplémentaires regardés comme des plus-values, de salaires versés à M. Belfiore et de commissions, Me Claus se borne à déclarer purement et simplement qu'il maintient sa contestation pour les motifs indiqués dans les mémoires produits devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Me Claus est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les redressements à la fixation au-delà d'un montant de 248 500 euros de la valeur vénale de l'immeuble situé 23 rue des Erables à Achenheim et de l'imposition des produits de l'activité de marchand de biens de la société sur leur montant toutes taxes comprises et non hors taxes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de condamner l'Etat à payer à Me Claus une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 38 820 euros, en ce qui concerne les compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle qui ont été réclamés à la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM au titre de l'exercice clos en 2002, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : La société LES CARRIERES D'ACHENHEIM est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés encore en litige auquel elle a été assujettie en tant qu'ils proviennent, d'une part, de ce que les produits de l'activité de marchand de biens de la société ont été imposés sur leur montants toutes taxes comprises et non sur leur montant hors taxe et, d'autre part, de ce que le service a considéré que la valeur vénale de l'immeuble situé 23 rue des Erables à Achenheim excédait 248 500 euros.
Article 3 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société LES CARRIERES D'ACHENHEIM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Me Claus est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me Claus, mandataire judiciaire de la société Les CARRIERES D'ACHENHEIM et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08NC00232